Dernière mise à jour à 16h57 le 01/09
Cet été, alors que la comédie musicale française « Roméo et Juliette » tournait dans les villes chinoises, les centres des arts du spectacle organisant le spectacle ont attiré de nombreux jeunes publics exubérants vêtus de tenues rouges ou bleues. Dans le classique shakespearien, ces couleurs représentent en effet les deux familles rivales de Vérone, en Italie. Les jeunes fans chinois sont allés sur les réseaux sociaux pour partager des informations sur le spectacle et ont tout fait – y compris en respectant le code vestimentaire – pour devenir des participants plutôt que des observateurs passifs.
Le public chinois de la génération Z -un terme qui désigne les jeunes nés entre 1997 et 2010- recherche de plus en plus d'opportunités de participation des spectateurs aux arts du spectacle. Ils sont également devenus une formidable force de consommation sur le marché en plein essor des arts du spectacle en Chine, et leurs habitudes de spectateurs façonnent le secteur. Les jeunes qui ont assisté à Roméo et Juliette ont échangé des informations en ligne sur la distribution, la vue depuis différents sièges dans les théâtres et même des paroles en français marquées d'indicateurs phonétiques.
(Ren Long / Xinhua)
Hors ligne, ils ont fait la queue pendant des heures pour des séances d'autographes et se sont littéralement rués vers la scène après le rideau final pour des performances de rappel. Ils ont même organisé un chœur d'« Aimer », la chanson vedette de la comédie musicale, et en français.
Hao Jiajing, un étudiant de 19 ans à l'Université des études étrangères de Beijing, est un fervent fan de musique rap et assiste à des concerts et à des festivals, méticuleusement vêtu de vêtements hip-hop. Son expérience va au-delà de la musique, lui offrant l'occasion de nouer des liens avec ceux qui partagent ses passions. « Regarder un spectacle est une chance de rencontrer des personnes partageant les mêmes idées. Nous venons peut-être d'horizons différents, mais la passion commune pour le rap crée un lien fort », a-t-elle déclaré, notant que le sentiment de camaraderie entre des personnes qui ne se connaissent pas mais qui partagent un amour commun pour le genre se transforme souvent en amitiés durables, s'étendant au-delà de la salle de concert.
En plus d'assister à des séances d'autographes et à des rencontres avec ses rappeurs préférés, elle participe occasionnellement à des événements d'avant-spectacle organisés par des groupes de fans, aidant ainsi à distribuer des souvenirs avant les concerts. Une fois les concerts terminés, elle se rend à des dîners avec d'autres membres du groupe et ils "refont" ensemble l'intégralité du concert.
Pour la jeune fille, s'habiller dans un style hip-hop est bien plus qu'une simple opportunité de prendre des photos sur les réseaux sociaux. Il symbolise le passage d'une mode décontractée de tous les jours à une mode hip-hop distinctive, un changement qui l'aide à se fondre dans l'atmosphère dynamique de la culture rap. « Il s'agit de se fondre totalement dans l'ambiance des performances en direct, me donnant l'impression de faire partie du spectacle », a-t-elle dit.
S'habiller pour des spectacles en direct lui offre également l'occasion d'affirmer une identité cachée. « Personnellement, j'adore ce style vestimentaire. Il ne convient peut-être pas à une tenue quotidienne sur le campus, mais assister à ce genre d'événement musical constitue un exutoire parfait », a-t-elle confié.
Les consommateurs du marché chinois des arts du spectacle sont aujourd'hui de plus en plus jeunes. Selon Zhu Min, professeur agrégé à l'Université de communication de Chine et directeur de la base de recherche sur la culture et le tourisme du ministère de la Culture et du Tourisme, plus de 30% de la consommation des arts du spectacle est réalisée par des publics nés après 1995. « La génération Z est devenue une force avec laquelle il faut compter en termes de consommation des arts du spectacle, et ses besoins et préférences ne peuvent être ignorés, compte tenu des récents efforts de la Chine pour stimuler la consommation culturelle et l'économie nocturne », a-t-il souligné.
Selon le professeur Zhu, les nouvelles habitudes des spectateurs ont entraîné des changements dans le domaine du spectacle. Les festivals de musique, les salles de concerts en direct, les comédies stand-up et les drames immersifs sont devenus à la mode, marquant une rupture avec les spectacles traditionnels, car ces spectacles rapprochent beaucoup le public des interprètes et sont parsemés d'interactions improvisées.
Quant aux raisons de ce changement, il a noté que la génération Z chinoise a grandi à l'ère numérique et dans un contexte socio-économique en évolution rapide. De nombreux jeunes disposent d'un peu d'argent supplémentaire pour acheter non seulement des billets de concert mais aussi des produits dérivés. De plus, les membres de la génération Z souhaitent créer leurs propres cercles d'amis et communautés pour trouver ceux qui partagent leurs passions.
Le professeur Zhu s'est dit impressionné par la scène dont il a été témoin récemment lors d'un festival de musique. « J'étais là à la fois en tant que chercheur et en tant que passionné, et j'ai été choqué par ce que les jeunes faisaient par amour sincère, du point de vue de quelqu'un qui est né dans les années 1970 », a-t-il raconté.
Selon les données de l'Association chinoise des arts du spectacle, un total de 193 300 représentations artistiques commerciales ont été organisées au premier semestre de cette année en Chine, soit une augmentation de plus de 400% d'une année sur l'autre. Le nombre total de personnes présentes était d'environ 62,24 millions, soit plus de 10 fois plus qu'au cours de la même période de l'année dernière.
