Le gouvernement français pourrait lancer en janvier prochain une enquête sur les relations entre l'industrie nucléaire française et ses partenaires étrangers, y compris un accord avorté entre le groupe français EDF et le chinois CGNPC.
"Cette mission porte sur le passé. Il s'agit de tirer un bilan, de faire le point sur les relations entre l'industrie nucléaire française et ses partenaires étrangers", a laissé entendre une source proche du Matignon.
D'après certains médias français, il s'agirait de "trahison" de la part de la compagnie française et d'"espionnage commercial" de la part de la société chinoise. De telles étiquettes ne sont pas convenables après 30 ans de coopération nucléaire entre la Chine et la France.
En novembre 2011, le groupe EDF avait signé avec China Guangdong Nuclear Power Company (CGNPC) un accord de coopération qui aurait été bloqué plus tard par le Premier ministre français de l'époque François Fillon au motif que le groupe nucléaire français Areva n'en faisait pas partie, a rappelé Hervé Machenaud, directeur de la branche Asie-Pacifique du groupe EDF.
Cet accord étant à "l'état de brouillon", EDF en a élaboré un autre, un "tripartite" qui incluait aussi CGNPC et Areva et qui porte sur le développement d'un nouveau réacteur nucléaire de 1000 MW, a poursuivi M. Machenaud.
Le texte a été signé en marge d'une réunion du G8, groupement de huit industriels nucléaires, a déclaré M. Machenaud, ajoutant qu'EDF avait obtenu "l'accord explicite" du gouvernement français.
M. Machenaud est un connaisseur de la coopération nucléaire avec la Chine. "La Chine est le plus grand marché électrique du monde, elle est le centre de l'industrie nucléaire, hydraulique et électrique du monde. La coopération avec la Chine est un choix naturel d'EDF," a dit l'homme qui s'est engagé dans le dossier de coopération avec la Chine depuis 1982.
En fait, les entreprises françaises ont mené une coopération fructueuse avec leurs partenaires chinois sur le marché chinois. Par exemple, Areva avait signé en novembre 2010 avec CGNPC un accord pour une valeur de 3 milliards de dollars, accord en vertu duquel Areva fournit 20.000 tonnes d'uranium à CGNPC sur une période de dix ans.
Il est ridicule de dire que la Chine voulait "voler" la technologie nucléaire à la France. La Chine maîtrise tous les modèles existants de réacteurs et s'est placée en tête dans le monde pour le développement de nouveaux modèles. La Chine construit et exploite tous les modèles de réacteurs nucléaires à l'exception des modèles de réacteurs Russes RBMK (type de Tchernobyl) et à eau légère bouillante (type Fukushima), indique un expert français à la retraite.
La Chine dispose de bureaux d'études et d'usines géantes sans équivalent en Europe pour construire ses installations nucléaires, alors que les Français ne disposent que de réacteurs d'un seul modèle, et importent bon nombre de composants.
A l'heure actuelle, ce sont les Français qui ont besoin des commandes chinoises pour maintenir ce qui reste de leur industrie nucléaire. Les Chinois peuvent se passer des Français côté connaissances.
"Les conditions de collaboration (dans le secteur de l'énergie nucléaire civile) entre la France et la Chine sont transparentes. Cela fait trente ans que nous sommes partenaires", a déclaré Hervé Machenaud, directeur de la production d'EDF, dans une interview publiée jeudi par le journal français Le Parisien.
"Montrer du doigt nos partenaires chinois ne crée pas un environnement psychologique favorable", a enfin regretté l'entrepreneur français.
Heureusement, beaucoup d'experts français chargés de la politique nucléaire sont conscients de l'importance de la coopération sino-française en matière d'énergie nucléaire.
"Le partenariat avec la Chine (dans le domaine de l'énergie nucléaire) était quelque chose de stratégique, était une priorité, un élément important de l'export pour notre filière nucléaire civile", avait réitéré le Conseil de politique nucléaire de France en septembre.