Dernière mise à jour à 16h12 le 27/07
Des enfants de travailleurs migrants prennent la pose pour une photo au cours de leur voyage à l'Université de Beijing. [Photo : Zou Hong/China Daily] |
Elle n'avait pas vu son père depuis presque un an, Fang Yuan, 14 ans, mesurant aujourd'hui 1,63 m, trembla légèrement avec un sourire inquiet lorsque son père, un ouvrier du bâtiment, s'approcha d'elle pour la prendre dans ses bras. Un câlin, qui a duré plusieurs secondes.
«Depuis 2004, quand papa m'a d'abord laissé pour le travail, je lui ai demandé une fois de ne pas partir», a confié Fang. «Mais je ne me souviens plus de ce qu'il a dit.»
La jeune fille fait partie des 61 millions d'enfant laissés en arrière en Chine, les parents quittant pour des emplois mieux payés, généralement loin de leur ville natale.
Chaque été, ils font face à un dilemme : rester au village ou rejoindre leurs parents vivant dans une grande métropole.
Rester signifie, les enseignants étant en vacances d'été, que seuls les grands-parents peuvent en général veiller sur eux, sauf que certains sont vite dépassés. Mais quitter, veut aussi dire errer seul(e) dans une jungle métropolitaine menaçante alors que leurs parents travaillent.
Heureusement pour Fang, cet été, elle a pu opter pour une autre solution.
Elle a été l'un des 217 enfants ayant des antécédents similaires (100 à Daqing, la province du Heilongjiang, 92 de la province du Shanxi, et 25 de la région autonome ouïgoure du Xinjiang), triés sur le volet par les gouvernements locaux pour visiter Beijing pendant une semaine, tous frais payés.
La Fédération des syndicats de Chine (ACFTU), qui a organisé et parrainé le voyage, estime que cette expérience va donner aux enfants une chance de voir le monde en dehors de leur maison. En espérant que cela les incitera à étudier plus dur et améliorer leurs chances d'avoir une bonne vie en passant l'examen d'entrée à l'Université, qui, pour beaucoup de jeunes issus de familles défavorisées est la seule voie possible.
Pendant ce séjour, qui a pris fin le week-end dernier, les enfants ont pu assister au lever du drapeau national sur la place Tian'anmen, un grand honneur en Chine. Ils ont également marché à l'intérieur du stade du Nid d'oiseau, grimpé sur la Grande Muraille et visité l'Université de Beijing.
La Chine compte au moins 277 millions de travailleurs migrants comme le papa de Fang Yuan, selon les données publiées en 2015 par le Bureau national des statistiques.
Son père, Fang Xiuer, 47 ans, a notamment fixé et sécurisé des barres d'acier sur les sites de construction un peu partout dans le pays depuis plus de trois décennies. Il travaille maintenant à Beijing, ce qui fait que le père et la fille ont pu se voir pendant le voyage.
Sa fille a été choisie par la fédération locale du Shanxi, où la société qui l'emploie depuis plus de dix ans est basée.
Fang Xiuer, natif d'un village se situant environ 100 kilomètres de Fuzhou (la province du Fujian), a laissé derrière lui il y a 12 ans, sa femme et son enfant, pour chercher du travail dans les grandes villes comme Tianjin et Beijing.
Chaque mois, il gagne entre 6000 et 8000 yuans (de 900 à 1200 $). Son épouse, qui fait la plonge dans un restaurant à Fuzhou, ne touche pas plus de 2000 yuans par mois. Ils ont acheté à Fang un smartphone grand écran pour rester en contact avec eux.
Les 217 enfants qui ont profité de la visite dans la capitale, ont pratiquement tous la même expérience.
Xia Tian, un chef d'équipe du bureau de Daqing de la fédération du commerce, a déclaré que des 100 enfants de son groupe, beaucoup n'avaient jamais quitté leurs villages ou comtés avant ce voyage. Xia et ses collègues établissent des normes strictes pour faire en sorte que chaque enfant sélectionné ait vraiment besoin d'aide.
«S'il y a juste un gamin, qui se sent vraiment inspiré pour travailler plus dur et se faire un chemin pour étudier à Beijing, alors cela vaudra vraiment la peine d'avoir monté ce projet», a déclaré Xia.
Ayigulzeli Turson, 11 ans, venant du Xinjiang, a joué à un jeu de mains avec son amie lors d'une visite l'Université de Beijing. Elle traduit le jingle ouïgoure qui accompagnait le jeu en mandarin et a enseigné à ses camarades. «Je veux venir à Beijing. Je vais être très studieuse», a-t-elle promis. «Plus tard, je veux réussir l'entrée de l'Université de Beijing ou celle de Tsinghua.»