Dernière mise à jour à 16h26 le 18/07
Le coup d'Etat militaire en Turquie a été déjoué. Et à la grande différence de plusieurs coups d'Etat passés, la résistance maximale rencontrée par l'armée est venue non pas du gouvernement civil, mais du peuple. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues comme une marée, bloquant les chars et les soldats, freinant leur action.
Pourquoi tant de gens se sont-ils rangés derrière Erdogan ? En plus des raisons religieuses, depuis qu'Erdogan est arrivé au pouvoir, l'économie turque est particulièrement prospère, et c'est aussi une des raisons qui explique pourquoi il est extrêmement populaire. Après la fondation de la Turquie nouvelle, pendant longtemps, une économie d'Etat fut mise en place, l'agriculture et les entreprises nationales furent strictement protégées, et l'économie mit également en œuvre une stratégie « de substitution aux importations ».
C'est à partir de 2002, quand Recep Tayyip Erdogan, le leader du Parti Justice et Développement (AKP) est arrivé au pouvoir, que le processus de privatisation a été sensiblement accéléré. En 2003, le gouvernement turc a lancé une « stratégie de privatisation », dans le cadre de laquelle presque tous les actifs appartenant à l'Etat ont été vendus aux enchères. Des centaines d'entreprises appartenant à l'Etat, y compris dans l'énergie, les transports, les banques, l'industrie, ont été immédiatement mis aux enchères, et même le célèbre pont sur le Bosphore a également vu l'arrivée d'investissements étrangers. Lors de la crise économique mondiale de 2008, les pays du monde ont connu, à des degrés différents, une résurgence du nationalisme, mais la Turquie a en revanche accéléré le mouvement de privatisation, et l'objectif central de ces privatisations est passé des grandes entreprises publiques au secteur du tabac, du bétail, de l'alimentation et d'autres domaines. Le dernier secteur visé par la réforme cette année a été l'industrie de la loterie.
Pourquoi le gouvernement d'Erdogan procède t-il à ces privatisations ? Une raison importante est que le Président turc souhaite diriger la Turquie vers une adhésion à l'Union européenne. A l'Est de la Turquie se trouvent la Syrie et l'Irak plongées dans la guerre, et à l'Ouest se trouve le marché européen riche et prospère, mais aussi le parapluie nucléaire de l'OTAN et les avantages de l'adhésion à l'UE, encore plus nombreux. C'est pourquoi « de l'Asie vers l'Europe » a été le thème principal de la diplomatie turque d'après-guerre. Puisque la Turquie regarde vers l'Europe, elle en suit naturellement les recommandations, réduisant la proportion des entreprises d'État, libérant le marché libre, et réduisant l'intervention dans l'économie. La Turquie est devenue le pays le plus libéral du monde islamique, et cela est très lié avec l'admiration qu'elle porte à l'Occident.
Depuis l'arrivée d'Erdogan au pouvoir, l'économie turque a connu un développement rapide. Entre 2002 et 2008, l'économie turque a connu un taux annuel moyen de croissance de plus de 5%, qui ne la placent que derrière la Chine et l'Inde, et en 2010 et 2011, l'ensemble de la croissance économique de la Turquie s'est montée à plus de 8,5%, devenant le pays à la plus forte croissance du monde. Depuis qu'Erdogan est au pouvoir, le revenu national de la Turquie a triplé, faisant passer sa production économique totale dans les vingt premières du monde. Ces deux dernières années, sous le double coup des difficultés diplomatiques de la Turquie et de la détérioration de l'environnement économique international, la croissance économique n'a atteint que 4% environ. Mais par rapport à l'Europe et la Russie toujours plongées dans le marasme, ce chiffre reste considéré comme très attirant.
De l'extérieur, Erdogan est vu comme un « roi du Moyen-Orient » arrogant, conservateur et ambitieux. Mais aux yeux des Turcs, Erdogan est celui qui a créé un miracle économique. Il suffit de comprendre cela pour comprendre que le coup d'Etat militaire en Turquie ne pouvait pas réussir. Même pour les soldats qui ont voulu arrêter Erdogan, faire face au nombre considérable de ses partisans enthousiastes, était aussi un problème. Erdogan bénéficie également du soutien des religieux, qui le considèrent comme l'espoir d'un renouveau islamique. Erdogan a une influence très nette sur sa base, et il sait très bien s'en servir.
Erdogan a en main les clés de la prospérité économique, et pour les citoyens turcs, c'est une bénédiction. Cependant, en dehors de l'économie, les politiques adoptées par Erdogan font que certaines personnes se sentent profondément mal à l'aise.