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L'économie de partage entraîne une pénurie de main-d'œuvre industrielle en Chine

le Quotidien du Peuple en ligne | 06.05.2019 09h54
L'économie de partage entraîne une pénurie de main-d'œuvre industrielle en Chine
Yang Pengpeng, livreur, rêve d'acheter un appartement pour sa famille à Weifang, dans la province du Shandong (est de la Chine). (Photo / Xinhua)

Aujourd'hui, de plus en plus de salariés recherchent un emploi flexible en s'inscrivant via des applications en ligne telles que les titans de la livraison de nourriture Eleme et Meituan, ou Didi, la plate-forme de réservation de voitures avec chauffeur, plutôt que de rester avec un emploi dans une usine. Car en plus d'une plus grande flexibilité, ils espèrent aussi gagner plus d'argent.

Selon le Centre d'information d'État de la Commission nationale de la réforme et de l'ouverture, le nombre de personnes ayant choisi de rejoindre cette nouvelle force de travail en ligne a atteint plus de 7 millions en 2017, soit une augmentation de 1,3 million par rapport à l'année précédente, et elle devrait atteindre les 100 millions l'année prochaine.

Cependant, la transformation des modèles d'emploi en un marché du travail basé sur l'Internet pose des problèmes pour le développement des industries traditionnelles du fait d'une véritable « hémorragie de personnel ».

Selon un rapport de Meituan Dianping, une plate-forme de service à la demande basée à Beijing, 31% de ses livreurs travaillaient auparavant dans des usines, mais ils ont soit quitté leur emploi en raison de bas salaires et d'horaires de travail stricts, soit ont été licenciés, résultat de la réduction de la production pour diminuer les capacités excédentaires.

Un exemple en est un livreur de nourriture du nom de Zhang, enregistré chez Meituan à Beijing depuis juillet 2016. Il a déclaré que son emploi précédent dans une usine de chaussures à Shenyang, la capitale de la province du Liaoning, ne lui assurait que des revenus instables, ce qui entraînait souvent des pressions financières.

« Le salaire dépendait du carnet de commandes de l'usine. Je pouvais gagner jusqu'à 10 000 yuans (1 486 dollars) par mois pendant les deux périodes de pointe -de mars à avril et d'août à septembre mais je ne gagnais rien quand l'usine n'avait pas de commande », se souvient-il.

« Pour moi, être livreur, c'est beaucoup mieux, car je peux gagner plus si je travaille plus, ce qui est plus équitable. De plus, le travail est beaucoup plus agréable, car je rencontre différentes personnes différents jours plutôt que de coudre des chaussures jour après jour, apparemment sans fin ».

Une hémorragie d'employés

Selon le Centre d'information d'État, l'économie du partage connaîtra une augmentation annuelle de 40% dans les prochaines années et représentera 10% du PIB national l'année prochaine et 20% en 2025. Cela permettra à l'économie de partage de devenir un pôle d'attraction majeur pour les demandeurs d'emploi à l'avenir, a ajouté le centre.

Par exemple, le marché de la livraison de produits alimentaires a connu une expansion rapide au cours des quatre dernières années. Selon un rapport rédigé par Eleme, appartenant à Alibaba, plus de 3 millions de livreurs se sont inscrits. Dans le même temps, le nombre de membres du personnel de livraison chez Meituan est passé de 15 000 en 2015 à 2,7 millions l'an dernier.

Cependant, l'augmentation du nombre de personnes travaillant dans l'économie de partage a entraîné une pénurie d'employés dans le secteur manufacturier.

iMedia Research, analyste du secteur à Guangzhou, capitale de la province du Guangdong, a déclaré que l'année dernière, le nombre de livreurs dans la ville de Dongguan avait été multiplié par 31 par rapport à 2013, tandis que plus de 800 fabricants de la ville ont enregistré plus de 100 000 offres d'emploi après la Fête du Printemps.

Selon le Bureau des ressources humaines et de la sécurité sociale de Dongguan, le déficit d'employés existait déjà dans certains secteurs exigeant à la fois des travailleurs non qualifiés et qualifiés, mais il était particulièrement manifeste chez les travailleurs qualifiés en raison des longues heures de travail et des bas salaires.

Le bureau a indiqué que le taux de retour des ouvriers dans les usines de la ville après la Fête du Printemps était de 98,54%, mais uniquement parce que les entreprises et les usines avaient dévoilé des politiques visant à les attirer, notamment en augmentant leurs salaires et en leur remboursant leurs frais de déplacement. Les salaires des travailleurs qualifiés ont augmenté de 8%, pour atteindre 4 613 yuans (687 dollars) par mois après les vacances, a précisé le bureau.

Un déséquilibre

D'après Gan Mantang, professeur à la Faculté des sciences humaines de l'Université de Fuzhou, capitale de la province du Fujian, les salariés se tournent vers le secteur des services en raison du déséquilibre entre les longues heures de travail et les bas salaires, ainsi que des horaires de travail rigoureux et fatigants dans les usines.

Wen Xiaoyi, professeur à l'Université des relations de travail de Chine à Beijing, a quant à lui souligné que les plates-formes en ligne disposaient de plus d'argent pour éloigner les employés des secteurs traditionnels car leurs coûts de main-d'œuvre sont beaucoup moins élevés en raison de contrats de travail élémentaires et d'un manque d'assurance contre les accidents.

« Peut-être qu'un livreur peut gagner un salaire beaucoup plus élevé que celui d'un ouvrier moyen, mais ce livreur n'a même pas d'assurance lui garantissant qu'il sera couvert en cas d'accident », a-t-il noté, ajoutant que cette hémorragie d'employés pourrait causer de gros problèmes à l'avenir.

« Habituellement, les usines ont deux choix lorsqu'elles ne parviennent pas à attirer les ouvriers. L'une est le déplacement des capitaux, ce qui signifie que l'usine en Chine sera fermée et ré-ouverte dans un pays différent, à forte densité de main-d'œuvre en Asie du Sud-Est, tandis que l'autre option consiste à moderniser ses installations et de passer des équipements de fabrication de machines à commande manuelle à des machines automatisées », a-t-il déclaré.

« La seconde situation est encore pire, car les machines vont remplacer les ouvriers, ce qui signifie que les employés peu qualifiés qui ont choisi de démissionner de leurs usines risquent de ne jamais retrouver un emploi dans une usine ».

Des développements futurs

Selon M. Wen, les réglementations visant à protéger les droits des travailleurs inscrits sur des plates-formes en ligne, telles que les livreurs de produits alimentaires et les chauffeurs Didi, devraient être clarifiées afin de garantir que les employés reçoivent un salaire décent et aient accès aux avantages. Il a ajouté que les employeurs devraient être encouragés à former davantage d'employés hautement qualifiés et à augmenter leurs salaires en conséquence.

Parallèlement, dans un élan positif, le gouvernement s'efforce d'améliorer le statut social et financier des travailleurs. Au début de l'année dernière, le Conseil des affaires d'État, le gouvernement chinois, a publié une directive visant à améliorer le traitement des employés qualifiés.

S'exprimant lors d'une conférence de presse en février, Zhang Guang, directeur adjoint du bureau général de la Fédération des syndicats de Chine, a déclaré que des avancées telles que les technologies de l'information et l'intelligence artificielle transforment les notions traditionnelles d'emploi et posent de nouveaux défis au gouvernement pour protéger les droits des travailleurs.

« La flexibilité de l'emploi brouille les relations de travail entre entreprises et salariés, ce qui signifie que les réglementations traditionnelles liées au travail ne sont plus applicables », a-t-il dit. « Nous nous efforçons de faire davantage de suggestions aux législateurs pour clarifier les relations de travail et introduire de nouvelles normes du travail dans le contexte de l'économie du partage ».

Il a ajouté que la fédération s'efforçait également de protéger les travailleurs, tels que les livreurs de produits alimentaires et les chauffeurs de camion, afin de protéger leurs droits en matière d'emploi.

De son côté, le gouvernement, à tous les niveaux, prend également des mesures pour former des travailleurs qualifiés de nouvelle génération et contribuer à réduire le nombre de ses employés.

Par exemple, le Bureau des ressources humaines et de la sécurité sociale de Dongguan a déclaré qu'un emploi de qualité supérieure mettant l'accent sur l'amélioration des performances et des compétences des salariés est indispensable pour stabiliser le marché de l'emploi. Selon le bureau, la ville sera intégrée à un « réservoir de talents qualifiés », les employés qualifiés représentant 22% du nombre total de travailleurs d'ici l'an prochain, afin de fournir un soutien important au développement du secteur manufacturier.

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Gao Ke)
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