Le concept de "menace chinoise" est-il toujours d'actualité? Il semble bien que la Chine, tout en réaffirmant plus que jamais sa puissance économique et militaire, "poursuive la voie de développement pacifique qu'elle promeut depuis les années 1970, avec certes plus de détermination, notamment en ce qui concerne ses conflits territoriaux". Toutefois, il semble bien à ce jour que la Chine "n'interviendra pas dans des conflits majeurs, sauf si elle était en danger de façon directe ou indirecte", a indiqué mardi l'universitaire et sinologue français Pierre Picquart, dans une interview exclusive accordée à l'agence de presse Xinhua (Chine nouvelle).
Beijing a besoin de la paix pour poursuivre son développement et son économie au-delà de ses frontières. La Chine n'a auparavant jamais dépassé sa zone régionale ou participé à des actions de guerre ou à des alliances portant atteinte à la souveraineté d'autres Etats, a poursuivi Pierre Picquart, auditeur associé à l'IHEDN 75 (Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale).
"La Chine n'a auparavant jamais été une menace pour l'Occident, et n'a fait partie d'aucune alliance armée telle que l'OTAN", a indiqué Pierre Picquart. Mais aujourd'hui, le président chinois prône d'une part une politique pacifique, et d'autre part appelle à "une grande renaissance de l'armée chinoise" en lui envoyant un message clair : elle doit améliorer sa capacité à remporter des combats pour assurer sa sécurité, a-t-il ajouté .
Aujourd'hui, la Chine développe une "diplomatie de plus en plus active aux quatre coins du monde". Beijing confirme les grandes orientations de sa politique extérieure imaginée il y a plus de trente ans, parallèlement à l'établissement d'une diplomatie basée sur le principe du "développement pacifique," a estimé le sinologue français, ajoutant que la Chine réaffirme ainsi ses priorités que sont la défense nationale, la stabilité du pays, son développement économique, l'affirmation de son statut de grande puissance, la réunification de la nation chinoise, et la pérennité de son système politique.
La Chine s'est efforcée de bâtir comme les autres nations une armée moderne pour garantir la défense de son territoire et la préservation de ses intérêts économiques, tout en s'adaptant à un environnement international instable et à de nouveaux enjeux de défense et de sécurité. Fidèle à sa ligne diplomatique multilatérale, la Chine réaffirme le choix stratégique de la voie du développement pacifique et le souhait de maintenir la coopération.
"Elle ne vise pas l'hégémonie, mais elle souhaite assurer sa sécurité intérieure et celle de de sa population", a souligné M. Picquart.
La Chine confirme ses intentions dans le Livre de la Défense chinoise de 2013 : "un nouveau concept de sécurité caractérisé par la confiance mutuelle, les avantages réciproques, l'égalité et la coordination, une sécurité globale, et la sécurité commune et coopérative ". Elle est, en outre, un des premiers contributeurs en "Casques bleus " dans le cadre des opérations non-militaires de l'ONU, a-t-il poursuivi.
"Les forces armées chinoises occupent une place prépondérante et jouent un rôle majeur dans les stratégies militaires mises en place pour assurer la sécurité et le développement du pays. Elles ont pour mission de sauvegarder la souveraineté de l'Etat, la sécurité du pays ainsi que ses intérêts en matière de développement".
Toujours selon Pierre Picquart, la Chine suit le principe selon lequel "il n'y aura attaque qu'en cas d'agression extérieure". La Chine n'a en effet jamais envahi, par le passé, des territoires lointains en menant des guerres au-delà de son aire régionale ni participé à de quelconques formes armées de coalitions telle que l'OTAN.
Au regard de son budget militaire, la Chine continue la modernisation de son armée. Toutefois, même s'il s'agit là d'un budget impressionnant, la puissance militaire chinoise serait encore inférieure à celles des Etats-Unis. Effectivement, ceux-ci gardent une certaine longueur d'avance, avec des dépenses représentant 45,3% du montant total planétaire, a noté M. Picquart.
Les dépenses chinoises sont à la traîne depuis longtemps au regard du développement économique. Après des années de croissance, son budget correspond (à trois points près) à sa croissance économique. La Chine était en retard dans son processus de modernisation et la plupart des augmentations dans son budget militaire ont depuis de nombreuses années été absorbées par l'inflation, l'amélioration des conditions de travail et les pensions des militaires, a-t-il ajouté.