Après avoir désigné un nouveau chef d'état-major pour remobiliser leurs troupes, en la personne du général Joseph Zindeko, samedi à Ndélé, une ville du Nord de la Centrafrique, les ex-rebelles de la Séléka annoncent la mise en place d'une "administration autonome" dans cette région, a confié mardi à Xinhua leur porte-parole, le colonel Djouma Narkoyo.
"On est tous dans le Nord. Les fonctionnaires qui sont aujourd'hui à Bangui ne peuvent pas venir travailler dans notre région. En attendant que les choses se normalisent, on veut mettre en place une structure pour assurer des soins de santé à nos enfants et s'occuper de leur éducation", a fait savoir le chef militaire qui a déclaré huit préfectures de la région sous contrôle de l'ex-rébellion.
Depuis la démission de la présidence le 10 janvier sous la pression des dirigeants d'Afrique centrale et de la France, de Michel Djotodia, leur leader qu'ils avaient porté au pouvoir le 24 mars 2013 après trois de conflit avec le régime de François Bozizé, les ex-hommes forts de Bangui se sont redéployés dans cette partie du territoire centrafricain riche en diamants et d'autres ressources minières importantes.
Les premiers à être désignés pour subir une opération controversée de désarmement menée par la force française Sangaris, déployée début décembre 2013 dans la capitale centrafricaine, les ex-rebelles, à dominante musulmane, étaient devenus, comme les populations de même obédience religieuse, la cible des attaques des milices d'autodéfense chrétiennes anti-Balakas (anti-machettes) fidèles à Bozizé.
Depuis lors, près d'un million de personnes, des Centrafricains et des étrangers, ont perdu la vie dans les heurts entre les deux protagonistes et pratiquement le nombre a fui les violences pour se trouver refuge dans des abris de fortune des sites de déplacés internes ou dans des camps de réfugiés dans des pays voisins, selon les Nations Unies pour qui presque la moitié de la population (4,6 millions d'habitants) a besoin d'une assistance immédiate.
Les populations musulmanes ont effectivement payé un lourd tribut de ces violences. "Nos frères musulmans ont quitté Bangui, parce que toutes nos maisons ont été détruites. Nos parents ont été brûlés et mangés même par les Banguissois. En réaction, nous avons décidé de rentrer chez nous, dans le Nord", rapporte le colonel Narkoyo qui,jusqu'à son repli à Bouar en février, était chargé de conduire les activités de la gendarmerie mobile centrafricaine à Bangui.
L'ex-alliance Séléka avait été elle-même aussi rendue coupable de pillages et de pires exactions à l'égard des populations civiles après sa prise du pouvoir de 2013. C'est ce qui vaut au général Nourredine Adam, un de ses dirigeants, d'être cité sur une liste de sanctions publiée par les Nations Unies et qui vise en outre François Bozizé et Levy Yakité, coordonnateur des miliciens anti-Balakas.
De la préfecture Nana-Gribizi à celle de la Vakaga, les ex- rebelles étendent à présent, quatre mois après la démission et le départ pour l'exil au Bénin de leur leader Djotodia, leur contrôle sur une large partie du territoire centrafricain comprenant aussi les préfectures de Ouaka, Basse-Kotto, Mbomou, Haut-Mbomou, Haute- Kotto et Bamingui-Bangoro, révèle Narkoyo.
Avec plus de 4.000 déclarés dans ses rangs, soit le même effectif en dehors d'environ 15 à 20.000 mercenaires tchadiens et soudanais et bandits de grand chemin venus gonfler les troupes après la chute du régime de Bozizé, cette organisation hétéroclite constituée à l'origine de plusieurs mouvements rebelles affirme installer son état-major à Bambari, à quelque 400 km au Nord de Bangui.
'Nous voulons mettre fin aux exactions qui ont lieu dans les régions. Ceux qui les commettent, ce ne sont pas des éléments de la Séléka. Ce sont des voleurs, des petits bandits. Ils profitent du désordre qui règne dans le pays pour commettre ces exactions. C'est la raison qui nous a poussés à mettre en place une chaîne de commandement", se défend toutefois le colonel Narkoyo.
L'ex-gendarme de deuxième classe promu colonel dans la rébellion a beau rejeter les soupçons de mise à exécution de la menace de partition de la Centrafrique en deux Etats distincts, dont un musulman au Nord et l'autre chrétien au Sud, pourtant brandie par eux-mêmes dès fin 2013, il n'empêche que la réorganisation annoncée en a tout l'air.
Pour le financement des services de son "administration",l'ex- alliance rebelle affirme n'avoir pas de souci majeur à se faire, eu égard à la richesse du sous-sol de la région sous contrôle. " Tout dépend de Dieu. Mais nous sommes dans une zone minière, la richesse du pays. Donc, on sait comment s'organiser pour avoir ces ressources. Depuis les événements du 5 décembre (attaque des anti- Balakas à Bangui, NDLR), on est toujours debout", soutient Narkoyo.
Il nie aussi tout rapprochement avec le Soudan voisin et le chantage vis-à-vis des autorités en place à Bangui qui, en l'absence d'une armée nationale, assistent impuissantes à ces développements inquiétants de la situation sociopolitique. "Il n'est plus question de mouvement politico-militaire", assure-t-il.
Mais une liste de revendications est égrenée. D'abord, "nous voulons le départ de tous les musulmans qui sont resté à Bangui pour qu'ils viennent nous rejoindre dans notre région. Parce que leurs vies ne sont plus en sécurité là-bas. Les enfants ne peuvent pas aller à l'école, les familles ne peuvent pas vaquer à leurs occupations", énonce le chef militaire.
Ensuite, "il y a aussi les pertes de biens. Il faut qu'il y ait une solution, soit la reconstruction des maisons, soit le dédommagement des victimes. Enfin, nous exigeons l'application de l'accord de N'Djamena (du 10 janvier, NDLR). Le président Djotodia avait accepté de démissionner sous une condition : il y a des postes clés que les dirigeants de la Séléka devaient occuper. Cela n'a pas été fait. Donc, c'est une injustice quelque part".
Selon lui, l'ex-rébellion devait occuper dans le nouveau gouvernement dirigé par André Nzapayeké, mais dans lequel elle compte trois représentants, les postes de Premier ministre, de ministre de la Défense, de la Sécurité, des Finances et des Mines. Ce qui n'était pas pour rassurer les autres parties prenantes du processus de transition qui peine à avancer.
Par Raphael Mvogo