Dans le musée du Xinjiang, j'ai pu contempler la « beauté de Loulan », une momie datant de l'ancien royaume de Loulan déterrée en 1980 à Lop Nor, au sud-est du Xinjiang. Cette momie avait fait sensation lorsqu'elle avait été exposée au Japon en 1992. Au cours de ma visite, j'ai constaté que les Ouïghours étaient loin d'être le seul groupe ethnique au Xinjiang, comme je le pensais de prime abord. Alors que nous nous baladions entre les objets anciens, notre guide nous présentait dans le détail les nombreuses minorités ethniques vivant dans la région, en décryptant leur culture, mœurs et histoire respectives. Nous avons appris que les divers peuples possédaient même leur propre collection d'instruments de musique. Il était fascinant de découvrir la nuance entre la dombra, d'origine kazakhe, et le dôtar, d'origine ouïghoure. J'en connais certains qui s'inquiètent du devenir des sociétés multi-ethniques, mais il me semble que leurs doutes s'apaiseraient après un tour dans ce musée.
Un peuple accueillant
J'ai été tout autant impressionné par l'hospitalité des gens du Xinjiang que par le fort développement de l'économie, de la culture et de la société de la région. Un ami à Beijing m'avait un jour montré une photo qu'il avait prise dans ma ville natale, Hokkaido, plus précisément dans un magasin de fruits de mer, commentant que le propriétaire avait gracieusement attrapé un des crabes de son aquarium, juste pour son cliché. Il lui en avait été très reconnaissant, car peu de Chinois en auraient fait autant pour des visiteurs n'ayant aucune intention d'acheter quoi que ce soit dans leurs boutiques. Mais mon expérience au Xinjiang a démontré le contraire. Un jour, alors que j'arpentais les rues de Kashgar, j'ai repéré un salon de coiffure pour hommes et y ai pénétré. Le coiffeur, qui était en train de tailler la barbe d'un client, me laissa prendre autant de photos que je le désirais. Son unique recommandation : « Capture au mieux mon art ! »
Les enfants que je croisais dans la rue m'adressaient leur plus large sourire quand je les visais avec mon objectif, et les chefs cuisiniers au Festival international du tourisme, de la culture et de la gastronomie de Kashgar se montraient tout aussi coopératifs avec les photographes et journalistes. Quand je me suis approché d'un jeune homme faisant griller un poisson, celui-ci s'est positionné de façon à me donner le meilleur angle possible pour ma photo. Il a même gardé son bras très proche des flammes en attendant que j'appuie sur le bouton. Aussi, à un étal faisant griller des baozi, le vieux chef s'est penché au-dessus de sa plaque chauffante pour m'indiquer que je pouvais prendre des clichés à mon gré.
Un soir, j'étais en train de photographier les anciennes résidences de Gaotai, un hameau ouïghour six fois centenaire construit sur une pente abrupte au nord-est de la vieille ville de Kashgar, lorsqu'un jeune garçon du coin est venu me demander : « Est-ce que je peux essayer ton appareil photo ? » La plupart des voyageurs répondraient instinctivement « non », car si nous n'en avons pas déjà été victimes, nous avons tous entendu des histoires terribles dans lesquelles des jeunes à l'air innocent posent la même question, puis prennent la poudre d'escampette avec les objets de valeur que les touristes imprudents avaient eux-mêmes placé entre leurs mains. Mais au Xinjiang, c'est différent. Muni de mon réflex, le garçon, tout joyeux, prit une photo de moi avec son frère, avant de me rendre mon bien. Voyant son enthousiasme pour la photographie, je lui ai enseigné quelques principes fondamentaux à savoir pour utiliser ce type d'appareil. Peut-être verra-t-on dans la ville, d'ici vingt ans, émerger un grand photographe. Je déclarerais alors fièrement que ce fut moi qui le mit sur les rails de cette carrière.
Quand je m'aventurais dans les rues et les boutiques de Kashgar, nombre de locaux s'approchaient de moi pour engager la conversation, me posant des questions du genre « De quel pays viens-tu ? » ou « Pourquoi es-tu ici ? » Il s'agit d'un peuple ouvert et tolérant. Et en se plongeant dans l'histoire il est facile de comprendre pourquoi : Kashgar, étape clé de la route de la Soie, a toujours été un melting pot à travers les âges. Cette caractéristique donne aux gens de Kashgar, et même à tout le peuple du Xinjiang, leur réputation de « diplomates civils », à l'heure où s'intensifient dans la région les échanges avec les pays de l'Asie centrale et du Sud.
À mon avis, tous les gens qui ont visité le Xinjiang peuvent témoigner de la gentillesse du peuple local, à la manière dont mon ami de Beijing racontait l'histoire de l'aimable commerçant d'Hokkaido.
INOUE TOSHIHIKO est rédacteur au magazine People's China.