Le 11 mai, François Hollande a entamé une visite officielle à Cuba. C'est une visite historique. Parce que c'est la première visite à Cuba d'un chef d'Etat français en plus d'un siècle. Mais c'est aussi la première visite d'un dirigeant de l'Europe occidentale à Cuba depuis celle du Premier ministre espagnol Felipe Gonzalez en 1986.
La visite de François Hollande intervient dans un contexte particulier, celui de l'annonce en décembre dernier par les États-Unis de leur décision d'améliorer leurs relations avec Cuba. Les Etats-Unis et Cuba ont rompu leurs relations diplomatiques depuis 1961, et du fait des liens de la France avec les États-Unis, les relations franco-cubaines ont eu bien du mal à effectuer des grandes percées. Avec l'amélioration des relations entre les Etats-Unis et Cuba, la France ne peut plus rester les bras croisés. François Hollande veut saisir avant les autres chefs d'Etat européens l'occasion de visiter cette belle île des Caraïbes, afin de renforcer la présence française à Cuba, puis d'étendre son influence en Amérique latine.
Les relations entre Cuba et la France ont une longue histoire. L'ancien président français François Mitterrand, avant d'entrer à l'Elysée, avait fait un séjour de six jours à Cuba en 1974 en tant que premier secrétaire du Parti socialiste, et il avait alors été traité comme un chef d'Etat. De son côté, l'ancien dirigeant cubain Fidel Castro s'est rendu en France en 1995, où il fut chaleureusement accueilli par le président Mitterrand. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a également fait une courte visite à Cuba l'année dernière ; c'était la première visite d'un ministre des Affaires étrangères français à Cuba en 30 ans. En matière d'échanges culturels, les relations entre les deux pays sont très étroites. Chacun sait que Cuba n'abrite que deux centres culturels étrangers. Et ces deux centres culturels ont été ouverts par la France, l'un à La Havane et l'autre à Santiago de Cuba. Quant au nombre de touristes français à Cuba, il n'est certes pas idéal, mais ils ont quand même été 100 000 en 2014.
Cependant, en termes d'investissements et de commerce avec Cuba, les performances de la France sont plutôt médiocres. Actuellement, elle n'est que le dixième partenaire commercial de Cuba. Les exportations françaises vers Cuba se composent pour l'essentiel de blé, d'engrais et de matériels de transport. Quant aux exportations cubaines vers la France, ce sont des produits comme le rhum. Actuellement, il n'y a guère plus d'une soixantaine d'entreprises françaises présentes à Cuba. Elles sont principalement actives dans les secteurs du tourisme, de la construction et de l'énergie. Ce genre de situation ne laisse pas d'inquiéter les milieux économiques français. Ils sont impatients de profiter de l'occasion de la visite de François Hollande à Cuba pour y chercher des opportunités d'affaires. Le président français va emmener avec lui un grand nombre de gens d'affaires français, comme les PDG de sociétés comme le Groupe Pernod Ricard, Air France ou Accor. Ce qui fait que le Président français va à nouveau, à cette occasion, jouer le rôle de VRP des produits français.
Cela va sans dire, il y aura également des considérations politiques. Selon la France, les deux parties devraient renforcer la coopération et le dialogue dans divers domaines. Les deux pays ont les mêmes points de vue sur de nombreuses questions. Ils attachent une grande importance à l'indépendance des Etats, mais ils sont aussi prêts à chercher des solutions aux conflits internationaux. De toute évidence, le président français espère également profiter de sa visite pour encourager la levée rapide de l'embargo américain contre Cuba et promouvoir l'amélioration des relations entre Cuba et l'UE.
Le point culminant de la visite de François Hollande sera sa rencontre avec l'actuel président cubain, Raul Castro. Quant à savoir s'il verra ou non l'ancien dirigeant Fidel Castro, c'est une autre histoire. Fidel Castro, qui adhère aux idéaux socialistes, s'est déjà rendu en France, mais aucun chef d'Etat français ne lui a rendu sa visite. Si cette fois Fidel Castro rencontre François Hollande, cela pourra être considéré comme un succès. Plus important encore, cela montrerait que les deux pays sont parvenus à une réconciliation historique.
La visite du président français à Cuba a donc la fois un aspect historique et commercial. Dans le jeu d'échecs qu'est le développement des relations avec l'Amérique latine, il y a un nouveau coup à jouer. Une visite réussie renforcerait naturellement l'influence de la France en Amérique latine.
Ren Yaqiu
11 mai 2015