Dernière mise à jour à 19h28 le 09/11
« L'OTAN est en état de "mort cérébrale" ». Il y a quelques jours, le président français Emmanuel Macron a été interviewé par le magazine britannique « The Economist », et a fait à cette occasion cette déclaration fracassante. À cet égard, des experts de la question qui ont accordé un entretien aux journalistes du Quotidien du Peuple en ligne ont souligné que la phrase du président Macron exprime de manière publique son mécontentement vis-à-vis de la politique américaine et appelle l'Union européenne à réfléchir de manière indépendante à la situation actuelle et à se débarrasser de sa dépendance vis-à-vis des États-Unis en matière de sécurité.
L'OTAN est l'instrument le plus important ayant permis aux États-Unis de contrôler leurs alliés européens après la Seconde Guerre mondiale et de servir leur stratégie hégémonique mondiale. Après la fin de la guerre froide, la valeur même de l'existence de l'OTAN a souvent été mise en doute. Ces derniers temps, les États-Unis ont déchiré l'accord sur le nucléaire iranien, se sont retirés de l'Accord de Paris sur le climat et ont quitté la Syrie... La série de politiques et d'actions « prioritaires » des États-Unis a entraîné une nette rupture dans les relations entre les États-Unis et leurs alliés européens traditionnels.
Le 16 février de cette année, la chancelière allemande Angela Merkel a vivement critiqué ce qu'elle a appelé la « dictature » américaine lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, avertissant les États-Unis que l'Europe ne pouvait être exclue des accords de désarmement nucléaire, du retrait de la Syrie et des problèmes commerciaux. Le 27 août, le président Macron a souligné devant le corps diplomatiques que « Les États-Unis sont un allié, un allié de longue date, mais aussi un allié qui nous a kidnappé depuis longtemps », devenant après Angela Merkel un autre grand leader européen reconnaissant les similarités et les différences, mais aussi les contradictions entre l'Europe et les États-Unis.
Dans son interview, Emmanuel Macron a critiqué l'OTAN, disant « D'une part, il y a un manque de coordination stratégique au sein des pays européens; d'autre part, au sein des pays de l'OTAN, les États-Unis et la Turquie sont en porte-à-faux sur de nombreuses questions. Voilà la situation actuelle de l'OTAN ». Cette déclaration, qui a attiré l'attention de l'opinion publique internationale, a été considérée par les médias étrangers comme la plus forte des critiques du président français à l'égard des États-Unis, mais aussi la plus grande remise en question de l'OTAN.
« Actuellement, les relations américano-européennes ont radicalement changé et les contradictions entre les États-Unis et l'Europe se sont accrues de manière significative », a souligné Liu Mingli, directeur adjoint de l'Institut européen de l'Académie chinoise des relations internationales modernes, dans un entretien accordé au Quotidien du Peuple en ligne, ajoutant que dans le domaine économique et commercial, l'Europe était devenue une cible importante des États-Unis pour l'augmentation des taxes ; dans le domaine des valeurs, les États-Unis n'appuient pas le processus d'intégration européenne et invitent même certains pays à suivre l'exemple de la Grande-Bretagne en quittant l'Union européenne ; sur les questions de sécurité, Donald Trump demande aux pays européens d'accroître leurs dépenses militaires et d'assumer davantage de responsabilités en matière de sécurité.
Liu Mingli estime que, compte tenu de la récente prise de position d'Emmanuel Macron, les divergences entre les États-Unis et l'Union européenne sur la question de l'OTAN ne se sont pas atténuées, mais pourraient même encore s'aggraver. L'idée de « mort cérébrale de l'OTAN » est en réalité une expression publique de son mécontentement vis-à-vis de la politique américaine et vise à encourager ou pousser l'Union européenne à repenser son orientation politique en matière de sécurité dans le contexte de changements de politique américaine et à demander à l'Union de réfléchir de manière indépendante à la situation actuelle et soit s'appuyer sur les États-Unis ou d'obtenir son indépendance en matière de défense comme par le passé, et ne plus compter ainsi sur les États-Unis pour des questions de sécurité..
Il est à noter que depuis l'ère de Charles de Gaulle, la France joue un rôle de premier plan en Europe avec son « indépendance ». Dans son entretien avec « The Economist », Emmanuel Macron a souligné qu'il existait une grande incertitude dans les politiques du gouvernement américain. Il y a un manque de coordination stratégique entre les membres de l'OTAN et les États-Unis. Les pays européens ne peuvent plus compter sur les États-Unis pour se défendre, sinon ils ne contrôleront plus leur propre destin. Il a également insisté à plusieurs reprises sur l'importance de la construction d'une « armée européenne », affirmant que c'était la clé pour contrebalancer les États-Unis. « Sans cela, il n'y aura pas de réelle indépendance de l'Europe », a-t-il ajouté.
Le président français a également déclaré que vouloir mettre la Russie à l'écart de l'Europe était une grave erreur stratégique et qu'il fallait renouer le dialogue avec la Russie. À cet égard, la Russie, qui fut l'une des cibles de la défense de l'OTAN, a beaucoup apprécié la déclaration d'Emmanuel Macron. Le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a qualifié l'expression de « mort cérébrale de l'OTAN » de « paroles d'or » qui constitue une « définition précise » du statut actuel de l'OTAN.
« En ciblant les États-Unis et l'OTAN, la France "a mis les pieds dans le plat" ». Xing Wei, chercheur à l'Institut d'études internationales de Chine, a rappelé que la France a toujours préconisé que la sécurité des pays européens soit décidée par l'Europe elle-même, en particulier depuis la crise ukrainienne, et elle maintient que l'Europe ne peut pas complètement s'opposer à la Russie. Tout cela reflète le fait que la France prône l'indépendance et protège son statut de puissance majeure.
Xing Hua estime qu'après la fin de la guerre froide, la valeur de l'existence de l'OTAN a été mise en doute et que, globalement, l'OTAN a également pris conscience de ce problème et commencé à se réformer. Cependant, depuis la crise ukrainienne, l'OTAN a considéré la Russie comme la plus grande menace et a renforcé la pression militaire contre la Russie. À l'heure actuelle, les relations entre les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN et la Russie constituent une nouvelle situation de guerre froide et l'OTAN est devenue l'initiatrice de menaces pour la sécurité européenne.
Lors d'une conférence diplomatique cette année, Emmanuel Macro a formulé un jugement stratégique selon lequel « l'hégémonie occidentale pourrait être proche de sa fin ». Il estime que l'hégémonie occidentale s'est pleinement exercée depuis 300 ans, maintenant un contrôle absolu sur l'économie et la politique mondiales, mais qu'aujourd'hui cette situation idéale n'est plus, et que « les choses changent ».
« L'OTAN réalisera inévitablement une transformation de ses fonctions à l'avenir », a conclu Liu Mingli.
(Par Liu Yeting et Chu Tianshu du Quotidien du Peuple en ligne)