Le Parlement ukrainien a approuvé mardi une loi qui lui permet de renoncer à son statut de pays neutre dans l'optique de rejoindre l'OTAN, même si cette manoeuvre enrage la Russie en menaçant ses intérêts sécuritaires.
Le texte de loi n'avait besoin que de 226 voix pour passer, et il en a réuni 303, selon le service de presse du Parlement.
Le texte de loi avait été soumis au Parlement par le président ukrainien Petro Porochenko, sous prétexte que la neutralité de l'Ukraine, déclarée en 2010, "s'est avérée inefficace pour garantir la sécurité de l'Ukraine et protéger le pays contre une agression ou une pression extérieures".
Selon le nouveau texte de loi, Kiev serait sur le point de renforcer sa coopération avec l'OTAN "pour remplir les critères requis pour devenir membre de l'alliance".
Pour le ministre ukrainien des Affaires étrangères Pavlo Klimkine, la manoeuvre démontre la détermination du pays à se rapprocher de l'Europe et de l'Occident.
Même s'il faudra encore du temps pour que le pays rejoigne l'OTAN, M. Klimkin estime que le texte de loi ouvre la voie à de nouveaux mécanismes dans le contexte de "l'agression en cours contre l'Ukraine".
En renonçant à sa neutralité, l'Ukraine a immédiatement suscité la colère de la Russie, qui considère qu'en cherchant à se rapprocher de l'OTAN, Kiev joue la carte de la provocation, d'autant plus que Moscou voit d'un mauvais oeil l'expansion vers l'est de l'alliance, qu'elle considère comme une menace pour sa sécurité.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a fustigé la décision "contre-productive" de l'Ukraine, qui ne peut que "mettre le feu aux poudres".
La première réaction officielle de la Russie émanait du Premier ministre Dmitri Medvedev, qui a écrit sur son compte Facebook lundi soir que la décision de Kiev faisait de l'Ukraine un adversaire militaire potentiel de la Russie.
Le ministre adjoint des Affaires étrangères, Alexeï Mechkov, estime pour sa part que de simples propos concernant l'intégration de l'Ukraine à l'OTAN pourrait nuire directement à la sécurité pan-européenne et saper ses principes de base, sans parler des conséquences qu'auraient des actions entreprises par l'Ukraine.
D'autres diplomates chevronnés de la Russie ont fustigé la décision de l'Ukraine, estimant qu'il s'agit d'une "grosse erreur" qui pourrait conduire à l'instabilité dans la région.
L'Ukraine a tenté de rejoindre l'OTAN en 2008, mais l'alliance a décidé de ne pas offrir à l'Ukraine un plan d'action pour devenir membre, une phase incontournable pour tout pays aspirant à rejoindre l'OTAN.
Récemment, l'Ukraine a cherché à renforcer son partenariat avec l'OTAN. Lors d'une rencontre avec le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk en décembre, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg s'est engagé à poursuivre le "soutien politique et pratique" de l'OTAN à l'Ukraine.
Il a ajouté que les cinq fonds d'affectation spéciale créés par l'OTAN pour aider l'Ukraine étaient désormais opérationnels.
En renonçant à son statut neutre, l'Ukraine a fait un premier pas sur la longue route vers l'intégration à l'OTAN. Selon les prévisions du président Porochenko, il faudra au moins six ans pour que son pays remplisse tous les critères requis pour rejoindre l'alliance.
Dans ce contexte, il y a peu de chances pour que l'Ukraine rejoigne l'OTAN sur le court terme, mais certains analystes estiment que si l'Ukraine cherche autant à rejoindre l'alliance sans prendre en compte les intérêts de la Russie, les liens entre Moscou et Kiev pourraient en pâtir, ce qui n'aidera pas à régler le conflit dans l'est de l'Ukraine.
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigory Karasin, a averti que la décision de l'Ukraine de renoncer à sa neutralité constituait une grosse erreur politique qui pourrait avoir des conséquences désastreuses sur un éventuel règlement pacifique de la crise en Ukraine.
"La priorité pour l'Ukraine est la stabilité, surtout dans l'est du pays, et la restauration de la souveraineté du pays. C'est seulement lorsque ces objectifs seront atteints que nous pourrons nous engager sur la voie d'un approfondissement des liens avec l'OTAN", estime pour sa part Sergueï Solodky, analyste à l'Institut pour la politique globale.
Le sentiment partagé par nombre d'analystes est que la décision de l'Ukraine de renoncer à sa neutralité est une manoeuvre politique destinée à courtiser l'OTAN et à menacer la Russie.