Depuis la déclaration de la doctrine de Monroe en 1823, les politiciens américains ont pris pour habitude de considérer tous les pays situés au sud du Rio Grande comme "l'arrière-cour" des Etats-Unis.
Une expression qui ne manque pas de faire tiquer les populations d'Amérique latine quand on sait que le terme anglo-américain pour "arrière-cour", "backyard", a des connotations positives, mais que pour les hispanophones, il désigne l'endroit où on élève les poulets et où on plante les bananiers.
Sans entrer en détail dans ce problème de traduction, le terme américain lui-même est devenu obsolète ces dernières années, comme l'a admis le secrétaire d'Etat américain John Kerry en novembre dernier, soit six mois après l'opprobre anti-américain que l'analogie avait déclenché en Amérique latine. L'ère de la doctrine de Monroe était déjà révolue.
D'ailleurs la déclaration de M. Kerry, quoique quelque peu tardive, a permis aux Etats-Unis de reconnaître que les choses avaient changé dans le nouveau monde. Les pays d'Amérique latine sont sortis de l'influence américaine étouffante pour devenir des acteurs à part entière sur la scène internationale.
Parallèlement, les 33 pays de la région riche en ressources, avide de développement et engagée sur la voie de l'intégration ont pris la voie de la croissance soutenue et de la coopération mondiale qui fait du nouveau siècle celui de l'Amérique latine.
C'est dans ce contexte qui évolue que les relations entre la Chine et l'Amérique latine se sont renforcées pour aller de l'avant à vitesse grand V. Le volume des échanges commerciaux dans les deux sens a atteint le niveau record de 261,57 milliards de dollars en 2013, et les chiffres de l'ONU indiquent que la Chine devrait surpasser l'Union européenne pour devenir le premier partenaire commercial de la région en 2016.
Ce n'est pas vraiment une surprise. La coopération gagnant-gagnant entre la première économie du monde en développement et le marché émergent dynamique de l'Amérique latine est en plein essor car cette coopération s'inscrit dans les besoins et les aspirations des deux camps.
Mais ce n'est pas le moment de s'endormir sur ses lauriers. La Chine et l'Amérique latine se sont concentrées jusqu'ici sur des cibles faciles à atteindre, mais le développement de leurs liens devrait déboucher sur une coopération plus large, plus profonde et plus créative.
Pour commencer, la Chine et les pays d'Amérique latine n'ont pas encore pleinement exploité leurs atouts économiques complémentaires. Les ressources financières et technologiques abondantes de la Chine et les immenses ressources naturelles de l'Amérique latine attendent toujours la bonne recette qui permette d'exploiter tout leur potentiel.
La Chine et l'Amérique latine devraient se rapprocher pour construire un ordre mondial plus équitable, mais aussi pour relever ensemble les grands défis mondiaux tels que le changement climatique.
Afin de mieux promouvoir la coopération entre la Chine et l'Amérique latine, il est souhaitable d'établir au plus vite un dialogue et des mécanismes de coopération entre la Chine et la Communauté des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes.
La sincérité de la Chine est authentique et son engagement inébranlable, comme en témoignent le soutien de Beijing à l'intégration des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes et la deuxième visite dans la région du président chinois Xi Jinping depuis qu'il a pris ses fonctions en mars 2013.
La rencontre à venir entre M. Xi et les dirigeants d'Amérique latine est prometteuse. Elle offrira une belle opportunité pour les deux camps d'apprendre à mieux se connaître en consolidant davantage leur confiance mutuelle, mais aussi pour tracer les grandes lignes de la coopération future.
Pour l'Amérique latine, il s'agira également de confirmer sa transformation historique pour prouver à la Terre entière que l'arrière-cour des Etats-Unis est dorénavant à la pointe du développement mondial.