D'une prévalence actuelle de 4,3% de la population totale répartie entre 5,6% chez les femmes et 2,9% chez les hommes, le Cameroun, un des 20 pays prioritaires des programmes de soutien de l'ONUSIDA, reste classé pays à épidémie généralisée où les besoins de financement pour 2013 se chiffrent à 27 milliards de francs CFA (54 millions de dollars américains).
D'un montant exact de 27.073.616.711 de francs CFA, ces fonds annoncés par les autorités sanitaires lors des 5e Journées scientifiques de l'Agence nationale de recherches sur le SIDA et les hépatites virales (ARNS, organisme français représenté par une antenne au Cameroun) tenues les 3 et 4 juin à Yaoundé sont principalement destinés à l'achat des antirétroviraux (ARV).
Des traitements de première et deuxième ligne, ces médicaments distribués par le canal de la Centrale nationale d'approvisionnement en médicaments essentiels (CENAME, organisme publics sous tutelle du ministère de la Santé publique) sont pour l'heure administrés à 122.783 malades sur un total de plus de 570. 000 de séropositifs, selon les statistiques officielles au 31 décembre 2012.
De l'avis du Dr. Jean Bosco Elat Nfetam, secrétaire permanent du Comité national de lutte contre le SIDA (CNLS), les ressources disponibles (publics et financements internationaux) pour satisfaire ces besoins s'établissent à 18.599.099.911 de francs, soit un gap de 8.474.516.800 francs, alors le gouvernement table sur un taux de prise en charge de 49% cette année, c'est-à-dire 150.000 patients sous ARV sur un total de 322.000 personnes éligibles.
Pour un total de 267.075 personnes éligibles aux ARV parmi lesquels 33.109 enfants, ce taux était de 47% en 2012, où l'épidémie a cependant été stabilisée à 38.972 nouvelles infections annuelles, contre 46.000 environ en 2009. De 46.000 également en 2006, le nombre de décès se situe pour sa part à 32. 800 l'année dernière.
Co-découvreur du VIH et Prix Nobel de médecine 2008 avec son compatriote le Pr. Luc Montagnier, membre du comité scientifique du Centre international de référence Chantal Biya (du nom de la première dame camerounaise) pour la recherche sur la prévention et la prise en charge du VIH-SIDA, le Pr. Françoise Barré-Sinoussi s'est inquiétée dans un entretien à Xinhua de ce que « le taux de prévalence reste trop élevé au Cameroun, chez les femmes notamment ».
Chez les femmes enceintes, elle dépasse largement même la moyenne féminine pour s'établir à 7,8%, d'après le CNLS qui recense par ailleurs, sur la base d'une enquête, 44,3% et 24,2% chez les homosexuels respectivement à Yaoundé et Douala, 26% chez les travailleuses du sexe et 6% chez les hommes en tenue.
Gratuits depuis 2007, les ARV sont administrés sous forme de génériques en huit protocoles dans 155 centres de traitement agréés sur le territoire national. Leur disponibilité est souvent sujette à caution en raison des tensions de stocks. Les inquiétudes sont plus grandes pour ce qui concerne les médicaments de certaines infections opportunistes, introuvables sur le marché.
Le troisième Plan stratégique national 2011-2015 s'est pourtant fixé l'objectif de réduire de moitié les nouvelles infections dans les groupes les plus à risque et d'éliminer la transmission mère-enfant. « Le VIH-SIDA, vous n'avez pas une solution ; c'est mettre ensemble une combinaison de solutions pour arriver justement à diminuer la prévalence de cette infection, y compris chez les femmes. Dans certains pays, y compris très pauvres, ça c'est mis en place », a suggéré Barré-Sinoussi.
Cas d'école : « J'ai l'habitude de donner le Cambodge avec qui je travaille depuis des années en exemple. C'est un pays extrêmement pauvre. Ils ont réussi à diminuer la prévalence de l'infection qui était autrefois de 1,3%, ils sont à moins de 0,6% aujourd'hui, voire 0,3%. Ils ont plus de 90% de couverture par des antirétroviraux », a démontré l'éminente chercheure française.
La création du Programme national de lutte contre le SIDA ( PNLS) en 1986 marque le début de la croisade contre cette pandémie dans ce pays d'Afrique centrale. De 1 milliard de francs CFA en 2002, le montant des ressources publiques allouées est passé à 9,5 milliards aujourd'hui, selon le secrétaire permanent du CNLS pour qui 95% des ces fonds sont consacrés à la prise en charge des malades.
Parmi les partenaires internationaux, le Fonds mondial de lutte contre la SIDA, le paludisme et la tuberculose a octroyé un financement de l'ordre de 64 milliards de francs CFA (128 millions de dollars) sur cinq ans, qui court depuis 2011.
De son côté, l'ANRS fait savoir qu'« on est de l'ordre de plusieurs millions d'euros qui sont mis sur le Cameroun actuellement, en termes de financement de la recherche », selon son directeur, le Pr. Jean-François Delfraissy.
C'est l'un des huit pays étrangers où cet organisme français manifeste sa présence, les sept autres étant le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Cambodge, le Vietnam, l'Egypte et le Brésil, pour un budget global de 8,5 millions d'euros en 2012. Fin (Raphaël MVOGO)