Le président américain Barack Obama n'était pas d'humeur à demander l'approbation du Congrès, et son administration avait monté un dossier qui laissait présager une attaque militaire imminente en Syrie.
Cependant, le président américain a annoncé samedi qu'il allait obtenir l'approbation du Congrès avant d'ordonner des attaques militaires sur les forces du gouvernement syrien pour le punir de son usage présumé d'armes chimiques de la semaine dernière.
"NOUS DEVONS TENIR CE DEBAT"
"Je vais demander l'autorisation des représentants du peuple américain au Congrès avant d'utiliser la force", a affirmé M. Obama dans une déclaration faite dans le Rose Garden de la Maison Blanche aux côtés du vice-président Joseph Biden.
Le président a dit : "Nous devons tenir ce débat. Je respecte les points de vue de ceux qui appellent à la prudence, particulièrement en considérant que j'ai été en partie élu pour arrêter la période de guerre de laquelle émerge notre pays".
En réalité, M. Obama n'a pas besoin de demander un sceau d'approbation du Congrès. Il ne l'a d'ailleurs pas fait quand il a ordonné des raids aériens sur la Libye en mars 2011 dans ce que lui et ses alliés ont qualifié de mission protégeant les civils des massacres du gouvernement Kadhafi.
La loi sur les pouvoirs de guerre, adoptée par le Congrès en 1973, demande aux présidents d'obtenir une autorisation avant d'envoyer des troupes prendre part aux "hostilités" et dans des "situations où une implication imminente dans les hostilités est clairement indiquée par les circonstances", afin de poursuivre l'opération pendant plus de 60 jours.
En pratique, les présidents ont depuis ignoré la résolution et ont simplement informé le Congrès de leurs opérations.
De plus, l'administration Obama envisage une opération "limitée" qui ne devrait durer que quelques jours et impliquer des missiles de croisière lancés depuis la mer ou possiblement des bombardiers à longue portée.
"UN PARI EXTREMEMENT RISQUE"
L'annonce de M. Obama a été une surprise pour nombre d'observateurs, et certains la considèrent comme un pari risqué.
"Le moment du vote d'autorisation est dorénavant incertain, tout comme son résultat", a noté le site Politico.
"La décision du président Obama de demander au Congrès d'autoriser les frappes militaires représente un pari extrêmement risqué pour la Maison Blanche et pourrait avoir des répercussions durables sur le pouvoir présidentiel", a analysé The Hill, un journal du Congrès.
Les députés sont pour le moment en congés estivaux de cinq semaines et ne retourneront pas aux sessions avant le 9 septembre, et M. Obama n'envisage pas de les faire rentrer plus tôt.
Les sénateurs républicains John McCain et Lindsey Graham, qui ont préconisé une implication plus profonde dans le conflit en Syrie, ont averti qu'ils ne soutiennent pas "en bonne conscience" des frappes militaires isolées qui ne s'inscriraient pas dans une stratégie globale visant à "changer la dynamique" sur le champ de bataille en Syrie et renverser le président Bachar al-Assad.
La Maison Blanche a soumis samedi soir au Congrès un projet de résolution autorisant une action militaire américaine contre le gouvernement syrien, dont l'objectif est simplement de "dissuader, interrompre, empêcher et briser le potentiel" de nouvelles attaques aux armes chimiques ou d'autres armes de destruction massive.
Marco Rubio, un sénateur républicain, a avancé que "les Etats-Unis ne devraient s'engager militairement à la seule condition qu'ils poursuivent un objectif de sécurité nationale clair et réalisable. Une action militaire prise simplement pour envoyer un message ou sauver la face ne satisferait pas à la norme".
Lors d'un briefing téléphonique du leadership du Congrès jeudi soir, les députés ont interrogé les hauts responsables de l'administration sur un éventail de dossiers, y compris le financement d'éventuelles opérations militaires en Syrie.
Les responsables n'y ont apporté aucune réponse, mais le secrétaire à la Défense Chuck Hagel a noté qu'il s'agissait d'une question importante et a promis de fournir des informations supplémentaires avant ou peu après le lancement de toute attaque.
"Si tout cela est lié au fait que le président Obama a établi une ligne rouge (à ne pas franchir) et qu'il se soucie de sa crédibilité et de la restauration de sa crédibilité, pour moi ce n'est pas suffisant pour justifier (l'intervention)", a noté le sénateur Johnson.
Ce problème de crédibilité est justement l'un des facteurs, selon nombre d'analystes, qui conduisent le président Obama à la confrontation militaire avec la Syrie.
"LE PEUPLE AMERICAIN N'EN VEUT PAS"
Peu après les accusations de l'opposition syrienne selon lesquelles les forces du gouvernement syrien ont lancé une attaque au gaz sarin le 21 août dans la banlieue de Damas, l'administration Obama s'est rapidement efforcé de constituer un dossier justifiant une attaque de représailles.
M. Obama et son administration ont souligné à maintes reprises que la norme internationale concernant l'usage d'armes interdites devait être préservée et que le régime al-Assad devait être tenu responsable de l'attaque pour dissuader autrui.
Le Royaume-Uni, la France et la Turquie ont tous affiché en public leur soutien pour une action militaire, alors que les tensions ont été exacerbées au Moyen-Orient lorsque des pays ont pris des mesures d'urgence l'un après l'autres en guise de réaction.
Cependant, le Parlement britannique a rejeté jeudi un plan d'attaque du gouvernement, une défaite surprenante pour le Premier ministre britannique David Cameron et ses alliés.
L'administration Obama a adopté un ton provocateur, certains officiels américains notant que Washington pourrait entreprendre une action unilatérale en suivant son propre programme.
Dans ses efforts pour promouvoir le projet, la Maison Blanche a rendu public vendredi un rapport "non classifié" des services de renseignement américain, qui a conclu avec une "grande certitude" que les forces du gouvernement syrien ont eu recours les armes chimiques à maintes reprises l'année dernière, et que l'attaque au gaz sarin du 21 août a entraîné la mort d'au moins 1.429 personnes, dont 426 enfants.
"Notre armée a positionné ses ressources dans la région", a déclaré M. Obama dans son communiqué de la Roseraie de la Maison Blanche. "Le président du Comité des chefs d'état-major m'a informé que nous sommes prêts à frapper quand nous le choisirons (...) demain, la semaine prochaine ou dans un mois".
L'intention du gouvernement Obama d'orchestrer une frappe militaire contre la Syrie "est accueillie avec des réserves" par nombre de personnes dans l'armée américaine, qui ne s'est pas encore remise de deux guerres de longue durée et d'un budget qui diminue rapidement, selon un reportage du Washington Post qui cite des officiers en poste et d'anciens officiers.
En outre, un sondage d'opinion mené par NBC News et publié vendredi montre que 50% des Américains s'opposent à une intervention militaire en Syrie.
Lorsque le président Obama prononçait un discours samedi dans la Maison Blanche, une manifestation anti-guerre a éclaté à l'extérieur.
"Il ne devrait avoir aucune guerre contre la Syrie", a déclaré à Xinhua Brian Becker, directeur de Answer Coalition, qui a organisé de la manifestation.
"Le peuple américain n'en veut pas. C'est illégal, c'est immoral, ce n'est pas juste. Le peuple américain en a ras-le-bol de la guerre, guerre après guerre après guerre après guerre", a-t-il souligné.