Dernière mise à jour à 08h29 le 30/01
Après presque trois ans de pandémie, la Chine a annoncé fin décembre 2022 la fin des quarantaines obligatoires à l'arrivée sur son territoire à partir du 8 janvier. Dans le secteur du tourisme français, cette décision a suscité d'importantes attentes.
En 2019, la France avait accueilli près de 90 millions de touristes internationaux, ce qui en avait fait la première destination touristique mondiale en terme de visiteurs accueillis, selon les statistiques officielles. La même année, plus de 50 millions de touristes avaient visité la région parisienne, alors qu'avec 946.000 séjours, la clientèle touristique chinoise s'était alors classée en 2e position parmi les clientèles issues des marchés lointains, juste derrière la clientèle américaine, et avait généré plus d'un milliard d'euros de consommation touristique, d'après les chiffres du Comité régional du tourisme Paris Ile-de-France.
Un groupe de touristes chinois posent pour une photo devant l'Arc de Triomphe à Paris, en France, le 20 mars 2019. (Xinhua/Gao Jing)
Depuis l'optimisation de sa réponse à la COVID-19 par la Chine, la connectivité aérienne France-Chine se renforce progressivement, alors qu'elle avait été largement réduite durant la crise sanitaire. Ainsi, Air France assure désormais deux vols par semaine vers Shanghai et un vers Beijing. Trois vols directs hebdomadaires sont assurés vers Hong Kong depuis le 9 janvier, et un troisième pour Shanghai sera ajouté en février. Les capacités de transport de passagers devraient se renforcer d'ici l'été prochain, selon des informations fournies par l'ambassade de France en Chine.
"L'accueil des Chinois est essentiellement fait par des opérateurs spécialisés dans la clientèle chinoise ou asiatique. Bien évidemment, du fait de l'absence des Chinois, ils sont restés en apnée pendant trois ans, ce qui est extrêmement long, extrêmement dur. Ils ont bénéficié du soutien de l'Etat, mais le soutien, il n'y en a plus aujourd'hui, et ils aspirent donc au retour des Chinois", souligne Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du voyage, une association qui rassemble 1.674 entreprises représentant 85 % du marché des agences de voyages.
Des gens passent devant une affiche géante annonçant les soldes d'été devant le Grand Magasin des Galeries Lafayette à Paris, France, le 22 juin 2022. (Xinhua/Gao Jing)
Pendant les trois dernières années, Li Xiaotong, qui dirige l'entreprise Mandarin Voyages, un opérateur de tourisme culturel France-Chine basé à Paris, a recentré son activité sur le contenu en ligne et les visites de Paris destinées aux Chinois expatriés. Pour elle, la reprise est déjà sensible ; mais pour l'instant, cette reprise concerne surtout les Chinois d'outre-mer établis dans d'autres pays, des délégations d'entreprises ou des réunions familiales. Elle confirme cependant la forte demande des Chinois en matière de voyage. "Le voyage, ce n'est plus seulement une activité pour se reposer ou se divertir pour les Chinois, c'est un mode de vie. C'est grâce au voyage qu'on apprend et qu'on se comprend", déclare-t-elle.
La Samaritaine Paris Pont Neuf, le petit dernier des grands magasins parisiens, a rouvert ses portes en 2021. "Nous nous réjouissons de revoir les touristes chinois. Comme les locaux et les touristes (Français de province, Américains, visiteurs d'Asie du Sud-Est, Européens...) qui sont venus dans notre magasin depuis son ouverture, ils profiteront d'une rénovation exceptionnelle et d'une expérience client de qualité autour de l'art de vivre à la française", a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le Comité régional du tourisme Ile-de-France a prévu une conférence de presse entre fin février et début mai pour communiquer sur les chiffres de l'année 2022. De fait, la clientèle internationale a commencé à revenir en France durant l'été 2022. Le groupe Aéroports de Paris (ADP) a enregistré en 2022 un taux de reprise du trafic d'environ 80 % par rapport à 2019 - un chiffre à peu près conforme à ses prévisions - avec une reprise plus marquée en décembre, d'après un communiqué publié le 16 janvier 2023.
Dans la capitale française, des gens visitent le musée du Louvre le 19 mai 2021, le jour de sa réouverture après le confinement national dû à la COVID-19. (Xinhua/Gao Jing)
"Le retour des touristes chinois va être assez important. Il est en tous cas attendu comme très important. L'univers du voyage connaît ce qu'on appelle le 'revengetravel' (voyage de revanche) : les gens n'ont pas pu voyager pendant un certain temps, et ont donc besoin de voyager à tout prix, de ne plus être contraints. C'est pareil pour les Chinois", affirme Caroline Paul, qui a fondé il y a une dizaine d'années Talents Travel, un cabinet de stratégie spécialisé dans le marketing touristique destiné au marché chinois.
Les amateurs d'art chinois sont également très attendus dans les musées parisiens. Avant la pandémie, le musée du Louvre était l'un des sites favoris des touristes chinois à Paris. Pour l'heure, l'établissement ne dispose pas encore "d'éléments vérifiables" sur le retour des Chinois, qui représentaient 8,2 % de ses visiteurs en 2019, mais se déclare néanmoins "très serein".
"La venue des visiteurs chinois, c'est très incertain. Ce sera plutôt dans quelques mois, et encore, tout est vraiment incertain. C'est encore un peu tôt pour vous répondre là-dessus. Mais nous sommes sereins concernant le retour des Chinois. On sait vraiment les accueillir, ça fait vraiment partie de notre public", indique prudemment un responsable du musée.
En dépit de l'emballement médiatique ayant suivi l'annonce de la reprise des voyages entre la France et la Chine, Jean-Pierre Mas appelle à la patience. "Il faut se dire que pour un Chinois, un voyage en France, et en Europe en général. Ça se prépare. Ça s'anticipe. Ça ne se décide pas du jour au lendemain. C'est comme un voyage en Chine pour nous autres Européens (...) C'est quelque chose qui prend du temps", explique-t-il.
Avant la pandémie, plus de deux millions de touristes chinois se rendaient chaque année en France. "Si cette année on a un million de Chinois, ce sera déjà un très, très bon résultat", prévoit Jean-Pierre Mas.
Pour Caroline Paul, il y aura cependant un "avant" et un "après" COVID-19 dans la manière de voyager des Chinois. "Ils vont commencer à revoyager. Leurs voyages vont être plus longs. Ils vont rester plus longtemps. Ce sera des voyages beaucoup plus individuels, beaucoup plus haut de gamme", déclare-t-elle. Autant de comportements auxquels devront s'adapter les professionnels du tourisme français.
"Il va falloir travailler sur l'acquisition (des touristes) et la communication en Chine de manière beaucoup plus lissée dans le temps, et non pas sur des pics touristiques comme on le faisait avant. Et puis il faudra répondre à de nouveau besoins. Quand on regarde ce qui est proposé comme produits par les agences, c'est très basique, alors que les Chinois recherchent des produits exclusifs, haut de gamme, qui sortent des sentiers battus etc ... En fait, l'offre de produits des agences de voyage en ligne ne correspond plus aujourd'hui aux attentes, donc il y a un énorme travail à faire, il y a beaucoup d'opportunités sur ce marché-là", explique-t-elle.