Au mépris de l'indignation du public, la coalition japonaise au pouvoir dirigée par le Premier ministre Shinzo Abe est prête à faire passer en force deux projets de loi de sécurité controversés par la chambre basse du Parlement, où il bénéficie d'une majorité confortable de deux tiers des sièges garantissant l'adoption de ces projets de loi.
L'adoption de ces projets de loi jugés anticonstitutionnels par des députés et des experts japonais est une nouvelle étape du projet de M. Abe visant à mettre fin à l'interdiction de l'exercice du droit à l'auto-défense collective que le Japon s'est imposé et à normaliser l'armée du pays.
Cette démarche compromettra certainement la dynamique acquise au prix de grands efforts dans les relations entre le Japon et ses voisins, renforçant ainsi l'instabilité au Japon et dans toute la région.
Premièrement, une adoption en force des projets de loi creusera l'écart entre les électeurs japonais et entraînera de nouvelles manifestations contre le gouvernement, car une majorité de 56% des Japonais s'opposent aux projets de loi, selon un récent sondage réalisé par l'Asahi Shimbun.
En outre, en élargissant le spectre des missions à l'étranger des Forces d'autodéfense, le projet de M. Abe impliquera davantage le Japon dans les conflits à travers le monde, ce qui signifiera une hausse du budget de la défense et un renforcement des pressions sur l'économie.
Deuxièmement, dans une région qui se rappelle encore de la brutalité de l'armée japonaise pendant la guerre, les projets de loi de sécurité qui donneront lieu à un changement radical de la politique de défense japonaise susciteront certainement de profondes inquiétudes chez les voisins du Japon, y compris en Chine et en Corée du Sud, et entraîneront de nouvelles incertitudes dans le processus de réparation des relations entre le Japon et ses voisins.
En outre, étant donné la vision de "normalisation" de l'armée japonaise de M. Abe, le passage en force pourrait permettre au Premier ministre nationaliste de continuer à réinterpréter la Constitution pacifiste, qui est un rempart visant à empêcher la renaissance du militarisme japonais.
M. Abe serait fort avisé de regarder par la fenêtre et de voir la colère montante des manifestants devant son bureau. Après tout, son rêve d'un "Japon plus fort" pourrait devenir un cauchemar pour lui et pour son pays s'il choisit de continuer à ignorer l'opposition des électeurs japonais et des pays voisins du Japon.