Dernière mise à jour à 09h12 le 12/01
A quelques jours de la commémoration du 7ème anniversaire du soulèvement populaire du 14 janvier 2011, la Tunisie connaît une vague de colère manifestée par des mouvements sociaux déclenchés dans une dizaine de provinces accompagnés par des actes de pillages et de vandalisme nocturnes ce qui a nécessité une intervention musclée des forces anti-émeute pour protéger les établissements de l'Etat, les biens publics et privés ainsi que les civils, ciblés dans certaines zones de la capitale, par des braquages en série profitant de la situation chaotiques ces trois derniers jours.
Ayant débuté, il y a trois jours dans la capitale tunisienne, des mouvements de protestations se sont étendus pour se répandre dans d'autres provinces réclamant la révision, voire même la suspension, de la nouvelle loi des finances pour 2018 qui, selon des manifestants croisés jeudi à l'avenue Bourguiba (principale artère de la capitale), ne réponds pas aux attentes de la classe moyenne d'autant plus que ladite loi affecte directement le pouvoir d'achat du Tunisien vu la majoration des prix de certains produits de consommation.
D'autres protestataires, dont Haithem Hidri (jeune commerçant), dénonce certaines décisions gouvernementales qu'il qualifie de "douloureuses et mal placées", incluses dans cette loi portant entre autres sur l'instauration d'une nouvelle contribution sociale sur les bénéfices et les salaires ainsi qu'une majoration de 1% de la TVA qui coïncide avec surtaxe sur certains produits.
Bien qu'ils ont perdu de l'intensité par rapport aux deux premières nuits depuis lundi, les heurts entre manifestants et agents de l'ordre dans une dizaine de provinces tunisiennes, les heurts sont couronnés jusqu'à présent par l'arrestation de 600 individus, a-t-on appris du côté du ministère de l'Intérieur se référant à un bilan actualisé.
Du côté des forces sécuritaires, 21 policiers et gardes nationaux ont été blessés dans la nuit du mercredi à jeudi dans des heurts nocturnes à travers le pays en plus de 10 engins endommagés. De plus, des postes de polices ainsi que des dépôts municipaux et douaniers ont été incendiés.
"32 autres suspects sont encore en phase d'investigation pour être impliqués dans des actes de vandalismes et des vols", selon le porte-parole officiel du ministère tunisien de l'Intérieur, Khalifa Chibani.
Selon lui, "les mouvements de protestation ont perdu leur aspect pacifique et ont été détrônés de leur itinéraire suite à l'infiltration de bon nombre de délinquants et des intrus qui essayent le plus souvent de semer le chaos pour ainsi exécuter des violences ou encore des actes de pillage".
Dans certaines provinces intérieures, telle que Kasserine vers le centre-ouest, les forces sécuritaires dépêchées sur place pour disperser les foules et aussi protéger les institutions de l'Etat se sont retirées de certaines localités pour céder la place à l'armée, connue pour être, depuis les événements de 2011, plus "souple" dans le traitement de situations pareilles.
A quelques kilomètres au sud de la capitale tunisienne, des délinquants ont osé même braquer tout un train de passagers, dans la nuit de mercredi à jeudi, à son passage de l'une des statons à Hammam-Lif (une localité de la province de Ben Arous, dans la banlieue sud de Tunis) qui se dirigeaient vers la province de Sousse (sur les côtes-est).
"Heureusement, on était solidaires malgré l'état de panique qui régnait hier soir à bord du train [...] l'intervention des forces de l'ordre était très rapide et assez efficace pour ainsi éviter le pire vu le nombre élevé des assaillants menés d'armes blanches et de cocktails Molotov", a confié à Xinhua Yosr Sliman, témoin du braquage.
D'après elle, "les braqueurs étaient cagoulés, mais le fait saillant n'est autre que leur moyenne d'âge qui ne dépasse pas, à mon avis, les 21 ans".
Bien que l'ampleur des actes de violences ne cesse de s'atténuer progressivement d'un jour à l'autre, selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur, cette vague de colère qui ravage la Tunisie fait revivre certaines régions des moments semblables à ceux enregistrés en 2011.
Cependant, le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed s'est montré mercredi dans la soirée assez sérieux face aux actes de violences et de vandalismes qui ciblent les acquis de l'Etat ainsi que la sécurité des citoyens et des biens publics et privés.
Dans une brève intervention médiatique, Youssef Chahed a mis en garde contre toute tentative de bouleverser le pays dans une spirale de violence tout insistant sur sa détermination à traiter la situation dans le respect, d'un côté, des revendications légitimes des manifestants et, de l'autre côté, de la suprématie de la loi.
Son ministre du Commerce, Omar Al-Bahi, a insisté que les récentes augmentations des prix ne concernent pas les produits subventionnés par l'Etat d'autant plus qu'elles (augmentations) seront en mesure de réduire le déficit commercial et budgétaire.
"Nous sommes soumis tout au long des sept dernières années à l'effet de boule de neige avec l'aggravation de l'inflation, de l'endettement et une dévalorisation flagrante du dinar", a réagi le ministre tunisien en réaction aux agitations sociales enregistrées à travers le pays.
Pour certains analystes locaux, la question qui se pose consiste en la capacité réelle du gouvernement de Youssef Chahed à tenir bon et dépasser cette "zone de turbulence" à la lumière des indicateurs économiques n'ayant pas encore sorti de la couleur rouge.
Selon l'Institut national de statistiques (INS) de Tunisie, le déficit commercial tunisien a atteint jusqu'à fin de l'année 2017 un niveau record soit 15.592 millions de dinars (environ 6.329 millions de dollars). Pire encore, le service de la dette a atteint, aussi, un niveau historique jusqu'à fin octobre dernier avec une hausse de 59,1% comparé à la même période de 2016.
Pour la Banque centrale de Tunisie, l'année 2018 augure d'une accentuation des pressions inflationnistes en perspective avec une inflation en moyenne à 6,1%, en glissement annuel après 5,2% sur l'ensemble de l'année 2017.