Edward Snowden est finalement de nouveau réapparu, et même si son sort est encore l'objet de l'attention des médias du monde entier, il ne devrait pas être relégué au niveau d'une excuse au sujet des interrogations qui entourent l'affaire « Prism ». Washington doit encore à de nombreux pays du monde, y compris la Chine, des explications raisonnables. Washington s'est montré incapable de contrôler les effets dévastateurs de « Prism », qui vont continuer à se répandre et sont destinés à devenir une nouvelle occasion de bâtir un ordre de l'Internet.
En substance, cette affaire reflète l'extension du monde réel des relations internationales vers le monde virtuel de l'Internet. Sa signification la plus profonde est peut-être que la sécurité du monde virtuel va de plus en plus de pair avec celle du monde réel et qu'elle est devenue un facteur important des décisions concernant la sécurité dans le monde réel.
Toutefois, peu importe le degré de virtualité du monde virtuel ; il sera également affecté par les changements intervenant dans la structure des tendances mondiales. Internet ne peut espérer assurer sa survie et son développement en allant contre les lois fondamentales du développement global, et il sera toujours soumis aux contraintes du monde réel. Dans le monde réel, s'agissant de l'évolution des relations internationales, un certain consensus a été atteint, et il devient nécessaire que le monde virtuel se conforme à des règles. Internet ne saurait être régi par la loi de la jungle, et il ne doit pas être autorisé à dominer, quand bien même, sur le plan technique, sa puissance est considérable.
Dans la transformation de l'ordre mondial, pour se débarrasser des normes désuètes des temps anciens, des vieilles hégémonies qui pèsent sur les relations internationales, ainsi que de conceptions comme « la raison du plus fort est toujours la meilleure » ou la « puissance rationnelle », il y a toujours une certaine inertie. Cela fait que, inévitablement, certains pays puissants dans le domaine des technologies de l'Internet ont manifestement une approche hégémonique qui s'étend sur le monde virtuel. Ces pratiques non seulement créent de nouvelles confusions dans le monde virtuel, mais menace aussi la paix dans le monde réel.
Tout comme pour l'ordre financier international et la gouvernance économique mondiale, le monde de l'Internet a également besoin d'effacer les anciennes manières de la vieille époque, et mettre en place une gouvernance plus équitable, plus raisonnable et plus ordonnée. Mais la mise en œuvre d'un nouvel ordre Internet doit respecter la souveraineté et le niveau de développement et ne saurait obéir à des critères de puissance. Ces principes de base, qui répondent aux impératifs de développement à la fois dans le monde réel des relations internationales, donnent aussi une orientation au développement du monde virtuel.
Le développement de la technologie de l'Internet a un côté compétitif, mais la concurrence ne doit pas être désordonnée, pas comme dans les domaines commercial et économique, avec un côté brillant et un côté sombre, avec des violations flagrantes de la souveraineté et des intérêts des autres pays. Maintenir l'ordre dans le monde virtuel nécessite des technologies de pointe, mais ces avantages techniques doivent être mis au bénéfice de l'humanité pour promouvoir la coopération, et ne pas servir pour consolider une position dominante, uniformiser ou contrôler les autres pays.
La sécurité de l'Internet est un nouveau défi auquel le monde fait face. Profiter des nouvelles technologies, tout en assurant la sécurité du réseau est le nouveau défi auxquels sont confrontés tous les pays. Ce n'est pas avec des récriminations que l'on résoudra le problème, mais par une pleine communication par le biais de la coopération, de la confiance mutuelle, et élaborer progressivement des règles qui seront universellement respectées. C'est peut-être pourquoi le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel a averti les Américains : les Etats-Unis et leurs et leurs alliés européens vont devoir reconstruire la confiance entre eux. Il faut bien comprendre ce que veut dire le mot « reconstruire » : cela veut dire que la confiance passée a disparu. Et pourtant l'Allemagne est depuis longtemps un allié-clé des Etats-Unis.
Parmi les nombreuses conséquences de l'affaire « Prism », il est une qui est digne de la plus grande attention, et cela dès le début : peu importe la puissance des technologies américaines de l'Internet, et peu importe que les Etats-Unis soient prêts ou non à se livrer à une introspection et à limiter d'eux-mêmes leur puissance, leur domination du monde virtuel est vouée à se conjuguer au « passé ». Reste cependant à savoir quand cette primauté des États-Unis deviendra du « passé ». Comment va-t-on promouvoir les règles internationales concernant le cyberespace élaborées dans le cadre de l'ONU ? Les points d'interrogation sont encore très nombreux, montrant qu'il y a encore un long chemin à parcourir.
Le Quotidien du Peuple, Edition Outre-mer (15 juillet 2013, 01 Edition)