Le Sénégal a enregistré ces dernières années des progrès importants dans sa politique de planification familiale avec un taux passé de 12% à 16% en un an, dans une société conservatrice et musulmane à 95%, selon des chiffres officiels.
"Passer de 12% à 16% en un an, c'est quand même un élément positif", a estimé la ministre sénégalaise de la Santé et de l'Action sociale, Awa Marie Coll Seck.
Elle a indiqué que ce résultat s'explique en partie par la prise en compte de l'environnement socioculturel local, combiné à des stratégies consistant à impliquer fortement les femmes et les chefs religieux dans la sensibilisation.
Mme Seck a dit espérer que son pays atteindra le taux de 27% en 2017. "Ce qui serait déjà pas mal", a-t-elle ajouté, avant d'assurer que son département va beaucoup communiquer pour un changement de comportement vis-à-vis de la planification familiale.
"Il y a encore des gens qui sont réticents, mais je pense qu'avec une bonne communication, une bonne sensibilisation, on arrivera à plus de résultats", a déclare de son côté Mbagnick Diouf, coordonnateur de l'Association des journalistes spécialisé en santé.
Selon lui, certains sont "encore réticents parce qu'ils ne comprennent pas ce qu'est la planification familiale" et pourtant l'islam recommande l'espacement des naissances.
"Il faut qu'une maman allaite son enfant 24 mois et il faut 36 mois entre deux grossesses. C'est recommandé en islam. Et même dans la société traditionnelle, les femmes avaient des méthodes, pas modernes certes, mais qui leur évitent de prendre une grossesse", a poursuivi le journaliste sénégalais.
M. Diouf, interrogé dimanche par Xinhua, a fait remarquer que le taux de planification familiale diffère en fonction des zones à travers le pays.
"Il est beaucoup plus bas en zone rurale où la sensibilisation passe moins bien à cause des problèmes d'accès dans les coins reculés, en plus du manque de gynécologues, de sages-femmes mais aussi du matériel nécessaire à la contraception", a expliqué Mbagnick Diouf.
Le ministère sénégalais de la Santé et de l'Action sociale déroule actuellement une campagne de sensibilisation à travers des affiches visibles à travers plusieurs artères de la capitale, sur l'espacement des naissances et des spots publicitaires diffusés dans des radios et télévisions sénégalaises.
Sur les affiches, on peut lire: "Moytou Nef" (terme wolof, langue locale, qui signifie éviter les grossesses rapprochées). Sur d'autres affiches, on voyait une dame, sourire aux lèvres qui dit: "l'espacement des naissances: j'en parle avec mon mari".
Plusieurs experts assurent que la politique d'espacement des naissances, avec l'introduction de nouvelles méthodes de contraception, a permis d'éviter des décès, mais aussi des grossesses non planifiées ainsi que des avortements.
"Ces nouvelles méthodes de contraception ont fait éviter au Sénégal, au courant de l'année 2013, 590 décès maternels, 145.000 grossesses non planifiées et 46.000 avortements", a récemment révélé Dr Papa Chimère Diaw, chef division de la planification familiale à la Direction de la santé de la reproduction et de la survie de l'enfant.
Le Dr Diaw intervenait lors d'une journée d'échanges et de plaidoyer sur la santé de la reproduction et la survie de l'enfant au Conseil économique social et environnemental du Sénégal.
''Un tiers de la mortalité maternelle totale pourrait être évitée grâce à la planification familiale puisqu'elle permet aux femmes de différer la maternité, d'espacer leurs accouchements, d'éviter les grossesses non planifiées et d'éviter les avortements non médicalisés", a confié Philippe Guinot, directeur de PATH, une ONG spécialisée dans le domaine de la santé, dans un entretien avec l'Agence de presse sénégalaise.
D'autres experts pensent que la planification familiale permet un mieux être dans les familles et les naissances limitées ou espacées permettent aux parents de bien éduquer leurs enfants.
"C'est une très bonne chose dans la mesure où il faut privilégier la qualité à la quantité, mieux vaut avoir un nombre d'enfants limité et les entretenir correctement que d'avoir plusieurs enfants dont on ne garantit pas une bonne éducation", a soutenu pour sa part Mbaye Thiam, père de famille, habitant à Keur Massar (banlieue de Dakar).
"Il faut que les réticents aillent se renseigner auprès des religieux parce que l'islam n'interdit pas l'espacement des naissances", a-t-il ajouté.