Le président russe Vladimir Poutine a récemment fait une déclaration lors de sa 10e conférence de presse de fin d'année, dans laquelle il a réaffirmé la ligne dure du Kremlin en ce qui concerne la protection des intérêts nationaux, au mépris des pressions politiques externes et des sanctions occidentales.
Pour ce faire, la Russie continuera de se montrer intransigeante en matière de politique étrangère et procédera à une restructuration de son économie, tout en intensifiant de manière régulière sa force militaire et sa capacité de défense nationale.
UN OURS ASSIEGE
La Russie a été assiégée par une guerre d'influence avec l'Occident depuis que la crise a éclaté en Ukraine, dans laquelle le Kremlin est accusé par l'Occident d'avoir joué un rôle. Une série de sanctions contre Moscou ont été imposées dans la foulée par Washington et ses alliés européens.
En raison du refroidissement de ses relations avec l'Occident, la Russie se tourne dorénavant vers l'Orient, en particulier la région de l'Asie-Pacifique.
Tout en affirmant à maintes reprises qu'il n'a jamais été question de réduire la coopération avec l'Europe et les Etats-Unis, la Russie a parallèlement consolidé ses liens cette année avec des pays comme la Chine, l'Inde, la Turquie, l'Iran, le Vietnam, la Corée du Sud et la République populaire démocratique de Corée (RPDC), ce qui a abouti à la conclusion d'une multitude d'accords.
M. Poutine a également souligné que Moscou allait restaurer et élargir ses liens traditionnels "avec le sud du continent américain et poursuivre sa coopération avec les pays d'Afrique et du Moyen-Orient".
Par ailleurs, la Russie a apporté la preuve de son intransigeance en se retirant du projet de gazoduc South Stream visant à alimenter l'Europe et en mettant en oeuvre des mesures anti-sanctions, comme l'interdiction portant sur l'importation de produits agro-alimentaires en provenance des pays concernés.
Certains experts russes s'attendent à de nouvelles sanctions de l'Occident contre la Russie, sans pour autant écarter la possibilité d'affrontements militaires indirects, en particulier sur les territoires ukrainiens, entre les troupes russes et celles de l'OTAN.
"La Russie n'est absolument pas intéressée dans une confrontation, quelle qu'elle soit", a déclaré Sergueï Markov, directeur de l'Institut russe de recherches politiques.
Pourtant, le pays doit se défendre contre les tentatives non dissimulées de l'Occident de renverser le régime actuel en s'appuyant sur la crise géopolitique en Ukraine, a souligné cet expert.
Timofei Bordatchev, directeur du Centre d'études européennes et mondiales, un groupe de réflexion influent à l'Ecole des hautes études en sciences économiques, estime pour sa part que, bien que M. Poutine ait affirmé à plusieurs reprises sa volonté d'améliorer les relations avec l'Occident, le président est parfaitement conscient qu'il ne peut y avoir aucun compromis au détriment des intérêts nationaux de la Russie.
AIGUISER LES DENTS ET LES GRIFFES DE L'OURS
Comparant la Russie à un ours, M. Poutine a déclaré que son pays ne doit pas baisser sa garde, sinon il perdra ses dents et ses griffes et deviendra un trophée de chasse.
Il a insisté sur le fait que la doctrine militaire de la Russie resterait purement défensive, avant d'affirmer que la Russie n'était pas en train d'attaquer l'Occident sur le plan politique, mais cherche simplement à accélérer la cadence en ce qui concerne la protection de ses propres intérêts nationaux.
"Il s'agit de protéger notre indépendance, notre souveraineté et notre droit d'exister", a-t-il martelé.
Dans le bras de fer en cours avec l'Occident et au vu de la menace d'une présence militaire accrue de l'OTAN en Europe de l'Est, la Russie a ajusté le déploiement de son armée et accéléré son réarmement.
En octobre, les données présentées par le comité de défense de la Douma indiquaient que le budget de la défense nationale de la Russie pour 2015 atteindra le niveau record de 3.300 milliards de roubles (plus de 64 milliards de dollars), et que ceux de 2016 et 2017 seront respectivement fixés à 3.100 milliards de roubles (plus de 60 milliards de dollars) et 3.230 milliards de roubles (plus de 63 milliards de dollars).
Depuis le projet de système d'alerte aux missiles balistiques basé dans l'espace jusqu'au projet de lancement de satellites à des fins défensives, en passant par le nouveau centre de la défense nationale et le commandement militaire stratégique de l'Arctique, la Russie s'est attachée à accroître l'efficacité et l'utilité de son mécanisme de défense nationale.
En ce qui concerne le réarmement, la Russie envisage de moderniser au moins 70% de l'équipement de ses forces armées et 85% de ses armes nucléaires stratégiques jusqu'en 2020, grâce à une enveloppe de 20.000 milliards de roubles (plus de 391 milliards de dollars).
Il est à noter que la Russie a également renforcé la formation d'unités militaires en Crimée et le déploiement militaire dans les régions arctiques.
Le pays a par ailleurs renforcé sa capacité de dissuasion nucléaire, notamment en consolidant la défense de son espace aérien à l'aide d'un arsenal nucléaire capable de mener une première frappe.
DEFIS ECONOMIQUES
Par rapport à la solidité de la capacité de défense russe soutenue par des forces de sécurité nationales fortes, la base économique de la Russie a été gravement compromise par la baisse du prix du pétrole et les sanctions occidentales.
Le 15 décembre, la Banque centrale russe a admis que l'économie du pays pourrait sombrer dans une récession dans les deux prochaines années, tandis que les chiffres avancés par le vice-ministre de l'Economie Alexeï Vedev prévoient une baisse de 0,8% du PIB en 2015.
Cependant, tout en admettant que les sanctions occidentales ont sérieusement nuit à l'économie russe, M. Poutine a déclaré lors de sa conférence de presse de fin d'année que la situation n'avait pas encore dégénéré et qu'il faudrait dans le pire des cas attendre encore deux ans pour que l'économie russe se redresse.
M. Poutine a également estimé qu'il était possible de profiter de la situation actuelle pour offrir de meilleures conditions à l'industrie manufacturière, ce qui pourrait constituer un premier pas pour diversifier l'économie russe.
Malgré le fait qu'il est difficile à court terme de réduire la forte dépendance de la Russie sur les exportations énergétiques, le gouvernement a entrepris de prendre des mesures de restructuration économique, ainsi que d'encourager la substitution des produits importés tels que le matériel militaire et les produits alimentaires.
Certains experts russes ont déclaré que cette restructuration ne signifie pas que le modèle de développement axé sur l'énergie sera abandonné à 100%, mais qu'il s'agit d'attacher plus d'importance aux exportations dans les secteurs non-énergétiques et de stimuler la production nationale.
Le 19 décembre, le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a exhorté le gouvernement à se concentrer sur le soutien au secteur de l'innovation comme un moyen de créer une économie plus autosuffisante.
Etant donné le contexte actuel, les projets encourageant l'innovation doivent bénéficier d'un important soutien financier, car il s'agit de la seule chance pour la Russie de surmonter l'adversité actuelle et d'être prête à faire face aux défis mondiaux, a déclaré Nikolaï Solobuto, directeur général de l'agence d'investissement Finam.