Lors de la Journée mondiale contre le sida de l'an dernier, la Ligue provinciale des jeunes communistes du Shaanxi a organisé des activités de bénévolat pour renforcer la sensibilisation et la prévention de la maladie dans la population. Cette date du 1er décembre devenue traditionnelle dans le monde entier comprend aussi la distribution gratuite de préservatifs aux passants, et ce fut le cas à Xi'an, capitale de la Province du Shaanxi.
Mais trois boîtes de préservatifs sur les six que les bénévoles ont proposé ont été rapidement refusées. Selon une bénévole de l’Université du Nord-ouest de Xi'an, les gens se sentaient toujours gênés quand elle s'approchait d'eux avec des préservatifs.
Pendant cette campagne demi-journée, huit bénévoles ont distribué seulement 35 boîtes de préservatifs.
La situation a été similaire à Chengdu, capitale de la Province du Sichuan. Un passant a rejeté les préservatifs offerts par un bénévole, et seules 4 personnes sur 10 ont accepté les brochures sur les pratiques sexuelles sans risque et les préservatifs.
Dans les deux villes, les bénévoles ont signalé que les femmes hésitaient beaucoup plus à accepter les préservatifs que les hommes. Un bénévole de Chengdu même fait état d'une femme qui a refusé les documents avec indignation, en disant qu'elle n'avait pas le sida.
Alors que ces scènes qui se sont déroulées à Xi'an et Chengdu semblent renforcer le stéréotype des attitudes conservatrices du peuple chinois envers le sexe, l'évolution et les tendances récentes montrent au contraire qu'ils sont en fait de plus en plus ouverts sur ce sujet.
AskMen, magazine en ligne pour l'homme, fondé aux États-Unis, a ainsi surpris même les Chinois en juillet dernier quand il a classé la Chine comme le quatrième pays le plus sexuel, derrière la Grèce, le Brésil et la Russie.
D’après le site, cette place de la Chine se justifie en raison de sa révolution sexuelle, illustrée en particulier par les nombreux sex-shops que l’on trouve dans ses rues.
« Ces huit dernières années, 5 000 sex-shops ont ouvert rien qu’à Beijing. De plus, la Chine a aussi une Sexpo, où les Chinois viennent découvrir tout l'attirail lié au sexe », a précisé le site.
Contrairement à l'accueil froid des passants envers les préservatifs proposés par des bénévoles à Xi'an et Chengdu en décembre dernier, les derniers chiffres de production de préservatifs et leur taux d'utilisation témoignent également du changement d’attitude des Chinois envers le sexe.
Selon le dernier rapport de marché sur l'industrie du préservatif en Chine publié par Research and Markets, un important magasin de recherche en ligne, la production de préservatifs a totalisé 10 milliards d’exemplaires en 2013, et la valeur des exportations de ces produits a dépassé 90 millions de Dollars US. En 2013, la valeur des importations chinoises de préservatifs a quant à elle été estimée à 133 millions de Dollars US environ.
Le rapport indique également que, en Chine, les préservatifs appartenaient à la catégorie des produits sanitaires avant 2002, ce qui avait conduit à un contrôle strict du gouvernement, une faible capacité de production et des marchés restreints.
Depuis 2002, le Gouvernement chinois a assoupli le contrôle de l'industrie du préservatif, qui a par la suite connu un développement rapide. Ainsi, si le volume de production annuelle de préservatifs en Chine était d’1 milliard en 1995, il est passé à plus de 10 milliards en 2013.
La Chine affiche également aujourd'hui l'un des taux d'utilisation de la contraception les plus élevés au monde. Selon les chiffres de l'Organisation des Nations Unies, le taux de prévalence chez les femmes qui sont actuellement mariées ou en couple est d'environ 85%, alors qu’il n’est que de 54% au Japon.
Face à ces chiffres encourageants, les producteurs de préservatifs et les détaillants intensifient également leur présence dans les villes de deuxième et de troisième rang pour stimuler les ventes.
Shao Yufei, propriétaire d’un sex-shop à Yantai, dans la Province du Shandong, âgé de 35 ans, a déclaré : « Je pensais que les gens du Sud de la Chine, où l’ouverture du pays a commencé, auraient une forte demande pour des préservatifs. Mais j'avais tort. Les affaires ont tout simplement été mauvaises ».
M. Shao a également exploité un magasin à Beijing en 2007, mais à cause d’une activité morose et d’une concurrence féroce, il en a ouvert un autre à Guangzhou, qui n’a tenu que six mois seulement. En revanche, il a découvert que Yantai, une ville avec une population de 7 millions, était l’endroit idéal pour son entreprise.
M. Shao vend environ 300 Yuans (48 Dollars US) de préservatifs par jour. La plupart d'entre eux sont des marques étrangères plus coûteuses comme Durex et Jissbon. A Beijing, ses ventes quotidiennes étaient d’environ 100 Yuans.
Duan Tao, directeur adjoint de la commission médicale de l'Association Chinoise de Sexologie, a déclaré : « L'utilisation du préservatif est liée à une combinaison de facteurs, comme la sensibilisation des gens à la contraception et les revenus personnels La sensibilisation à la contraception n'y est pas moins importante que dans les grandes villes ».