Les positions semblent divergentes entre le Rassemblement des républicains (RDR, parti au pouvoir) et le Front populaire ivoirien (FPI, parti de l'ex- président Laurent Gbagbo, principal parti d'opposition) sur la question de l'organisation d'un forum national.
A la cérémonie de passation des charges avec le président intérimaire du parti, le président du FPI, Pascal Affi N'guessan avait invité le chef de l'Etat ivoirien à convoquer les états généraux de la République pour en faire l'instrument opérationnel de la réconciliation.
A plusieurs occasions, le FPI a réitéré son appel à l'organisation de ce forum national, estimant que le Cadre permanent de dialogue (Cpd) "n'est pas un cadre pertinent ni pour la résolution des conséquences directes de la crise, ni pour le débat national sur les causes de la crise ivoirienne".
Pour le secrétaire général du FPI, Sébastien Dano Djédjé, il s'agit d'un forum qui regroupera "les forces vives de la nation ivoirienne", notamment "les partis politiques, la société civile, les confessions religieuses, les autorités traditionnelles, les organisations socioprofessionnelles, les jeunes, les femmes et les experts".
UN INSTRUMENT DE RÉCONCILIATION ?
"Les états-généraux de la République consisteront en un débat large, inclusif, franc et sincère sur toutes les questions qui divisent les ivoiriens depuis plusieurs années, qui constituent les causes de la crise ivoirienne et dont la résolution permettra de fonder un nouveau consensus national pour la paix, la stabilité, l'unité et la réconciliation nationale", a expliqué M. Dano Djédjé.
"A travers la proposition de ce forum, le FPI manifeste sa totale disponibilité et son engagement à contribuer à la réconciliation nationale", a-t-il noté. Pour les responsables du parti pro-Gbagbo, cette formation politique continuera d'un côté le dialogue direct entamé avec le gouvernement, pour régler les conséquences liées à la crise que le pays a connue, et de l'autre côté, propose l'ouverture d'un débat national pour débattre des problèmes plus en profondeur.
Face à cette proposition qui fait couler beaucoup d'encre, l'ex-Premier ministre ivoirien Jeannot Kouadio Ahoussou mandaté par le gouvernement pour conduire le dialogue politique avec l'opposition, a demandé au FPI de "fournir les termes de référence " de cette plateforme.
LE "NIET" DU PARTI PRÉSIDENTIEL
Quant à la réaction du Rassemblement des républicains (RDR), sa réaction se veut plus nette et sans ambages. Lors de la célébration des 19 ans d'existence de ce parti, son secrétaire général Amadou Soumahoro a martelé que le RDR ne souscrira pas au projet des états généraux de la République' envisagé par le FPI. Plusieurs jours auparavant, le porte-parole du parti présidentiel Joël Nguessan avait exprimé son opposition à la proposition des pro-Gbagbo relative à l'organisation par les autorités ivoiriennes des états généraux de la République.
"Il n'est pas "nécessaire de multiplier à l'infini les organes de concertation". Les problèmes de la nation ivoirienne sont connus", a estimé M. Nguessan, relevant que le FPI continue de refuser la main tendue du chef de l'Etat ivoirien.
Pour Joël N'Guessan, les diverses résolutions issues des tribunes organisées depuis plus de 23 ans, aux fins de répondre " au besoin impérieux de restaurer la cohésion de l'unité nationale ébranlée par les tensions sociales et politiques", n'ont pas pu éviter au pays les multiples crises politico-sociales.
"En 2001, pour tenter de trouver une solution à la déchirure sociale en Côte d'Ivoire suite au coup d'Etat de 1999, l'idée du Forum de la réconciliation nationale avait été mise en oeuvre. Ce Forum a vu la participation de toutes les couches sociales et politiques de notre pays. Par ailleurs, il est bon de rappeler que le Forum de la Réconciliation Nationale a été suivi d'une importante rencontre des "Quatre Grands" à Yamoussoukro (centre), notre capitale politique", a-t-il rappelé.
"Tout a été déjà exploré. Tout a été diagnostiqué. Notre pays n'a pas encore besoin d'un second Forum ou des Etats Généraux de la République", a-t-il précisé, estimant que si les résolutions de ces rencontres avaient été appliquées, cela aurait pu éviter à la Côte d'Ivoire la grave crise militaro-politique de 2002.
LA SOCIÉTÉ CIVILE EN ARBITRE ?
Des organisations de la société civile qui pourraient jouer les arbitres notent pour leur part que les états généraux de la République tels que proposés peuvent se tenir en même temps que le processus de recherche de la vérité, d'identification et d'indemnisation des victimes de la crise ivoirienne, de même que le processus de reformes institutionnels.
"Ces états généraux qui ont une connotation politique, constituent la sommation générale qui n'est pas nécessairement liée au contexte de sortie de crise. Il faut qu'on nous dise pendant la crise, qui a fait quoi, qui est victime et comment on les indemnise», a souligné le président de l'Action pour la promotion des droits de l'homme (APDH) Eric Semien.
Pour plusieurs observateurs, la libération début août dernier de 14 personnes pro-Gbagbo détenues dans les prisons du Nord du pays semble tout de même avoir donné de la confiance pour redynamiser ce processus. Ceux-ci se réjouissent de ce que les deux parties continuent de se rencontrer et qu'elles affirment avoir enregistré de bonnes avancées, "même si certains poches de désaccords subsistent".