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La panique morale ne contribuera pas à lutter contre le sida

le Quotidien du Peuple en ligne | 01.12.2018 12h07

Les responsables de la santé ont récemment confirmé certaines des pires craintes du public chinois concernant le VIH/sida. Selon des responsables de la Commission nationale de la santé de Chine qui se sont exprimés lors d'une conférence de presse la semaine dernière, à quelques jours de la 31e Journée mondiale du sida qui aura lieu le 1er décembre, à la fin du mois de septembre, près de 850 000 personnes en Chine vivaient avec le VIH et le sida, soit 14% de plus que l'année dernière.

D'après une évaluation effectuée conjointement par des responsables chinois et des Nations Unies, il y a environ 80 000 personnes nouvellement infectées en Chine chaque année. Rien qu'au deuxième trimestre de 2018, plus de 40 000 nouveaux cas ont été signalés et, à la fin de cette année, le nombre total de personnes séropositives devrait atteindre 1,25 million.

Une nouvelle tendance notable est que 95% des cas proviennent de rapports sexuels non protégés, comme l'a confirmé un responsable du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (China CDC). Dans le passé, les transfusions sanguines à risque étaient la principale cause d'infections au VIH en Chine. Dans le même temps, a précisé le centre, les jeunes constituent désormais un groupe à haut risque, avec un taux de croissance annuel de nouvelles infections de 35%. Chaque année, quelque 3 000 étudiants sont infectés, dont plus de 80% par des relations sexuelles entre hommes.

Les applications « coup d'un soir » montrées du doigt

Selon Han Mengjie, directeur du Centre national de lutte contre le SIDA/MST du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies « La prostitution et les activités sexuelles provoquées par l'abus de drogues et les applications de réseaux sociaux ont constitué une menace pour la lutte contre le VIH/SIDA ».

Inquiète de la recrudescence des nouvelles infections à VIH dans le pays -dans un contexte de tendance mondiale à la baisse, comme le montrent les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)- certains influenceurs des médias et des médias sociaux ont rapidement montré du doigt l'attitude libérale des jeunes en matière de sexualité. Il n'en reste pas moins que peu de preuves suggèrent que les jeunes Chinois d'aujourd'hui sont plus aventureux sur le plan sexuel que les plus âgés, même avec la commodité offerte par la technologie. Dans tous les cas signalés, les auteurs ont utilisé une application de rencontre pour rencontrer leurs victimes.

L'opinion publique a emboîté le pas, allant des déclarations les plus hilarantes -par exemple avec des étudiants brandissant une bannière sur laquelle on pouvait lire « Dites non aux coups d'un soir »- à d'autres plus audacieuses affirmant que le nombre croissant de voyageurs et d'étudiants étrangers a contribué à cette hausse.

La Chine a levé l'interdiction d'entrée dans le pays frappant les personnes séropositives en 2010, une initiative qui a été vivement louée par les organisations de défense des droits de l'homme. Pourtant, lors de la récente conférence de presse, les responsables de la santé chinois se sont retrouvés à défendre cette politique en tant que norme internationale et partie inévitable de l'ouverture de la Chine.

Outre les associations généralement admises entre le VIH/sida et les consommateurs de drogue et les travailleurs du sexe, la suspicion envers les étrangers a commencé en 1985, lorsque le premier cas de VIH en Chine a été découvert chez un voyageur étranger, décédé plus tard dans le pays.

Ce cas a laissé croire pendant longtemps que le VIH/sida était une importation occidentale due à certain hédonisme perçu, bien que jusqu'à la fin des années 2000, la plupart des infections en Chine se trouvaient dans des villages pauvres et dans les régions frontalières du sud-ouest du pays, où les injections de drogues en étaient la cause principale.

Des stigmates toujours profonds

« Les visages changent de couleur lorsqu'on évoque le SIDA », dit un dicton chinois populaire, décrivant les craintes des gens à l'égard de la maladie. Pendant longtemps, elle a été considérée comme synonyme de mort, ainsi que comme un puissant moyen de dissuasion de poursuivre des styles de vie marginaux.

L'association avec la criminalité et la promiscuité sexuelle a touché de nombreux groupes marginalisés de la société chinoise. Parmi ceux-ci figurent les homosexuels hommes, les travailleurs du sexe et les toxicomanes. La prévalence du VIH parmi ces groupes accroît encore la discrimination à leur égard.

Les personnes séropositives souffrent aussi d'un degré élevé de stigmatisation perçue et intériorisée. Une étude de 2010 a ainsi révélé que les personnes qui contractaient le VIH par des voies dites « sans reproche » -la transfusion sanguine- avaient une expérience moins stigmatisante que les personnes qui ont contracté le VIH par des voies dites « répréhensibles » -c'est-à-dire des relations sexuelles avec des professionnels du sexe, avec pour conséquence que ces derniers ne divulguent pas leur statut aux autres.

Par ailleurs, une enquête menée par le ministère chinois de la Santé en 2004 a révélé des attitudes troublantes parmi la population vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH ; 59% ont déclaré qu'ils seraient nerveux et éviteraient un patient atteint du sida en public, et près de 60% des personnes interrogées ont déclaré ne pas le faire vouloir travailler avec une personne séropositive.

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Gao Ke)
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