Dernière mise à jour à 09h02 le 10/02
Le fournisseur d'énergie français TotalEnergies a dévoilé mercredi un bénéfice net de 20,5 milliards de dollars américains en 2022, soit 19,5 milliards d'euros, un chiffre qui révolte les plus précaires en cette période de revendications sociales.
Le groupe français, deuxième producteur mondial du gaz naturel liquéfié derrière Shell, a tiré ses très bons revenus du gaz, dont les prix ont flambé l'an dernier, parfois multipliés par quinze en Europe entre 2021 et 2022, ainsi que du pétrole dont le cours du baril de Brent valait en moyenne 102 dollars en 2022 contre 71 dollars en 2021.
DES VOIX PLAIDENT POUR UNE "TAXATION DES SUPERPROFITS"
La dimension impressionnante des résultats de TotalEnergies déchaîne la polémique sur la "taxation des superprofits".
A l'Assemblée nationale, l'annonce des bénéfices records de TotalEnergies a provoqué un tollé, en pleine contestation de la réforme des retraites dont les députés de La France insoumise (LFI, le mouvement créé par Jean-Luc Mélenchon) ont fait leur fer de lance.
La présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot, s'est scandalisée sur Twitter de ce bénéfice spectaculaire, tout en le mettant en parallèle avec les efforts de travail demandés aux Français par le gouvernement dans le cadre de la réforme des retraites.
Quant au député LFI de la Somme (nord), François Ruffin, il a usé mercredi de mots forts sur France Inter pour dénoncer une situation qu'il juge scandaleuse : "On assiste au gavage des uns, au rationnement des autres. (...) Ça fait trois ans qu'on demande aux Français de se rationner pendant qu'on a Total et compagnie qui se gavent."
La patronne du Rassemblement national, Marine Le Pen, a également réclamé une taxation des superprofits.
Pour mémoire, TotalEnergies avait engrangé un bénéfice de 16 milliards d'euros en 2021. Alors candidat à la présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon avait proposé, lors d'un meeting à Tours, de "prendre" les bénéfices de Total. "Il n'y a qu'à leur prendre, tant mieux", s'était-il alors emballé, devant les huées de son auditoire.
33 MILLIARDS D'EUROS D'IMPOTS VERSES EN 2022
La riposte du directeur général du groupe TotalEnergies, Patrick Pouyanné, ne s'est pas faite attendre. "Je ne sais pas ce que cela veut dire des superprofits. Nous réalisons des profits plus élevés que l'an dernier parce que les prix de l'énergie ont été eux-mêmes très élevés", a-t-il déclaré dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien.
Invitée de BFMTV mercredi, la directrice France du groupe TotalEnergies, Isabelle Patrier, a indiqué que l'entreprise avait versé 33 milliards d'euros d'impôts sur ses résultats en 2022.
"Total, c'est 33 milliards d'euros d'impôts dans le monde sur ses résultats 2022. TotalEnergies est présent dans 130 pays. C'est deux milliards d'euros de taxe exceptionnelle sur les sur-profits sur l'Europe, y compris le Royaume-Uni," a-t-elle déclaré.
Selon elle, les résultats de son groupe se font essentiellement dans les pays producteurs d'énergie, par exemple au Royaume-Uni, en Norvège, ou encore en Angola et au Nigeria. Ces pays ont donc bénéficié du versement de l'impôt par Total, qui se prévaut du principe de non-double imposition.
Pour ce qui est du pays où se trouve le siège du groupe, "nous avons réalisé environ 350 millions d'euros de bénéfices en France et payerons 200 millions d'euros d'impôts sur les sociétés et taxes de solidarité européenne sur le raffinage et l'électricité", a affirmé Patrick Pouyanné.
Par ailleurs, TotalEnergies pourrait procéder à de nouvelles ristournes, après avoir réduit le prix à la pompe dans ses stations-services l'an dernier. L'ensemble des remises à la pompe lui avait coûté entre 550 et 600 millions d'euros en 2022.
LE GOUVERNEMENT FAVORABLE A UNE NOUVELLE RISTOURNE
L'éventualité d'une nouvelle ristourne à la pompe par Total est accueillie favorablement par le gouvernement français. "J'ai entendu la volonté de Total de mettre en place une ristourne et nous l'accueillons favorablement", a réagi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, lors du compte rendu du Conseil des ministres mercredi.
Concernant le débat sur la taxation des superprofits, il a indiqué "comprendre que le chiffre dans le contexte que nous connaissons puisse choquer et qu'à travers ce chiffre puisse se poser la question du fonctionnement ou des dysfonctionnements de l'économie mondiale s'agissant des grands groupes".
Malgré les critiques de l'opposition, le gouvernement français a maintenu qu'il n'y aurait pas d'impôt supplémentaire, la législation européenne étant suffisante. Pour l'entrepreneur et président de l'organisation patronale Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, il y a "quelques vérités utiles à rappeler : les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain. A gros profits, gros impôts. Et rappelons que 80% des salariés de TotalEnergies étant actionnaires, ils bénéficient de dividendes".
Selon le journaliste spécialiste de l'économie, François Lenglet, les profits dégagés par Total servent "à investir dans les énergies renouvelables, tout en conservant le pétrole en cas de besoin et permettent à la France de disposer d'une 'major' énergéticienne de rang mondial." Dans un éditorial disponible sur le site Internet de la radio RTL, le journaliste défend l'idée que le groupe pétrogazier constitue un fleuron industriel français : "Capable de rivaliser avec les entreprises britanniques et américaines, Total est un véritable atout en termes de souveraineté énergétique."