Dernière mise à jour à 15h39 le 13/05
Pourquoi écrire un tel titre ? Il s'agit, pour moi, d'une affirmation et pas simplement d'un titre. L'initiative "la Ceinture et la Route" (ou la BRI) est l'avenir. Par leurs trajets, par leurs mesures, elles posent un avenir : celui de l'échange mondialisé où plus aucun pays n'est oublié.
L'avenir est une « communauté de destins » articulé autour de l'initiative "la Ceinture et la Route".
Comment puis-je arriver à cette affirmation ?
Grâce à l'article de Gong Ming, vous connaissez un peu mon parcours. Je suis en effet titulaire d'un doctorat de philosophie et d'épistémologie depuis février 2005. Normalement, tout devait me conduire à me rendre aux États-Unis et à poursuivre mes réflexions sur le langage dans un contexte connu, commun à tous les occidentaux. Mais j'ai décidé de partir à l'opposé, d'aller là où personne ne m'invitait, d'aller là où je n'avais aucune connaissance. J'ai donc choisi de me rendre à Beijing en empruntant le transsibérien. Ce voyage a profondément changé ma vie, mon regard et a réorienté ma pensée.
Ce voyage m'a fait prendre conscience que la pensée occidentale limite le réel à une sphère géographique et économique bien particulière. Il me fallait poursuivre cette réflexion en continuant mes explorations en Chine, mais aussi en Asie. Je ne peux ici, vous raconter tous mes périples en Chine, en Inde, au Népal, en Indonésie. Découvrir « un dehors » de la pensée occidentale, c'est dévoiler les failles, c'est aussi prendre conscience des erreurs historiques commises par les nations occidentales en Chine.
La découverte de l'initiative "la Ceinture et la Route"
Cette compréhension de l'histoire de la Chine, a été nécessaire, le jour où l'on m'a invitée à découvrir l'initiative chinoise. Et cette découverte, je la dois à Monsieur WU Xiaojun, il était alors Conseiller Communication à l'Ambassade de Chine à Paris. Il m'a invitée à me rendre au Gansu en 2014 où se déroulait un des premiers forums sur l'initiative "la Ceinture et la Route". J'ai été stupéfaite. Je me souviens de ma première impression : sous mes yeux se révélait une stratégie intelligente, innovante, nouvelle dont personne ne parlait en occident. J'étais épatée. Enfoncée dans mon siège, je ne cessais de me dire « nous sommes en train de vivre le plus grand tournant de l'histoire de l'humanité ».
En me replongeant, dans les souvenirs de cette première conférence à laquelle, j'ai assistée, je me souviens de l'intervention d'un professeur chinois. Dans une présentation intitulée « le charme de l'initiative "la Ceinture et la Route" », il y défendait des points fondateurs de cette initiative : l'ouverture, le respect, la tolérance. Il notait que les objectifs d'un pouvoir harmonieux sont : la pacification, une coopération gagnante-gagnante, une survie durable de l'humanité, des bénéfices pour l'humanité entière. Il indiquait que la BRI était fondé sur le principe d'harmonie.
L'équilibre du monde : le principe d'harmonie
En chinois, l'harmonie s'écrit 和. Ce caractère est composé de deux parties : ⽲ (hé), un pictogramme représentant une céréale et ⼜ (kǒu), un pictogramme représentant la bouche. Ainsi nous pourrions considérer que l'harmonie peut s'atteindre quand tout le monde a de quoi se nourrir. Si la population a faim elle conduira la révolte.
Depuis les origines de la civilisation chinoise, le principe d'harmonie est inscrite au coeur de ses fondements. Le Mandat Céleste (天命 Tiānmìng) a été introduit sous la dynastie 周 Zhōu (1046 à 256 av. J.C.). Sans doute était-ce pour justifier sa prise de pouvoir sur la dynastie précédente. Mais ce mandat a établi la responsabilité du pouvoir en place vis-à-vis de l'harmonie que le peuple est en droit d'attendre. Confié par le Ciel à un empereur, ce mandat peut à tout moment lui être retiré s'il ne s'en montre pas digne. Ainsi peut se justifier son renversement.
Inondations, tremblement de terre, corruption généralisée, invasions, défaites militaires d'envergure, sont autant de signes pouvant amener le peuple à considérer que son souverain n'est plus digne d'exercer le pouvoir suprême.
Dans cette Chine ancienne qu'a connu Confucius, il fallait redonner vie à ce mandat. La dynastie 周 Zhōu avait perdu son rôle unificateur et pacificateur, il y avait donc une urgence à repenser l'harmonie. Non au travers d'un être supérieur, mais bien dans les relations humaines. Confucius voulait donc restaurer ce mandat du Ciel qui conférait le pouvoir et l'efficacité à l'empereur vertueux.
Cependant, bien qu'il affirme ne rien inventer et se contenter de transmettre la sagesse ancienne, Confucius a interprété les anciennes institutions selon ses aspirations, il a semé les graines de ce qu'il convient d'appeler l'« humanisme chinois ».
Pour atteindre ce but, Confucius place l'humain au centre de sa pensée, la pratique (de l'étude) et la sincérité sont les piliers nécessaires de l'apprentissage de toute une vie.
N'est-ce pas cela que nous propose l'initiative "la Ceinture et la Route" ? Une mise à plat de notre système de pensée, un rééquilibrage nécessaire ? Une façon de repenser cette société de consommation de façon plus harmonieuse, davantage en lien avec notre environnement ?
Développer l'humanisme
L'humanisme ne désigne pas seulement le mouvement de pensée issu de la Renaissance où il s'agissait de conduire la vie des hommes selon les textes anciens. L'humanisme est aussi une théorie qui place la personne humaine et son épanouissement au-dessus de toutes les autres valeurs.
Si nous regardons bien, le principe d'harmonie est la base même d'un renouveau de l'humanisme. En Europe, ce sont les guerres mondiales successives qui ont arrêté le développement de l'humanisme. L'initiative "la Ceinture et la Route" en proposent un nouveau développement. C'est précisément l'humanisme qui est au coeur de cette initiative.
En croisant les cultures, le long de la Route de la Soie, l'humanisme s'enrichit, il s'éveille.
En effet, construire une telle route, quelle soit terrestre ou maritime, c'est engager différents pays, différentes cultures. C'est avancer sans détruire ce qui est existant, c'est lui donner la possibilité d'être vu par de nouveaux yeux.
Une route est un lien, un tracé, un trajet. Mais c'est aussi un lieu d'arrêt, de contemplations et de partages. Pour que les échanges soient réussis, il faut développer la coopération amicale et culturelle. Et celle-ci n'est possible que dans le cadre d'un dialogue « gagnant-gagnant ».
Par dialogue, il faut entendre, la reconnaissance de l'autre. La Chine propose ainsi à tous les pays, de les reconnaître. Sans ce principe de reconnaissance, il n'y a que des monologues.
Ainsi en replaçant la notion d'harmonie au coeur des choses (comme principe fondamental), l'initiative "la Ceinture et la Route" préfigure un nouvelle période « des Lumières ».
L'épanouissement d'une Eurasie pacifique ne peut se faire qu'en établissant des liens solides et forts. L'humanisme vient avant l'économie. Il l'anticipe.
Pourquoi et comment défendre la BRI ?
Depuis ma rencontre avec la BRI, je n'ai cessé de me demander comment défendre cette initiative chinoise ? Certes en écrivant dessus, en l'enseignant à mes étudiants, en leur montrant les failles des discours occidentaux sur cette initiative. Mais c'était, à mes yeux, insuffisant. Après mon voyage au coeur du Xinjiang, j'ai décidé de créer une maison d'édition, où justement nous pourrions tisser des ponts d'amitié entre la culture chinoise et celle française. La maison « La Route de la Soie -Éditions » est ainsi née. Il s'agit de permettre des 4 publications d'auteurs chinois, français, de faciliter la découverte d'un autre regard sur la Chine.
Défendre la BRI, c'est aussi dessiner le sens d'une humanité harmonieuse. Sans doute est-ce là la seule utopie à laquelle je souhaite me consacrer. La seule qui puisse encore nous apporter l'harmonie créatrice : celle fondée sur les échanges, l'écoute, la compréhension de l'autre et des autres.
De l'éducation à la politique, de la pensée à la réalisation, ce rêve chinois me porte. Cette initiative réveille le mythe de l'ailleurs, la volonté de se dépasser, de se transcender afin de bâtir ensemble quelque chose de meilleur, de nouveau.
Autant de raisons qui me permettent d'écrire que l'initiative "la Ceinture et la Route" est la route de l'avenir. Nous devons défendre cette initiative, et le protéger des pensées faciles, des erreurs de jugements occidentaux. La vision occidentale enferme la pensée chinoise, elle tente de la circonscrire. C'est une erreur. La pensée chinoise est vivante, mouvante, fluctuante, organique. Elle se renouvèle en permanence, elle nous oblige à nous adapter, à nous jeter dans son tumulte. Elle est vivante. Et quelque part, j'y retrouve ma maxime personnelle, la pensée chinoise par son caractère fluide, nous oblige à voir différemment, à nous remettre en question.
Construire "la Ceinture et la Route", c'est avoir la volonté de construire une société moderne. C'est lui donner comme socle : la matière d'un rêve à bâtir. C'est rassembler les volontés. De cette unification naît l'harmonie. Comme un juste équilibre entre le corps et l'esprit, entre l'individu et le collectif.
Par Sonia Bressler, écrivaine et philosophe française