Le Parlement japonais a réélu mercredi Shinzo Abe pour un nouveau mandat de Premier ministre, ce qui garantit la continuité du gouvernement de l'archipel.
Pendant qu'il savoure son triomphe, M. Abe doit toutefois se rappeler que cette victoire repose davantage sur la frustration d'un électorat inquiet et en manque d'alternative que sur un véritable soutien populaire.
Pendant ces deux dernières années où M. Abe était au pouvoir, le système politique de l'archipel a été de plus en plus infecté par des éléments d'extrême droite, et il n'est pas parvenu - voire tentait sincèrement - à améliorer les relations plus que tendues du pays avec la Chine et la Corée du Sud.
Sur le front économique, les réformes tant attendues se sont avérées très décevantes. La troisième économie du monde est actuellement en récession et les échanges commerciaux extérieurs du Japon n'ont pas réussi à se développer autant qu'ils le pourraient en raison des relations tendues avec ses voisins.
C'est pourquoi cette réélection de M. Abe mérite davantage de réflexions. Au vu du contexte international morose, il devient impératif pour le Premier ministre qu'il fasse preuve de sagesse lors de son nouveau mandat.
Sa priorité absolue devrait être de rectifier le virage à l'extrême droite du Japon, de revenir sur son programme nationaliste et d'endiguer les tendances extrémistes.
Ce basculement à droite, illustré par les tentatives répétées de Tokyo de nier ou minimiser les atrocités commises par l'armée japonaise pendant la Seconde Guerre Mondiale, a exacerbé les tensions dans la région et a pollué l'environnement politique international dont le Japon a besoin pour parvenir rapidement à une reprise économique.
Il va sans dire que sans chercher dans un premier temps à améliorer la confiance et les relations avec ses voisins, il est irresponsable et dangereux pour le Japon de poursuivre sa politique de défense plus active associée à un renforcement de ses capacité de frappes dissuasives.
Par ailleurs, le peuple japonais, qui ne soutient pas forcément cette politique belliqueuse, s'est exprimé. L'opposition japonaise à la décision de revenir sur la Constitution pacifiste du pays pour permettre aux troupes nipponnes de combattre à l'étranger aurait dû suffire pour que le message passe.
C'est pourquoi M. Abe et son nouveau ministre de la Défense, Gen Nakatani, doivent faire preuve de prudence. Les deux faucons prônent un rôle accru des forces de défense japonaises et il relève de la responsabilité de la communauté internationale de veiller à ce qu'ils n'aillent pas trop loin.
C'est dans le domaine des relations internationales que M. Abe devrait faire preuve de courage politique, en aspirant à améliorer les relations avec les voisins du Japon, ce qui dans l'intérêt de l'archipel sur la durée.
Il y a eu heureusement une légère éclaircie dans les relations sino-japonaises, notamment avec le sommet récent organisé le mois dernier à la suite de l'adoption d'un consensus en quatre points. M. Abe devrait profiter de cet élan positif, honorer ce consensus et travailler avec Beijing pour restaurer les liens bilatéraux.
En étant réélu, M. Abe s'est distingué au sein d'une classe politique japonaise marquée par la fragilité des positions de leadership. Mais c'est seulement en faisant preuve de sagesse politique qu'il pourra véritablement se faire une place de choix dans l'histoire de son pays.