Emmanuel Lincot est rédacteur en chef de la revue Monde chinois Nouvelle Asie. Il a été fondateur et directeur de la Chaire des Etudes Chinoises Contemporaines à l'Institut Catholique de Paris de 2008 à 2013. Ses recherches portent sur l'histoire culturelle moderne, la politique étrangère et les transformations sociales de la Chine. Le Quotidien du Peuple en ligne l'a interviewé à propos des ses impressions sur les deux sessions de l'APN et de la CCPPC.
D'abord indiquant que « le premier ministre Li Keqiang, dans un discours d'ouverture de l'Assemblée Nationale Populaire (ANP), s'engageait à lutter contre la pollution qu'il qualifiait de ‘fléau pour la qualité de la vie' », le sinologue a noté que « cette déclaration faisait suite à la publication du rapport annuel de la commission chinoise du développement et de la réforme chargée de la planification en vue de promouvoir les énergies renouvelables et de lutter contre les surcapacités de production dans les secteurs polluants ». Selon lui, « cette session annuelle de l'Assemblée Nationale Populaire restera dans les annales pour avoir donné à cette préoccupation nationale une portée à la fois symbolique et institutionnelle. »
En notant les personnalités du secteur économique dans la Conférence consultative politique du peuple chinois, telle que le patron du géant du Net Tencent Holdings, Pony Ma, son rival de Baidu, Robin Li, ainsi que le fondateur du fabricant de smartphones Xiaomi, Lei Jun, etc, Emmanuel Lincot a souligné que « l'intérêt de ce gigantesque rassemblement, on l'aura compris, n'est donc pas négligeable. Soigner ses guanxi, ses relations sociales, avec des haut fonctionnaires, c'est assurément pour un délégué l'occasion de drainer de l'argent vers sa lointaine province. »
Il a rajouté : « car la dépense publique doit être réorientée vers les services publics pour renforcer la demande intérieure. ‘Approfondir la réforme et restructurer l'économie' est l'objectif premier du gouvernement qui s'est attelé à une lutte sans précédent contre la corruption. »
Le sinologue a également fait remarquer qu'« au cours de cette session l'annonce faite par le premier ministre d'une baisse du budget militaire chinois passé de 12, 2 % d'augmentation (pour l'année 2014) à 10, 1 %, cette diminution porte le budget de l'Armée de libération populaire (APL) à 887 milliards de yuans (128 milliards d'euros) », en notant que « nombre d'analystes y voient le reflet d'une ‘nouvelle normalité' imposée par les mesures d'austérité du président Xi Jinping et une croissance du PIB à la baisse. »
Le sinologue a évoqué qu'« un jour plus tôt, Fu Ying, porte-parole de l'ANP, précisait que ‘notre pays veut réussir sa modernisation, et la modernisation de la défense nationale en forme une part importante' ». Contradiction ? Non. Emmanuel Lincot a expliqué qu'il s'agit de « simple réajustement et nécessité pour la Chine, comme le mentionnait en 2013 le Livre Blanc de la défense, de se doter des forces armées et d'une puissance militaire qui ‘correspondent à sa politique économique et politique' ».
Dans son discours inaugural, Li Keqiang évoquait également les préparatifs de trois anniversaires : les 50 ans de la création de la région autonome du Tibet, les 60 ans de celle du Xinjiang et les 70 ans de la victoire contre le Japon. Selon le sinologue, c'est « une façon d'esquisser les lignes de force qui caractériseront les choix de la Chine dans les mois et les années à venir tant dans le domaine de la politique intérieure que dans sa stratégie à l'international ».