Il est 09h00 et le soleil a déjà entamé sa course dans le ciel. Pourtant, dans les rues du centre commercial de la capitale djiboutienne, la vie bouillonnante et les claquements de pas qui semblaient parfois se synchroniser avec les klaxons de voitures ont laissé place depuis trois jours à un tableau presque sans vie.
C'est Ramadan. La journée a perdu de sa vitalité. A présent, toutes les activités sont nocturnes.
En pareille période, les commerçants de la place se frottent toujours les mains. "Ramadan est bon pour les affaires", disent- ils avec sourire. Et cela est bien vrai. Les Djiboutiens adoptent un nouveau régime alimentaire. Le "samboussas", galettes spéciales, potages calorifiques et autres plats copieux tant appréciés ont la part belle. Les aliments de base comme la farine, le sucre ou encore l'huile ainsi que les fruits et les légumes sont tous très demandés. Et souvent, malgré les déclarations des autorités compétentes, les prix des denrées alimentaires qui sont tous importées de l'étranger s'envolent.
A l'angle sud de la Rue des Mouches, immense galerie de commerce de tout genre, Abu Amer est, malgré ses 80 ans, l'un des rares commerçants de la place à ouvrir les portes de son magasin à la première heure du jour.
"Vous savez, c'est le trentième Ramadan depuis que je suis propriétaire de ce magasin. Et même si en période de Ramadan, les clients ne se pressent pas du tout à votre porte durant le matin, j'ai toujours ouvert le magasin dès sept heures. A midi, je ferme tout pour une longue sieste jusqu'à 16heures, car c'est à partir de cette heure là que commencent les choses sérieuses", confie-t- il à Xinhua.
En effet, à 17h00, la ville sort de sa léthargie profonde. Bondé de monde, les bus font de nouveau la navette entre les quartiers populaires et le centre commercial. Les gargotières et autres marchants ambulants étalent leurs marchandises le long des trottoirs. L'odeur des mets et des fritures en cuisson emporte les passants.
Mais tout Djibouti semble prendre le chemin du boulevard Président Gouled pour s'acheter quelques kilos de pastèque. En effet, durant le mois béni de Ramadan, la pastèque est reine à Djibouti. Elle domine le marché. C'est le fruit par excellence pour étancher sa soif. Lors de la rupture du jeûne, la pastèque est en pôle position. Et souvent, les prix prennent également le large, tout doucement.
Derrière le grand marché de la pastèque, l'un des plus grands tournois sportifs de Ramadan de la capitale djiboutienne attire une foule immense qui vient chaque jour pour noyer la soif et la faim le temps d'un match.
En effet à Djibouti, le Ramadan est également l'occasion pour les jeunes de s'adonner à des tournois sportifs. Ainsi le football, le handball ou encore la pétanque sont très pratiqués durant cette période. Malgré la chaleur et un jeûne pénible, les jeunes prennent d'assaut les terrains omnisport dans chaque quartier et se confrontent avec beaucoup de fairplay pour des titres très glorieux.
Dans chaque maison, dès 16h00, les femmes s'activent avec coeur pour préparer minutieusement les petits délices pour rompre le jeûne ainsi que le dîner qui fait l'objet d'une attention très particulière durant ce mois sacré de Ramadan. Rien n'est laissé au hasard. Chaque geste est effectué avec précision. Le décor est également redessiné à cette occasion. Et l'encensoir fumera en symphonie les trente nuits de Ramadan.
Cependant, c'est la nuit tombée, après la rupture du jeûne, que l'on assiste à la plus belle image de Ramadan à Djibouti. Comme sortis de nulle part, les gens se bousculent de nouveau dans les rues. Tout est plus énergique surtout plus convivial. Comme dans la matinée, on ne se salue pas de loin mais plutôt on opte pour les accolades, car à présent tout le monde à l'énergie nécessaire pour serrer l'autre. Et surtout s'amuser et sourire pleinement.
"A chaque rupture de jeûne, c'est un immense bonheur, un sentiment indescriptible s'empare de tout le monde. Regardez même les enfants qui ne sont pas autorisés à jeûner s'émerveillent une fois que la famille a rompu ensemble le jeûne", rappelle Hamoud Ali, un mécanicien, père de quatre enfants.
La nuit tombée, les djiboutiennes se rassemblent dans la prière du "Tarawih" où durant une heure entière ils implorent ensemble, hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, Allah dans la communion la plus parfaite.
Autre cliché : à Djibouti, même les banques font un effort durant le mois sacré de Ramadan en proposant diverses formules de prêts en nature mais totalement exonérées d'intérêts.