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Procès d'Hissène Habré à Dakar : que justice soit faite !

( Source: le Quotidien du Peuple en ligne )

22.07.2015 14h26

Le 20 juillet, les Chambres Africaines Extraordinaires, qui siègent à Dakar, capitale du Sénégal, ont commencé à entendre l'ancien président du Tchad Hissène Habré, accusé de « crimes contre l'humanité, torture et crimes de guerre ». Le procès de Dakar devrait se poursuivre pendant trois mois. Pour les victimes des crimes contre l'humanité commis par Hissene Habré, ce procès est l'aboutissement de 25 ans d'espoir. C'est bien trop tard, mais, après tout, le temps de la justice est enfin venu.

Hissène Habré est devenu président du Tchad en 1982. Sous son administration, il a mis en pratique la torture de son peuple, se livrant à une répression implacable contre l'opposition intérieure. Hissène Habré a non seulement fait arrêter, torturer et tuer ses adversaires, et parfois même leurs familles n'ont pas été épargnées. S'il pensait que la tribu d'un certain prisonnier politique pouvait constituer un danger pour lui, il n'hésitait alors pas à se débarrasser de la tribu tout entière. Selon un rapport de la Commission nationale d'enquête tchadienne, pendant les huit ans de pouvoir d'Hissène Habré, environ 40 000 prisonniers politiques ont été tués, faisant 80 000 orphelins. En 1990, le régime Habré a été renversé par une révolte armée conduite par le président actuel, Idriss Déby. Par la suite, Hissène Habré s'est d'abord enfui vers le Cameroun, puis s'est refugié au Sénégal où il s'est installé. En 2013, il a été arrêté par la justice sénégalaise, et attendait depuis son procès.

A la suite de la demande de beaucoup de familles de victimes et des organisations de défense des droits de l'homme de juger les crimes d'Hissène Habré, l'Union Africaine a confié en juillet 2006 à la République du Sénégal la tâche d'entendre l'affaire Habré. Par la suite, le Sénégal, par une série de réformes législatives, a adopté un amendement constitutionnel, ouvrant la voie au premier procès d'un chef d'Etat étranger au Sénégal. Il est à noter que, en août 2008, un tribunal de la capitale tchadienne N'Djamena avait déjà, lors d'un procès par contumace, déclaré Hissène Habré coupable d'atteinte à la sécurité nationale, à l'ordre constitutionnel et à l'intégrité territoriale et l'avait condamné à mort. Toutefois, cette décision concernait principalement les activités de soutien d'Hissène Habré aux rebelles tchadiens après son exil. Les Chambres Africaines Extraordinaires, elles, entendront principalement ses crimes contre l'humanité. Le Tribunal de N'Djamena était représentatif de l'Etat tchadien. Mais le procès qui se déroule devant les Chambres Africaines Extraordinaires sera lui, en revanche, mené au nom de l'ensemble de l'Afrique.

Envoyer Hissène Habré devant un tribunal spécial africain est un progrès pour l'Afrique. Mettre en œuvre une bonne gouvernance et assurer la protection des droits de l'homme est devenu un consensus entre les pays africains. Il semble aujourd'hui que les Africains ne veulent plus permettre que les crimes contre l'humanité commis par des dirigeants africains bénéficient d'une trop longue impunité. Cette situation d'impunité doit prendre fin.

Hissène Habré, aujourd'hui âgé de 73 ans, a manifestement résisté à l'idée de ce procès, le qualifiant même de « farce ». Pour lui, à cette époque, deux grandes puissances occidentales -la France et les États-Unis ont soutenu et aidé son gouvernement et son armée. Leur but était d'encourager le Tchad à résister à son voisin du Nord, la Libye. Ce qui fait que, lors de ce procès, celui que l'Occident qualifie de « dictateur » aura certainement bien des choses à dire. Il n'est pas impossible qu'à cette occasion il fasse des révélations explosives, mettant ces deux grandes puissances dans l'embarras. Rien que cette possibilité a également de fortes chances d'accroître le côté spectaculaire du procès.

À l'origine, les tribunaux belges souhaitaient obtenir l'extradition d'Hissène Habré vers leur propre pays, mais le Sénégal a refusé. Les affaires intérieures de l'Afrique doivent être résolues par les Africains eux-mêmes, ce principe fait consensus parmi les pays africains. La réussite du procès de Dakar constituera un indice de référence pour la capacité des pays africains à juger les crimes qui y ont lieu. Personnellement, nous sommes convaincus que, quel soit le résultat le procès d'Hissène Habré, sa portée sera considérable.

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