Dernière mise à jour à 13h28 le 07/04
Des réfugiés et migrants protestent contre l'accord UE-Turquie sur la migration dans le camp de Moria, sur l'île grecque de Lesbos en Grèce le 5 avril 2016. (Xinhua/Marios Lolos) |
Conformément à l'accord conclu entre l'Union européenne (UE) et la Turquie, un premier groupe de plus de 200 réfugiés a été renvoyé de Grèce vers la ville de Dikili en Turquie le 4 avril dernier. Mais des organisations de défense des droits de l'Homme ont critiqué cet accord et de nombreuses voix ont mis en doute son efficacité.
Depuis que Bruxelles et Ankara ont décidé de refouler vers la Turquie les réfugiés entrés en Grèce, les migrants qui se trouvent en Grèce ont manifesté contre cet accord et des heurts ont éclaté presque tous les jours. Pour chaque Syrien entré illégalement en Europe renvoyé en Turquie, l'Union européenne (UE) doit accueillir un Syrien n'ayant jamais tenté d'entrer illégalement en Europe et se trouvant en Turquie. Toutefois, cet échange prévoit un plafond de 72.000 migrants, un chiffre loin d'être satisfaisant au regard du nombre total de réfugiés.
Certains observateurs internationaux estiment que l'UE cherche à transférer sa crise des migrants à l'extérieur. Avec cet accord avec la Turquie, l'UE espère faire de la Turquie le gardien de ses frontières. En contrepartie, l'UE a promis d'accorder trois milliards d'euros de subventions à la Turquie pour les dépenses liées aux réfugiés, d'exempter de visa les ressortissants turcs souhaitant se rendre dans l'espace Schengen et de relancer les négociations sur l'adhésion du pays à l'UE.
Touchée depuis un an par la crise migratoire, l'Europe ne semble avoir d'autre choix que de coopérer avec la Turquie. "L'UE estime que la crise migratoire actuelle et les pressions liées aux migrants en Grèce ont pour principales causes les traversées clandestines et le trafic de personnes. L'accord conclu entre Bruxelles et Ankara est de fait un accord de sous-traitance qui confie à la Turquie la tâche d'examiner le cas de chaque réfugié et de les expulser", a expliqué Cui Hongjian, chercheur à l'Institut chinois d'études internationales. "Cela pourrait alléger la pression sur l'UE, notamment sur la Grèce", a-t-il ajouté.
Le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) s'est dit préoccupé par les termes concernant les droits de l'Homme et le droit international employés dans l'accord. Il a souligné que l'expulsion collective d'étrangers était illégale, même dans le cadre du droit de l'UE.
L'organisation Amnesty International a indiqué dans un rapport publié le 1er avril que le gouvernement turc renvoie une centaine de Syriens vers la Syrie chaque jour depuis la mi-janvier.
John Dalhuisen, directeur d'Amnesty International pour l'Europe et l'Asie centrale, a estimé que les dirigeants européens souhaitent tellement fermer la frontière qu'ils négligent les faits les plus élémentaires, à savoir que la Turquie n'est pas un pays sûr pour les réfugiés et qu'elle est de plus en plus dangereuse.
Certaines organisations des droits de l'Homme ont souligné qu'il n'existait pas de loi sur l'asile politique en Turquie et que le pays avait juste promis de traiter les réfugiés dans le respect du droit international, sans que l'on sache comment il s'y prendrait exactement ni ce que cela recouvrait.
Le renvoi de réfugiés syriens vers leur pays met en évidence les failles de l'accord entre Bruxelles et Ankara, a souligné M. Dalhuisen.
En outre, l'accord d'échange de réfugiés n'a pas précisé dans quels pays seraient accueillis les réfugiés arrivés de Turquie. L'UE ne peut pas forcer ses pays membres à accueillir un nombre fixe de réfugiés. Une coalition de pays partageant la volonté d'accueillir ensemble de nouveaux voisins est indispensable pour concrétiser l'accord.
L'ambiguïté de la Turquie et les divergences d'opinion au sein de l'UE montrent que l'accord ne tient pas compte des intérêts des réfugiés et que sa capacité à résoudre le problème est très limitée.
L'UE a besoin d'une "zone tampon" pour réduire l'afflux de migrants en situation irrégulière, et la Turquie souhaite tirer parti de la crise afin d'accélérer son processus d'adhésion à l'Union. Le fait que la Turquie a soudain formulé de nouvelles demandes est un signe clair que le pays se sent plus nécessaire pour l'Europe que cette dernière ne l'est pour la Turquie. Et les réfugiés ne sont que des pions sur son échiquier.
Mais ce n'est pas tout. L'UE pourrait être confrontée à d'autres problèmes. Selon l'accord, les Turcs seront exemptés de visa au sein de l'espace Schengen et le processus d'adhésion de la Turquie à l'UE sera accéléré. Si l'UE n'a pas la capacité de tenir bon face à la vague de réfugiés, comment pourra-t-elle faire face à une autre vague de migrants originaires de Turquie? "L'UE doit bien réfléchir à la question de savoir si sa coopération avec la Turquie ne va pas lui apporter de nouveaux problèmes après en avoir résolu un", a averti M. Cui.