La maison natale d'Adolf Hitler et sa stèle commémorative. |
« Chaque année, c'est le même cirque », marmonne un habitant de la petite ville autrichienne de Braunau am Inn à la vue de dizaines de manifestants antifascistes marchant vers un grand bâtiment fatigué par les ans. « Nazis dehors ! » chantent les manifestants, pour beaucoup vêtus de sweats noirs et lunettes de soleil de sport malgré la pluie, leurs cris ricochant sur cette maison de trois étages. Mais Braunau am Inn n'est pas une ville ordinaire et cette maison est tout sauf une maison comme les autres : derrière la façade décolorée du numéro 15 de la rue Salzburger Vorstadt se cache rien moins que le lieu de naissance d'Adolf Hitler.
Et presque exactement 70 ans depuis le suicide du dictateur nazi dans les ruines de Berlin, elle continue à susciter la polémique. Le bâtiment est vide depuis 2011, sa propriétaire et le gouvernement restant empêtrés dans une âpre bataille juridique sur son avenir. Seule une stèle commémorative donne un indice de l'importance de la maison ; on peut y lire : « Pour la paix, la liberté et la démocratie. Des millions de morts nous crient plus jamais de fascisme ». Hitler n'a probablement passé que les quelques premières semaines de sa vie ici, mais cette bâtisse reste une épine dans le pied de Braunau depuis des décennies.
Il appartient à Gerlinde Pommer, une habitante de la ville dont la famille est propriétaire de l'immeuble depuis plus d'un siècle, sauf pendant une brève période pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1972, le gouvernement autrichien a signé un bail avec Mme Pommer pour empêcher les locaux de devenir « un lieu de pèlerinage » pour les néo-nazis. Selon l'accord, la structure de 800 mètres carrés ne peut être utilisée qu'à des fins socio-éducatives ou de bureau. Ce fut le cas jusqu'en 2011, la maison étant devenue un centre pour personnes handicapées, jusqu'à ce que Mme Pommer refuse d'accorder de façon inattendue sa permission pour des travaux de rénovation indispensables.
Aujourd'hui, l'Etat a décidé de prendre des mesures plus radicales, ayant fait une offre d'achat, mais cherchant en même temps la possibilité légale d'une expropriation. La question a suscité un vif débat parmi les 17 000 habitants de Braunau, près de la frontière allemande, et au-delà. Certains veulent que la maison devienne un centre de réfugiés, d'autres un musée dédié à la libération de l'Autriche. Il y a même eu des appels à sa démolition -mais la maison fait partie du centre historique de la ville et se trouve donc sous la protection du patrimoine.
De nombreux habitants déplorent que leur ville aux couleurs pastel soit seulement connue pour être le berceau de l'une des figures politiques les plus honnies du monde, plutôt que pour son architecture gothique ou sa jolie rivière. « Les gens d'ici ne méritent pas cette stigmatisation », dit Georg Wojak, commissaire de district. « Le seul crime de Braunau est qu'Hitler soit né ici ». Mais il semble bien que quoi qu'il puisse être fait, il est peu probable que la ville puisse briser de sitôt les chaînes qui la lient à Adolf Hitler, et que le fantôme de l'un des plus grands criminels de l'histoire hantera encore longtemps cette petite cité à l'allure champêtre.