Pour les travailleurs migrants, trouver un billet de retour reste une épreuve
( le Quotidien du Peuple en ligne )
23.01.2013 à 16h45
Les vacances de la Fête du Printemps arrivent, et comme chaque année, nombreux sont les travailleurs migrants qui souhaitent rentrer chez eux. Mais en dépit d'un récent assouplissement des règles régissant l'achat de billets, trouver ce précieux sésame reste une épreuve, qui conduit certains à recourir à des méthodes parfois peu conventionnelles…
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(Gao Changliang, travailleur migrant (gauche), son épouse Gao Qingfang, sa fille Gao Zihan, et son fils Gao Zihao posent pour une photo dans une salle louée à Guangzhou, capitale de la Province du Guangdong, le 21 janvier 2013, avant de retourner dans leur ville natale d'Anyang, dans la Province du Henan, pour la Fête du Printemps.)
Wang Yougong s'est épuisé à se lever à l'aube cinq jours de suite, cinq jours à attendre dans les longues files d'attente, tout ça pour s'entendre dire que tous les billets de train vers sa ville natale avaient été vendus.
Une opportunité de rentrer chez lui est tout de même arrivée lundi, quand un employé de la Gare de l'Ouest de Beijing lui a dit qu'il pouvait acheter un billet de train à grande vitesse vers sa ville natale de Sanmenxia, dans la Province centrale du Henan.
Mais il a refusé.
« Même le billet de train à grande vitesse le moins cher coûte plus de 400 Yuans (64 Dollars US) », a-t-il dit. « C'est près de quatre fois plus qu'un billet normal, mais cela permet de réduire le temps de trajet de cinq heures ».
M. Wang gagne environ 2 000 Yuans par mois comme agent de sécurité dans la capitale.
Cependant, il n'y a plus de « billets de train normaux » avant le 7 février, lui a précisé l'employé des chemins de fer.
La fête la plus importante pour les Chinois, la Fête du Printemps, tombe cette année le 10 février, et les travailleurs migrants veulent rentrer chez eux pour voir leur famille.
Le Ministère des Chemins de Fer (MCF) estime que la vague de voyages pour ces congés, qui va commencer le 26 janvier, durera jusqu'au 6 mars.
« Je n'ai aucune idée de comment rentrer chez moi en temps voulu, maintenant », a-t-il déclaré mardi à l'agence de presse Xinhua.
M. Wang a rejoint des millions de migrants qui ont tenté d'acheter des billets vendredi dernier, dans l'espoir que les nouvelles mesures, qui permettent aux passagers d'acheter des billets 20 jours à l'avance, leur rendraient la vie plus facile.
Toutefois, ces nouvelles mesures, qui encouragent les passagers à réserver des billets sur internet ou par téléphone et à utiliser le paiement électronique a dérouté de nombreux migrants et personnes âgées.
M. Wang, par exemple, n'a jamais utilisé les sites de billetterie en ligne ni téléphoné aux services d'assistance téléphonique des billetteries en ligne, et il ne possède pas de compte bancaire en ligne.
Il a dit qu'il croyait simplement que l'avenir appartenait à ceux qui se lèvent tôt…
Cependant, ce vieil adage ne s'est pas avéré vrai, pour lui comme pour bien d'autres.
Ainsi aussi de Li Qiao et de son mari, qui n'ont pas réussi à obtenir de billets pour leur ville natale de Liaocheng dans la Province du Shandong, dans l'Est de la Chine, tant en passant par le service de billetterie en ligne qu'aux guichets des gares de Beijing.
Le couple a donc acheté des billets de car, même cela coûte plus cher que de prendre le train.
« Nous avons besoin de rentrer tôt », a déclaré Mme Li. « Nous n'avons pas vu notre fille depuis plus d'un an ».
Un exode massif
Selon les données de Hitwise, une division d'Experian qui mesure la fréquentation des sites, le nombre moyen de visites quotidiennes de 12306.cn, le site officiel de réservation de billets de train, a dépassé 120 millions depuis le 16 janvier.
Les Chinois devraient faire 3,4 milliards de voyages pendant la période de voyage des prochaines vacances, et le volume de passagers qui prendront le train est estimé à 220 millions de personnes, a déclaré mardi Wei Ruiming, un fonctionnaire du Ministère des Chemins de Fer.
Dans les cas extrêmes, la peur de ne pas trouver de billets peut même conduire les gens au bord de la folie.
Après avoir échoué dans ses tentatives d'obtenir des billets de train, un homme du nom de Wu a ainsi décidé d'emmener sa famille de sept personnes depuis la Province du Shaanxi vers la Province du Qinghai, dans sa voiture de quatre places, la semaine dernière.
Wu avait cinq adultes sur les quatre sièges et entassé deux jeunes garçons de neuf ans dans le coffre.
Il avait déjà conduit environ 22 heures lorsque les agents de la police de la circulation ont aperçu une main sortant du coffre de sa voiture.
La police a arrêté la voiture et infligé à une amende à Wu, lui disant qu'il fallait trouver un autre moyen pour transporter sa famille.
Bien que la majorité des travailleurs migrants et des étudiants choisissent de voyager par train du fait de son rapport coût-efficacité, ce fameux billet est l'un des produits les plus difficiles à obtenir en Chine.
Cependant, certaines personnes ont leur propre façon de faire.
Pei Jiyang, étudiant à la Peking University, est ainsi connu comme le « Roi des Billets », car il a réservé plus de 200 000 billets de train pour ses amis et des travailleurs migrants au cours de ces trois dernières années.
Il ne facture pas ses services et est acclamé comme un héros.
Pei a publié certaines de ses stratégies pour avoir des billets sur la toile.
Toutefois, un couple de la Province du Guangdong, dans le Sud de la Chine, a lui fini en prison pour avoir aidé les autres à s'assurer un billet de train.
Zhong Quanzhen et son épouse, du nom de Ye, ont été arrêtés par la police du Guangdong et pourraient bien passer la Fête du Printemps en prison, après avoir aidé d'autres personnes à acheter des billets et leur avoir demandé 10 Yuans à chacun d'eux.
Selon la police, les services proposés par ce couple n'étaient pas autorisés par les autorités ferroviaires et ils ont été soupçonnés de trafic de billets.
Leurs voisins et les clients ont protesté, disant que le couple ne méritait pas un tel châtiment.
« Nous leur avons donné de l'argent et nos cartes d'identité, et ils ont acheté des billets pour nous », a déclaré l'une des clientes du couple, dont le nom de famille est Yang.
Mme Yang a dit qu'elle était reconnaissante envers le couple, car ils n'ont ménagé ni leur temps ni leur peine, à attendre des heures à l'extérieur d'une agence de billetterie. « Même l'agence de billetterie facture des frais de 5 Yuans par billet, alors je pense que c'est tout à fait acceptable qu'ils fassent payer deux fois plus pour leur service, qui est bien meilleur ».
Le sort du couple a attiré l'attention générale.
« L'affaire a été mal jugée », a déclaré He Bing, Vice-président de la Faculté de Droit de l'Université Chinoise de Sciences Politiques et de Droit.
« En effet, le couple n'est peut-être pas autorisé à vendre des billets parce qu'il n'a pas de licence pour ce genre d'opérations commerciales », dit-il. « Mais ils n'ont fait qu'acheter des billets pour des gens qui en avaient besoin et ils les ont facturés à un prix raisonnable, ce qui est une pratique courante dans une économie de marché ».
Il estime que la police doit libérer le couple.
La répression accrue des ventes non autorisées ne fait que rendre plus difficile, pour les gens comme Wang Yougong, de trouver un moyen de rentrer chez eux.