Dernière mise à jour à 11h28 le 31/08
La rivière Yarlung Zangbo, la plus longue rivière de plateau de Chine et l'un des cours d'eau le plus haut du monde, traverse la ville de Shigatse, dans la région autonome du Tibet (sud-ouest de la Chine). Ici, les habitants de la rive nord doivent traverser la rivière rugissante pour atteindre le centre-ville et aller au-delà.
Phumtsog, 88 ans, un villageois du canton de Dongkar, et trois générations de sa descendance ont des versions différentes d'histoires de traversée de la rivière, mais sont tous témoins des grands changements qu'a connu le Tibet depuis sept décennies, du retard au progrès et de la pauvreté à la prospérité.
Phumtsog, soldat à la retraite (sixième à partir de la droite), sur une photo de famille à son domicile de la ville de Dongkar, à Shigatse, dans la région autonome du Tibet (sud-ouest de la Chine), en juillet. (Huang Kangyi / Xinhua)
Se rappelant les jours amers du passé, Phumtsog a raconté que « les enfants étaient pris comme serfs à un très jeune âge lorsque leurs dents de lait venaient de tomber, et ils devaient travailler pour leurs maîtres de l'aube au crépuscule ».
Tout comme environ 1 million de serfs dans l'ancien Tibet, Phumtsog menait une vie misérable. Les choses ont commencé à changer depuis la libération pacifique du Tibet en 1951. Puis un million de serfs ont été libérés en 1959 lorsque le servage féodal a été aboli par une réforme démocratique.
En 1956, Phumtsog, qui avait la vingtaine, réussit à traverser la rivière Yarlung Zangbo sur un bateau en peau de taureau et rejoignit l'Armée populaire de libération chinoise stationnée à Shigatse. Il y reçut une éducation de base dans l'armée pour la première fois de sa vie. Il s'engagea également en faveur de l'unité ethnique et apporta son aide à la production locale.
« Je ne me sentais pas fatigué même après avoir travaillé 24 heures sur 24, car le service était destiné au public plutôt qu'aux maîtres féodaux », a expliqué Phumtsog. Il rejoint le Parti communiste chinois en 1958.
Le fils de Phumtsog, Dawa Tsering, a hérité de la tradition de traverser la rivière sur un bateau en peau de taureau. À l'âge de 8 ans, Dawa Tsering a commencé à aller à l'école primaire dans une ville de l'autre côté de la rivière. Arriver à l'école n'était pas facile pour le petit Dawa Tsering, car il devait porter son bateau et parcourir une dizaine de kilomètres avant d'atteindre la rivière, alors que la peur de tomber à l'eau était toujours au rendez-vous. Il était pensionnaire à l'école et rentrait chez lui toutes les trois semaines.
Dans l'ancien Tibet, plus de 90% des Tibétains luttaient pour leur subsistance et jusqu'à 95% étaient analphabètes. Aujourd'hui, pour les personnes de tous les groupes ethniques au Tibet, la faim et la pauvreté appartiennent au passé, et une éducation publique est offerte dans toute la région.
La coutume de traverser la rivière Yarlung Zangbo en bateau a finalement pris fin lorsqu'un pont a été construit en 2016 dans le cadre des efforts d'éradication de la pauvreté dans le village.
La rivière n'est désormais plus une barrière. Dawa Tsering a dit que sa fille de 15 ans a pu fréquenter un lycée à Jinan, capitale de la province du Shandong (est de la Chine), grâce à un échange interprovincial dans le cadre d'une initiative de lutte contre la pauvreté.
Malgré tout, les souvenirs d'avoir commencé sa vie à partir de zéro restent gravés dans le cœur de Phumtsog. « Nous devons travailler plus dur pour vivre une vie meilleure », dit-il.
En regardant vers l'avenir, les jeunes générations de cette famille ont des attentes plus élevées. Pasang Norbu, le petit-fils de Phumtsog, envisage de se renseigner sur la mécanisation agricole, qui est en plein essor dans leur village, et de faire une incursion dans l'industrie de la plantation de pommes de terre.
Pasang Norbu place encore plus d'espoir dans sa fille de 10 ans Padma Saldron, la quatrième génération de cette famille tibétaine. Bénéficiant d'un accès pratique à l'enseignement obligatoire, Padma Saldron est inscrite dans une école primaire située dans sa propre ville et il ne lui faut que quelques minutes pour se rendre à l'école en bus scolaire. « J'espère qu'elle pourra traverser la rivière Yarlung Zangbo et sortir des montagnes et réaliser son rêve », a-t-il déclaré.
Phumtsog a reçu une médaille commémorative du PCC pour ses cinq décennies d'adhésion au Parti. « J'ai vieilli trop tôt », a-t-il dit avec un soupir de bonheur.