Dernière mise à jour à 08h28 le 24/01
Le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre japonais Shinzo Abe n'ont pas atteint mardi de consensus majeur sur les différends territoriaux vieux de plusieurs décennies qui bloquent les pourparlers sur un traité de paix.
Lors d'un point de presse tenu à l'issue de la 25e réunion entre les deux dirigeants à Moscou, M. Poutine a déclaré que la Russie et le Japon avaient "un travail méticuleux à accomplir" pour créer les conditions permettant de parvenir à un traité de paix.
"Nous avons une fois de plus confirmé notre intérêt pour la signature de ce document (...) La solution devra être acceptable pour les peuples de la Russie et du Japon", a-t-il indiqué aux journalistes.
A la même occasion, M. Abe a indiqué que lui et M. Poutine avaient évoqué la question du traité de paix "sans rien se cacher".
"Le président Poutine et moi saluons le début des pourparlers concrets entre nos ministres des Affaires étrangères la semaine dernière", a-t-il affirmé, ajoutant que "ces discussions avaient été franches et sérieuses".
Les deux dirigeants ont convenu de poursuivre leur travail conjoint pour rechercher une solution mutuellement acceptable, selon M. Abe.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et son homologue japonais Taro Kono ont tenu la première série de pourparlers le 14 janvier à Moscou et en ont rapporté les résultats à MM. Poutine et Abe lors de la réunion de mardi.
MM. Lavrov et Kono tiendront leur prochaine série de pourparlers en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité le mois prochain, a révélé M. Abe.
"Il est difficile de régler cette question en suspend depuis plus de 70 ans, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais nous devons le faire", a souligné le chef du gouvernement japonais.
DISPUTES DE LONGUE DATE
La Russie et le Japon n'ont pas signé de traité de paix après la Seconde Guerre mondiale, en raison de leur revendication rivale de quatre îles du Pacifique, appelées "Kouriles du Sud" par la Russie, et "Territoires du Nord" par le Japon.
L'armée soviétique a pris les quatre îles au cours des derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Après l'effondrement de l'Union soviétique, elles ont été annexées par la Russie.
Selon une déclaration conjointe signée en 1956, l'Union soviétique d'alors a accepté de retourner deux des îles à condition qu'un traité de paix bilatéral soit signé, tandis que le Japon refusait de signer un tel accord, insistant sur la restitution des quatre îles.
Toutefois, Moscou a récemment durci sa position, exigeant que les pourparlers sur le traité de paix reposent sur la pleine reconnaissance par le Japon de l'issue de la Seconde Guerre mondiale, notamment la souveraineté russe sur toutes les îles disputées.
La semaine dernière, M. Lavrov a affirmé à M. Kono, en visite en Russie, que "la souveraineté (russe) sur ces quatre îles n'était pas sujette à discussion. Elles font partie du territoire russe". Les deux diplomates n'ont pas donné de conférence de presse commune.
"Les parties impliquées dans cette situation difficile sauveront la face et maintiendront une attitude positive. Mais il ne faut pas s'attendre à des progrès significatifs dans le dialogue", a déclaré Kristina Voda, chercheuse à l'Institut de l'économie mondiale et des relations internationales de l'Académie des sciences de Russie.
Selon elle, si Moscou et Tokyo s'en tiennent à leurs positions fondamentales, le problème restera sans issue.
"Les positions sont trop divergentes. Elles sont inscrites dans la législation et enracinées dans la conscience publique des deux pays", a-t-elle indiqué.
Les négociations se trouvent dans une impasse et l'espace pour le compromis est très faible, a estimé Valeri Kistanov, chef du Centre d'études japonaises à l'Institut d'études de l'Extrême-Orient de l'Académie des sciences de Russie.
ENJEUX ECONOMIQUES
A en croire M. Poutine, les échanges commerciaux entre la Russie et le Japon ont augmenté de 18% à près de 20 milliards de dollars pour la période de janvier à novembre 2018.
"Il sera possible, dans les années à venir, d'avoir pour objectif d'augmenter le commerce russo-japonais d'au moins 50%, à 30 milliards de dollars", a prévu M. Poutine lors du point de presse de mardi.
Mme Voda a expliqué que la volonté de la Russie de faire du commerce avec le Japon rapprochait les deux pays malgré leur désaccord.
"La partie russe cherche de nouvelles ressources et investissements en Extrême-Orient. La Russie a besoin des investissements et des technologies du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud", a-t-elle précisé.
MM. Poutine et Abe ont également convenu mardi de poursuivre leurs efforts pour organiser des activités économiques conjointes sur les îles disputées dans cinq sphères : l'aquaculture, la culture sous serre, l'énergie éolienne, le tourisme et la transformation des déchets.
Ils ont demandé aux parties et organisations concernées de lancer des activités économiques conjointes dès que possible.
M. Kistanov a toutefois émis des doutes sur l'avenir d'un tel partenariat, d'autant que "tout dépend de la base juridique utilisée".
Les Japonais ne sont pas disposés à agir sur la base de la législation russe, car cela signifierait la reconnaissance indirecte par le Japon de la souveraineté russe sur ces îles, a-t-il expliqué, ajoutant qu'il en allait de même pour les Russes.