Autrefois, le village de Nagoro, au Sud du Japon, abritait des centaines de familles. Au fil du temps, comme dans beaucoup de pays développés, la plupart de ses habitants l'ont quitté pour trouver du travail dans les villes. Aujourd'hui seulement 35 personnes y vivent, la plupart d'entre eux étant des retraités. Cependant, un visiteur qui arriverait sans savoir pourrait, pendant un bref moment, être trompé en pensant que le village est toujours animé. On y voit en effet des silhouettes habillées de couleurs vives à l'extérieur des magasins et attendant à l'arrêt de bus un car qui ne viendra jamais.
Mais ces silhouettes ne sont pas des gens -ce sont des épouvantails. Tsukimi Ayano a fait son premier épouvantail il y a 13 ans pour effrayer les oiseaux qui picoraient les graines dans son jardin. Elle a créé une poupée de paille grandeur nature qui ressemblait à son père, et cela lui a donné une idée, en faire davantage. Et de plus en plus...
Aujourd'hui, le minuscule village est peuplé de 150 des créations cousues à la main par Ayano. À 65 ans, elle compte parmi les plus jeunes résidents de Nagoro. L'école du village a été fermée en 2012 après que deux de ses élèves aient obtenu leur diplôme. Aujourd'hui, les étudiants ont été aussi remplacés par des épouvantails désormais assis dans les bureaux et qui flânent silencieusement dans les couloirs… Depuis 2002, Ayano a fait environ 350 épouvantails. Parfois, elle en fait aussi à l'effigie des jeunes qui ont quitté Nagoro ou des résidents qui sont morts.
« Ils sont créés a la demande de ceux qui ont perdu leur grand-père ou leur grand-mère », a déclaré à Reuters Osamu Suzuki, un résident de 68 ans. « Donc, c'est quelque chose qui ramène des souvenirs ». Ces curieux personnages ont fini tout de même par attirer les touristes, incités à y faire un tour par deux délégués sans vie qui gardaient la route menant au village, à côté d'une carte identifiant Nagoro comme le « village des épouvantails ». Si certains peuvent trouver ses créations sinistres, Ayano dit qu'elle est heureuse de montrer son travail aux visiteurs. Lors de ses tournées quotidiennes, elle se promène autour du village pour souhaiter bonne journée à ses personnages immobiles et s'occuper de leurs besoins…