Les autorités sécuritaires ivoiriennes ont décidé de passer à la vitesse supérieure pour juguler le phénomène du racket routier dans le pays.
Plusieurs hauts responsables civils et militaires du pays sont montés au créneau pour dénoncer les pratiques anormales qui jettent l'opprobre sur les agents commis à la sécurité des biens et des personnes.
Lors d'une audience publique jeudi à Abidjan, le procureur militaire Ange Kessy a mis en garde contre cette pratique à la peau dure.
"Nos forces de l'ordre doivent abandonner cette pratique. Tout agent qui sera coupable de racket à un barrage routier sera traduit devant les juridictions, et les chefs du barrage seront également traduits devant le tribunal", a averti M. Kessy, invitant les supérieurs hiérarchiques à surveiller désormais leurs éléments car la responsabilité sera collective.
LUTTER CONTRE IMPUNITÉ
Pour le procureur militaire, au-delà du racket, il s'agit de lutter contre l'impunité chez les forces de défense et de sécurité.
"Autant un civil peut être traduit devant les juridictions, un militaire qui a les armes peut aussi être traduit devant les juridictions", a-t-il noté, soulignant que "les Ivoiriens en ont marre "et que "l'impunité et le racket, c'est terminé".
Selon des sources judiciaires, une vingtaine de procès liés au racket ont déjà eu lieu et une centaine d'agents ont été condamnés.
Les autorités promettent de poursuivre la répression et de retrousser véritablement les manches contre ce fléau.
"Ce sont des habitudes décennales que nous déplorons. Le gouvernement prendra ses responsabilités. Celui qui sera pris dansces actes de racket, sera sanctionné'', a déclaré le ministre ivoirien de la Justice Gnénéma Coulibaly, au cours d'une récente conférence de presse.
Pour le ministre, la lutte contre ce fléau est un combat de longue haleine.
Pour leur part, le ministre ivoirien de l'Intérieur Hamed Bakayoko et son collègue de la Défense Paul Koffi Koffi ont déjà multiplié des appels envers la police nationale, la gendarmerie et les militaires afin qu'ils changent de comportement pour se réconcilier avec la population civile et pour bénéficier de sa confiance et de sa collaboration.
"Nous voulons une police qui ne martyrise pas les Ivoiriens, nous voulons une police qui ne rackette pas les Ivoiriens", a insisté le ministre de l'Intérieur qui s'est engagé depuis plusieurs mois à redorer l'image des forces de police.
Pour M. Bakayoko, l'image des agents de police a été ternie en raison des mauvaises pratiques telles que les tracasseries routières, les extorsions de fonds, les bavures et les abus.
"Il faut un comportement nouveau qui va effacer les récriminations des Ivoiriens", avait-il recommandé, invitant les agents de police à travailler dans la probité et la responsabilité.
RÉTABLIR LA CONFIANCE AVEC LA POPULATION
"Cette prouesse passe par la lutte contre le racket, la corruption et autres tracasseries routières", note-t-il, invitant les policiers à bannir de leur corporation les fléaux qui gangrènent l'économie ivoirienne.
"En réprimant ceux qui roulent à contre-courant de la bonne gouvernance, cela incitera les opérateurs économiques étrangers à venir investir en Côte d'Ivoire afin d'améliorer la croissance", explique-t-il.
De son côté, le ministre de la Défense a effectué des missions d'inspection pour s'assurer du respect des consignes du gouvernement relatives aux rackets et barrages illégaux.
Le ministre exhorte les forces de défense et de sécurité à cesser le racket afin de rétablir la confiance avec la population.
Pour celui-ci, il s'impose de se réconcilier avec la population afin de l'encourager à collaborer avec les forces sécuritaires en dénonçant les personnes et mouvements suspects.
A plusieurs occasions, des experts ont relevé que le fléau du racket occasionne un manque à gagner à l'économie eu pays et qui crée de sérieux désagréments aux citoyens.
Selon le ministère ivoirien de l'économie et des finances, le racket représente 35 à 50% des pertes en investissement.
Une étude menée par la Banque mondiale en 2008 a par ailleurs révélé que l'Etat ivoirien perd en moyenne 350 milliards de FCFA ( environ 500 millions d'euros) par an en raison du racket.
La Banque mondiale s'est ainsi engagée aux côtés de la Côte d'ivoire à travers des appuis financiers d'actions visant à lutter de manière efficace contre le phénomène.
En vue de joindre l'acte à la parole, les autorités ivoiriennes ont mis en place des mécanismes pour combattre le fléau.
Dans leur volonté de venir à bout de ce phénomène, celles-ci sont passées à la phase de répression après la sensibilisation, avec la mise sur pied d'une brigade anti-racket.
L'Observatoire de la fluidité des transports (OFT) constitue également l'un des acteurs de la lutte inlassable contre le racket.
Par ailleurs, la Côte d'Ivoire dispose désormais d'un Centre d'appels pour recueillir toutes les dénonciations d'actes délictueux des forces de l'ordre, notamment le racket qui a pour terrain de prédilection les routes.
"Le Centre d'appels contribuera à n'en point douter à réduire le racket et ses effets négatifs sur l'activité économique, afin de faire de notre pays, une destination prisée", a souligné le président du Comité de pilotage du projet Adama Sall lors de la mise en place de la structure le 9 avril.
Pour M. Sall, le racket est une véritable gangrène dont l'éradication sera au profit de l'amélioration de l'environnement des affaires.