Dernière mise à jour à 12h24 le 31/12
Habitant le long d'une colline escarpée dans le comté de Jinzhai, à Lu'an, dans la province de l'Anhui (est de la Chine), Liu Hongrui, un adolescent de 15 ans et ses parents sont l'un des trois seuls ménages vivant encore dans le voisinage. Les montagnes peu accueillantes reliées par des chemins en zigzag ont été leurs boucliers et leur source de protection.
Mais vivre dans l'isolement et la solitude a aussi ses inconvénients : pendant plus d'une décennie, il n'y avait eu que peu ou pas de force du signal de téléphone mobile dans leur région, sans parler du haut débit. Liu Hongrui, a grandi avec l'habitude de vivre entre deux mondes, l'un avec des signaux, l'autre sans signaux, alors qu'il faisait fréquemment la navette entre sa maison et l'école. Ensuite, l'épidémie de COVID-19 a brusquement interrompu toutes les classes et les élèves ont été invités à fréquenter l'école dans le monde virtuel, auquel la famille de l'adolescent n'avait pas accès.
Photo montrant l'environnement de la maison de Liu Hongrui. (Meng Bin/Le Quotidien du Peuple en ligne)
Un conte de deux mondes
Au début du printemps 2020, toute la famille brandissait un téléphone portable à la recherche de signaux autour de la maison. Ils les ont finalement trouvés sur une butte à côté de la porcherie -des signaux sporadiques. Le père de Liu Hongrui a aménagé une petite cabane sur place avec une toile en plastique. « J'étudiais dans la cabane sept à huit heures par jour », a raconté le collégien au Quotidien du Peuple en ligne.
Photo prise le 5 décembre 2021 montrant la cabane dans laquelle Liu Hongrui a étudié pendant près de deux mois. (Xu Mingyue/Le Quotidien du Peuple en ligne)
Pour Liu Hongrui, la fracture numérique était aussi insurmontable que les montagnes qui le séparaient du reste de la classe, les manuels étant tout ce qu'il pouvait exploiter. Pour le reste de sa famille, en revanche, l'absence de connexion Internet a toujours été une lente brûlure.
Liu Peng, le frère aîné de Liu Hongrui, qui travaille et vit maintenant à Hefei, capitale de la province de l'Anhui, pensait qu'Internet devrait être une nécessité, en particulier pour la jeune génération. Vivant en dehors de « l'île de l'information » depuis trop longtemps, il a vraiment eu du mal à rentrer chez lui. « Quand je suis retourné dans ma famille, j'ai perdu contact avec le reste du monde », a-t-il souligné.
En quête de connexion
Pour Liu Peng, la piteuse expérience de son jeune frère dans la cabane a été un catalyseur, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase et l'a poussé à agir.
L'année dernière, il a contacté les entreprises de télécommunications locales et s'est plaint du dilemme, et elles ont envoyé du personnel chez ses parents pour étudier le terrain. Mais la réponse fut très décourageante : la mise en place d'un système Internet dans la zone accidentée coûterait trop cher, et étant donné que moins d'une douzaine de personnes y vivaient, ce ne serait en plus pas rentable, ont-ils déclaré.
Photo montrant Liu Hongrui étudiant dans sa cabane. (Xu Mingyue/Le Quotidien du Peuple en ligne)
Le 12 avril 2021, Liu Peng s'est connecté au Tableau de messages des dirigeants, une plate-forme gérée par le Quotidien du Peuple en ligne pour permettre aux représentants du gouvernement d'entendre et de répondre aux préoccupations du public, et a laissé un message au secrétaire du Comité municipal du Parti communiste chinois de Lu'an. « Auparavant, je m'étais plaint qu'il n'y avait pas de signal ni de haut débit dans ma maison et qu'elles (les sociétés de télécommunications) n'avaient installé le boîtier de télécommunication que le long des rues, au mépris total des personnes vivant dans les zones de montagne », a-t-il écrit.
Trois jours après avoir publié ce message, les responsables locaux ont convoqué une réunion avec des représentants de la société de télécommunications pour discuter des moyens de mettre en place le haut débit. Après des séries de négociations, l'entreprise a décidé d'intégrer les trois ménages dans leur « Projet village sûr », une initiative visant à déployer des technologies de l'information pour les villageois comme mesure de prévention de la criminalité.
Photo montrant la maison de Liu Hongrui. (Sheng Shuang/Le Quotidien du Peuple en ligne)
L'ensemble du plan, dans lequel le gouvernement local et China Telecom ont investi conjointement plus de 200 000 yuans, a duré près d'un demi-mois, consommant 1,9 kilomètre de câbles, 14 poteaux électriques et 3 boîtiers de télécommunications. Mais pour Ye Tian, un responsable local qui a supervisé le projet, tout cela en valait la peine. « Nous sommes dans une société de l'information, et vivre sans Internet est tout simplement inimaginable », a-t-il déclaré au Quotidien du Peuple en ligne lors d'une interview. « Nous devons faire tout ce qu'il faut pour répondre aux besoins des gens en matière d'accès à Internet. »
Photo montrant Liu Hongrui étudiant dans sa chambre. (Xu Mingyue/Le Quotidien du Peuple en ligne)
Un monde plus grand
Liu Hongrui se souvient encore clairement de la façon dont les travailleurs ont installé des câbles au-dessus des montagnes et devant la maison, comment ils lui ont dit de ne plus s'inquiéter des cours en ligne et comment le flux d'un réseau Wi-Fi est apparu chez lui pour la première fois, animant soudain la télévision longtemps en sourdine et les téléphones portables naguère hors ligne.
En repensant à son voyage solitaire dans la cabane, il a salué en termes élogieux les efforts soutenus déployés par son frère, les travailleurs des télécommunications et les responsables locaux. Ensemble, ils ont transformé la façon dont il reçoit maintenant son éducation.
« Maintenant, je peux acquérir des connaissances grâce aux cours en ligne à tout moment, alors qu'auparavant je devais faire un long trajet pour acheter des livres et du matériel scolaire », a déclaré le jeune homme, convaincu que l'éducation est le seul moyen de se débarrasser des chaînes des montagnes vallonnées. « Je veux sortir des montagnes en étudiant... pour qu'un jour, quand je serai vieux, après avoir accumulé carrière et fortune, je revienne pour aider ces enfants qui sont "piégés" dans les montagnes, tout comme je le fus moi-même. »
Photo prise le 5 décembre 2021 montrant Liu Wenguo faisant défiler son téléphone dans la cour devant la maison familiale. (Meng Bin/Le Quotidien du Peuple en ligne)
L'arrivée du haut débit a également apporté des changements spectaculaires aux autres membres de la famille. Liu Peng, qui travaille maintenant comme agent immobilier à Hefei, n'a plus à s'inquiéter de perdre le contact avec ses parents car ils passent régulièrement des appels téléphoniques via WeChat. Parfois, il vérifiait également les images en temps réel capturées par la caméra qui montraient des images du jardin familial, où l'on voyait sa mère coupant des légumes pour préparer le dîner, son jeune frère caressant le chien ou son père rentrant à la maison après une journée de travail sur un chantier.
Liu Wenguo, le père de Liu Peng et Liu Hongrui, a appris à utiliser Douyin (version de Tiktok en Chine), une application de streaming vidéo courte, grâce à ses fils. Il aime consulter les clips postés par ses proches et amis pour savoir comment se passe leur vie. Il a également développé un passe-temps consistant à partager sa propre vie, des beaux paysages qu'il voit dans les montagnes aux projets de construction sur lesquels il travaille.
« Au meilleur, j'ai eu 10 000 vues et 500 likes », a-t-il souligné avec jubilation.