Dernière mise à jour à 10h42 le 05/02
A peine évoquée dans la presse française, l'hypothèse d'un référendum à l'issue du "grand débat national", qui aurait lieu le jour des élections européennes, a suscité de vives réactions dans l'opposition, le scepticisme d'une partie de la majorité et une forme de rétropédalage dans les rangs de l'exécutif.
En réponse à une revendication des "gilets jaunes" de participer davantage à la vie démocratique du pays, le président Emmanuel Macron, fragilisé par plus de deux mois d'une crise sociale inédite, songerait à organiser un référendum le jour des élections européennes, le 26 mai prochain.
C'est en tout cas ce qu'affirme le Journal du Dimanche (JDD) qui cite des sources "haut placées".
L'information, bien que non confirmée, a immédiatement provoqué un flot de réactions, contraignant lundi le gouvernement à temporiser.
Cette option n'est "pas encore à l'ordre du jour", a affirmé le Premier ministre Edouard Philippe, en déplacement à Beauvais. "Il y a un grand débat qui est en cours (...) La question de savoir dans quelles conditions, sur quelles propositions nous sortirons du débat est une question qui n'est pas encore à l'ordre du jour", a-t-il dit devant la presse sans plus de commentaire.
"Aujourd'hui, la décision du référendum n'est absolument pas prise", a assuré de son côté le chef de file de la majorité à l'Assemblée, Gilles Le Gendre. "Toutes les questions sont évoquées, le référendum est une option parmi d'autres", a-t-il déclaré.
L'hypothèse d'un référendum reste cependant crédible tant la marge de manœuvre du président Macron est mince pour trouver une sortie par le haut à la crise des "gilets jaunes".
"L'enjeu central est de parvenir à une forme de coproduction démocratique. Je pense qu'il faudra sans doute qu'un référendum soit organisé sur des questions multiples pour valider cette consultation, ce qui serait une grande première", estimait dans une récente interview accordée à Xinhua Jean Guarrigues, professeur d'histoire contemporaine à l'Université d'Orléans.
Quelles options s'offrent aujourd'hui à Emmanuel Macron pour tenter de relancer son quinquennat? La première, un changement de Premier ministre, ne répondrait manifestement pas aux demandes de justice sociale exprimées par les contestataires et à leur colère qui se cristallise sur la personne du chef de l'Etat.
La seconde, une dissolution de l'Assemblée nationale, pourrait le priver d'une majorité confortable. Elle comporte en effet des risques certains : le président Jacques Chirac, en 1997, en a fait les frais.
La troisième hypothèse, celle d'une grande réunion avec les partenaires sociaux, apparaît elle aussi inadéquate face aux attentes de l'opinion dans un contexte où les corps intermédiaires sont tout aussi discrédités que les politiques.
Quant à l'option du référendum, elle pourrait se transformer en plébiscite pour ou contre le président français.
A cela s'ajoute un problème de calendrier. La concomitance d'un éventuel référendum avec les élections européennes du 26 mai suscite logiquement des critiques dans l'opposition mais aussi des inquiétudes dans la majorité.
La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a fustigé dimanche une "manœuvre" de M. Macron. "Avant même d'avoir lancé le grand débat, il avait déjà décidé de proposer un référendum le jour des européennes pour détourner évidemment le sujet d'intérêt des européennes, où il sait que les positions qu'il défend sont tout à fait minoritaires dans le pays", a-t-elle affirmé dimanche sur BFMTV.
A l'autre bout de l'échiquier politique, l'extrême gauche dénonce "une tentative d'entourloupe de la part du gouvernement" pour "étouffer le mouvement" des "gilets jaunes".
"Nous avons besoin d'un vrai débat sur les européennes, un vrai débat sur l'avenir de l'Europe, et ce serait absurde de remplacer ce débat par une discussion sur des questions d'intérêt national", a de son côté estimé la tête de liste du parti Les Républicains, François-Xavier Bellamy. "On ne sortira pas de la crise actuelle par un référendum", juge-t-il.
Dans les rangs de la majorité aussi, on exprime des réserves quant au calendrier et au risque de mélange des genres. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a ainsi déclaré lundi qu'il n'était "pas souhaitable" qu'un référendum ait lieu le même jour que les élections européennes.
Pour lui, "l'enjeu européen est suffisamment fort pour en faire un enjeu européen", a-t-il dit sur France Inter. "Le référendum c'est autre chose, c'est un enjeu national. Je ne pense pas qu'il faille mélanger les deux".
Le président français va consulter cette semaine tous les présidents de groupes représentés à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen. Il va également tenir ses cinquième et sixième débats publics.