Dernière mise à jour à 13h22 le 25/11
Adekunle Johnson, professeur dans un lycée nigérian, a tenté de commander un congélateur de 429 litres dans un magasin de vente au détail en ligne lors de la promotion annuelle Black Friday, qui a débuté plus tôt ce mois-ci au Nigeria.
"J'en ai vraiment besoin maintenant, car Noël arrive et il me faudra stocker de grandes quantités de produits alimentaires", a-t-il indiqué à Xinhua.
Malgré une remise importante, le congélateur doit être prépayé en ligne, à la demande du détaillant, ce qui pose problème à M. Johnson. Autre défi : recevoir le produit en bon état et sans frais de livraison supplémentaires.
Tous ces soucis ont ralenti sa course aux achats.
L'histoire de M. Johnson reflète la réalité du développement du commerce électronique en Afrique. Avec une population de plus d'1,2 milliard d'habitants et un nombre croissant d'internautes, le continent a assisté à la montée en puissance des plates-formes locales de commerce électronique Jumia et Kilimall.
Cette industrie émergente est également confrontée à des défis, notamment une infrastructure inadéquate, un marché fragmenté et une pression financière.
UN MARCHÉ ÉMERGENT
La croissance de Jumia, une plateforme de commerce électronique de premier plan en Afrique, est un exemple de réussite.
Fondée en 2012 à Lagos, la capitale économique du Nigeria, Jumia est aujourd'hui une entreprise évaluée à plus d'un milliard de dollars américains, et est devenue la première plate-forme de commerce électronique africaine à faire son entrée à la Bourse de New York.
Sacha Poignonnec, cofondateur de Jumia, a eu l'idée de lancer une plate-forme de commerce électronique en Afrique dès 2008, après avoir été inspiré par le succès en la matière du géant chinois Alibaba et de son rival américain Amazon.
"Nous avons regardé en Afrique et nous y avons constaté ... une énorme opportunité. Il y avait des centaines de millions d'internautes, mais aucun commerce électronique", a déclaré à Xinhua M. Poignonnec, à Lagos.
Surnommé "l'Alibaba en Afrique" ou "l'Amazon africain", Jumia a construit un écosystème de commerce électronique comprenant des plate-formes de paiement en ligne, de la logistique, des commandes à emporter et des réservations d'hôtels.
"Nous avons pris tous les composants -- vendeurs, consommateurs, logistique, paiements, marque (et) technologie -- et nous les avons adaptés aux besoins spécifiques de chaque marché où nous nous trouvons", a-t-il dit, faisant le point sur les réalisations accomplies par l'entreprise jusqu'à présent.
Il y a 525 millions d'internautes en Afrique, soit environ 40% de la population du continent. La croissance rapide d'Internet élargit le champ du commerce électronique.
Davy Nshuti, directeur de la société rwandaise de commerce en ligne DMM.HeHe Ltd., a noté que les progrès réalisés en matière d'intégration régionale offrent une nouvelle chance aux plate-formes africaines de commerce en ligne.
M. Nshuti a précisé que la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) officiellement lancée en juillet supprimait les barrières commerciales et contribuait à accroître le nombre de clients potentiels.
"Nos clients pourraient être des Nigérians, des Sud-Africains, des Ghanéens, des Kenyans ou des Ethiopiens", a-t-il souligné.
DES ENTRAVES A LA CROISSANCE
De nombreuses entreprises africaines sont confrontées à des problèmes particuliers, et les entreprises de commerce électronique ne font pas exception.
L'un des principaux défis constitue le manque d'infrastructures servant à assurer la livraison des commandes en temps voulu, a confié à Xinhua dans la capitale kenyane Nairobi Jeremy Doutte, le vice-président exécutif de Jumia.
Andrew Fassnidge, fondateur des Africa Tech Summits, a affirmé pour sa part à Xinhua, toujours à Nairobi, qu'un long chemin reste à parcourir avant que la vente en ligne africaine n'atteigne les niveaux chinois, européen et américain.
"La plupart des gens n'ont pas encore suffisamment confiance pour effectuer des paiements en ligne, préférant traiter en espèces. Le coût des données mobiles est également élevé dans de nombreux pays africains, et les consommateurs potentiels ne peuvent donc pas accéder aux marchandises en ligne", a-t-il ajouté.
L'Afrique est composée de 54 pays, dont la plupart sont petits et fragmentés, avec des lois, des règlements et des niveaux de développement différents, a-t-il noté.
"Cela en fait un marché difficile pour que les plate-formes de commerce électronique y deviennent rentables. Les magasins en ligne qui cherchent à s'établir en Afrique doivent adopter une vision à long terme et avoir les poches profondes", a estimé M. Fassnidge.
Malgré ces défis de taille, l'industrie du commerce électronique en Afrique semble avancer dans la bonne direction, car les experts ont prédit qu'elle constituerait la prochaine avancée majeure sur le continent.
Un certain nombre d'entreprises opèrent déjà dans le domaine de l'e-commerce à travers le continent africain, certaines startups africaines créant également des modèles de livraison qui répondent aux besoins du marché numérique.
DU POTENTIEL ENTRE LA CHINE ET L'AFRIQUE
"Ici en Chine, nous avons vu ce que c'est que le véritable e-commerce", a confié à Xinhua Dianah Rutayisire avec enthousiasme.
Cette jeune femme de 18 ans fait partie des étudiants rwandais qui bénéficient de l'initiative Electronic World Trade Platform (eWTP) lancée l'an dernier par le géant chinois du commerce en ligne Alibaba et le gouvernement rwandais.
Dans le cadre de ce partenariat, l'Ecole de commerce d'Alibaba a reçu 30 étudiants rwandais pour son premier programme de l'e-commerce transfrontalier destiné aux étudiants africains, en septembre, dans la province chinoise du Zhejiang (est).
"En seulement deux mois, nous avons vu beaucoup de choses intéressantes apportées par l'e-commerce en Chine", a dit Rutayisire, ajoutant qu'elle ambitionne de devenir conseillère en e-commerce auprès du gouvernement rwandais après être rentrée chez elle.
Mike Manzi, un camarade de classe de Rutayisire, a l'intention d'établir une plate-forme d'e-commerce dans son pays et d'aider à simplifier les déclarations fiscales ainsi que le dédouanement du commerce transfrontalier.
Alors que la Chine continue d'aider à promouvoir la capacité industrielle en Afrique, des experts ont noté que l'Afrique devait profiter de cette occasion pour prendre exemple sur le modèle de développement des compagnies d'e-commerce chinoises et de l'industrie chinoise dans son ensemble.
"La portée du partenariat sino-africain dans l'e-commerce est énorme. En la matière, la Chine dispose d'un avantage", a extimé M. Fassnidge, notant que la Chine et l'Afrique sont des partenaires naturels dans ce domaine.
Selon M. Doutte, qui a participé à la sixième Conférence mondiale de l'Internet tenue en octobre dernier à Wuzhen, dans la province chinoise du Zhejiang, Jumia peut s'inspirer d'Alibaba.
Faisant observer que sa plate-forme dispose actuellement de 81.000 vendeurs d'origine africaine et de 1.500 vendeurs chinois, M. Doutte a déclaré que Jumia avait ouvert un bureau dans la ville côtière chinoise de Shenzhen en 2016. A l'époque, il n'a que deux employés, contre 50 aujourd'hui.
"Nous voulons attirer davantage de vendeurs chinois sur notre plate-forme numérique afin de renforcer la diversité et le choix des produits disponibles pour nos consommateurs africains", a-t-il dit.
La Chine occupe une position de leader mondial en matière d'e-commerce et d'utilisation d'Internet, a indiqué Peng Lihui, secrétaire général de la Chambre de commerce électronique de la Chine, ajoutant que la technologie et le modèle d'affaires développés par les compagnies chinoises d'e-commerce pourraient servir d'exemple à leurs homologues africains.
(Par Olatunji Saliu, Guo Jun)