Ces derniers jours, certains médias français ont nourri des spéculations au sujet de la coopération sino-française dans le secteur de l'énergie nucléaire, qui se voit quelque peu malmenée, alors que le gouvernement français compte lancer en janvier prochain une enquête sur les relations entre l'industrie nucléaire française et ses partenaires étrangers, y compris sur un accord avorté entre le groupe français EDF et le chinois CGNPC.
D'après certains médias français comme le Canard enchaîné et le Nouvel Observateur, il y aurait eu une forme de "trahison" de la part d'EDF, car l'entreprise française aurait voulu coopérer avec le groupe chinois au détriment des "intérêts d'Etat" en ne protégeant pas suffisamment la propriété intellectuelle.
Il faut souligner que toutes ces craintes et ces spéculations sur le fait que la Chine "volerait" à la France des technologies nucléaires sont infondées, ce que reconnaissent les experts français.
La réalité est que la Chine maîtrise tous les modèles existants de réacteurs et est en pointe dans le monde pour le développement de nouveaux modèles. La Chine construit et exploite tous les modèles de réacteurs nucléaires à l'exception des modèles de réacteurs russes RBMK (type de Tchernobyl) et à eau légère bouillante (type Fukushima).
La Chine dispose de bureaux d'études et d'usines géantes sans équivalent en Europe pour construire ses installations nucléaires, alors que les Français ne disposent que de réacteurs d'un seul modèle, et importent bon nombre de composants. En outre, à l'heure actuelle, les Français ont besoin des commandes chinoises pour maintenir leur industrie nucléaire.
Mutuellement profitable, la coopération sino-francaise dans le domaine de l'énergie nucléaire civile est l'illustration d'un partenariat industriel que la France et la Chine ont su bâtir sur le long terme.
Concrètement, les entreprises françaises ont mené une coopération fructueuse avec leurs partenaires chinois sur le marché chinois et ailleurs. Par exemple, en novembre 2010, Areva a signé avec CGNPC un accord pour une valeur de 3 milliards de dollars, accord en vertu duquel Areva doit fournir 20 000 tonnes d'uranium à CGNPC sur une période de dix ans.
"Initiée il y a 30 ans, la coopération nucléaire sino-française débute avec la signature en 1982 d'un accord de coopération entre le Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) [organisme français] et le ministère chinois de l'Industrie nucléaire. La coopération se poursuit dès lors par la construction des premières centrales nucléaires d'origine française : Daya Bay dont les réacteurs sont mis en service en 1994 et Ling' Ao mis en service en 2002 et 2003. Plus d'une vingtaine de réacteurs basés sur ce modèle, modernisé et adapté, sont aujourd'hui en construction en Chine", peut-on lire sur le site internet de l'ambassade de France à Beijing.
Cette coopération industrielle s'accompagne également d'une coopération dans le domaine de la recherche et développement grâce à laquelle 500 ingénieurs et chercheurs chinois ont été formés en France dans les centres de recherche du CEA et aboutissant aujourd'hui à la création de plusieurs laboratoires associés entre le CEA et les instituts de recherche et d'ingénierie chinois, rappelle aussi l'ambassade.
Les conditions de collaboration dans le secteur de l'énergie nucléaire civile entre la France et la Chine sont transparentes. "Cela fait trente ans que nous sommes partenaires [...] Montrer du doigt nos partenaires chinois ne crée pas un environnement psychologique favorable", a déclaré Hervé Machenaud, directeur de la production d'EDF, dans une interview publiée jeudi par le journal français Le Parisien.
De son côté, le ministère français des Affaires étrangères, citant le Conseil de politique nucléaire (CPN), a indiqué vendredi que la France souhaitait revoir la coopération extérieure avec l'étranger dans le secteur de l'énergie nucléaire civile, mais jugeait "stratégique" le développement d'un partenariat "durable et équilibré" avec la Chine.
Le gouvernement français "a en effet décidé de clarifier et de préciser le rôle respectif de l'Etat et des entreprises dans les relations avec des partenaires étrangers en matière d'industrie nucléaire", a indiqué le porte-parole adjoint du Quai d'Orsay, Vincent Floréani, en réponse à une question sur un "bilan des relations passées" dans le domaine du nucléaire.
"Ces relations s'inscrivent dans un cadre défini par l'Etat, qui assure un pilotage global des relations", a déclaré M. Floréani.
En septembre dernier, le CPN avait souligné : "Le partenariat avec la Chine (dans le domaine de l'énergie nucléaire) était quelque chose de stratégique, était une priorité, un élément important de l'export pour notre filière nucléaire civile."
"S'agissant de l'avenir, le CPN a considéré comme stratégique le développement d'un partenariat durable et équilibré avec la Chine", a rappelé M. Floréani.
Pour un secteur qui rapporte à la France des milliards d'euros, les "intérêts d'Etat" se trouvent sans conteste dans cette coopération avec un partenaire étranger fiable. Les médias doivent avoir une vision globale sur la question et se garder de provoquer des craintes infondées qui agiraient "au détriment des intérêts d'Etat".
CHEN Weihua, LI Ming