INOUE TOSHIHIKO*
Dans les livres et films, le Xinjiang est présenté comme une région exotique d'un autre temps, et dans les médias, comme une zone de troubles. Mais l'auteur, sur place, a découvert un Xinjiang moderne, peuplé d'habitants chaleureux. Un contraste frappant entre les préjugés et la réalité...
Aux yeux des Japonais, le Xinjiang est en quelque sorte un lieu mythique, car beaucoup d'entre eux, moi y compris, en ont entendu parler pour la première fois à travers les descriptions que le classique chinois Pèlerinage vers l'Ouest fait des régions de l'Ouest. L'histoire de ce roman, rédigé au XVIe siècle, a été reprise par une légion de dessins animés, livres et films d'animation, et fascine toujours autant les petits Japonais d'aujourd'hui.
Au début des années 1980, le documentaire La route de la Soie a été diffusée sur le petit écran au Japon. Fort de son triomphe immédiat, il donna naissance à une vague de programmes et d'ouvrages prenant pour thème cette ancienne voie de communication, ravivant une passion commune pour les régions de l'Ouest. Les contes de ces contrées exotiques ont attisé l'imagination de nombreuses générations de Japonais. Il y a déjà 1300 ans, de précieuses reliques artisanales provenant de cette zone avaient été apportées au Japon. Certaines sont actuellement exposées aux musées de Nara, qui attirent chaque année des centaines de milliers de visiteurs.
Beaucoup de Japonais aspirent à se rendre au Xinjiang en empruntant la route de la Soie. Mais ce n'est pas chose aisée. Le Xinjiang est vaste – quatre fois le territoire du Japon – et loin. Par ailleurs, les sites touristiques sont éparpillés aux quatre coins de la région. L'expédition demande donc du temps et un solide budget. Pour ces raisons, la plupart des Japonais décident d'entreprendre ce périple une fois en retraite.
J'ai rencontré un groupe de voyageurs japonais au Grand Bazar de Kashgar, au sud-ouest du Xinjiang, considéré comme le plus grand marché d'échanges internationaux d'Asie centrale et de l'Ouest. La majorité des membres de ce groupe étaient des retraités, qui avaient déjà foulé cette région auparavant. Quand je leur ai demandé pourquoi effectuer une seconde visite, l'un d'entre eux a répondu : « Lors de mon premier séjour, je suis resté sidéré devant ce paysage, cette culture, ces coutumes. De plus, nos guides locaux n'avaient pas manqué de prévenance et de gentillesse à notre égard. Donc, me revoilà ! »
Certains Japonais hésitent à voyager au Xinjiang pour des questions de sécurité ; certains abandonnent l'idée face à l'opposition de leur famille. Mais bien qu'abondent au Japon les informations sur l'ancien Xinjiang, peu de connaissances circulent dans mon pays sur l'actuel Xinjiang. Ces visiteurs japonais que j'ai rencontrés m'ont tous confié qu'ils ne s'étaient à aucun moment sentis en danger dans cette zone et qu'ils n'avaient pas noté la moindre tension parmi les locaux. Que mes chers compatriotes se rassurent donc !
Le Xinjiang moderne
Depuis la première diffusion de La route de la Soie au Japon, le Xinjiang a connu, durant plus d'une trentaine d'années, d'immenses changements, dont mon peuple est cependant peu informé. Par exemple, rares sont ceux qui savent que le houblon utilisé pour produire les bières japonaises est importé du Xinjiang. Et il en est de même pour le ketchup qui assaisonne l'omusairu (omelette de riz japonaise). Mais bien que je fasse partie du petit nombre au courant de ces éléments, j'ai tout de même été interloqué par les scènes que j'ai observées lorsque j'ai débarqué pour la toute première fois à Ürümqi, la capitale de la région autonome, scènes bien différentes de celles présentées dans le documentaire. Je m'attendais à un village austère, perdu au milieu d'un infini désert. Pourtant, devant moi se déployait une métropole moderne, où les fast food et les chaînes de supermarchés de marques internationales font partie du décor, et où les passants dans la rue affichent un style vestimentaire tout aussi élégant que les Pékinois.