Au commencement était le Big Bang 宇宙大爆炸 (yǔzhòudàbàozhà) ou « grande explosion de l'univers ». Personne n'avait pu l'observer grâce à son télescope 望远镜 (wàngyuǎnjìng) ou « lunette pour voir loin », car l'Humanité n'existait pas encore…
Pourtant le ciel 天 (tiān), la Lune 月 (yuè), le Soleil 日 (rì), les étoiles 星 (xīng) et tous les autres corps célestes 天体 (tiāntǐ) ont très vite attiré l'attention des Chinois. Il est certain que les Chinois sont parmi les premiers peuples avec les Égyptiens à s'être adonnés à l'astrologie 占星学 (zhānxīngxué) ou « l'art de prédire dans les astres » et à l'astronomie 天文学 (tiānwénxué) ou « étude des signes célestes ». D'ailleurs la sentence 观乎天文以察其变 (guānhūtiānwényǐcháqíbiàn) ou « observer le ciel pour en voir les changements » démontre très bien l'importance de ces deux sciences dans l'Antiquité chinoise. Pour les Chinois, ces changements influençaient les affaires terrestres par analogie entre le ciel 天 (tiān) et la Terre 地 (dì) dans cet espace dans lequel nous évoluons : 天地之间 (tiāndìzhījiān) « l'espace entre le ciel et la Terre ». Le souverain, comme en Égypte par exemple, recevait son pouvoir des cieux : 授命于天 (shòumìngyútiān), d'où son nom de « fils du Ciel » 天子 (tiānzǐ). D'ailleurs, lorsque l'on veut dire de quelqu'un qu'il est érudit, on dira qu'il « connaît tout depuis l'astronomie jusqu'à la géographie » 上知天文,下知地理 (shàngzhītiānwénxiàzhīdìlǐ).
Mais pendant que nous parlons, loin, depuis son Palais de glace lunaire 广寒宫 (guǎnghángōng), la légendaire princesse Chang'e 嫦娥 (cháng'é) se morfond de solitude. Elle a bien aimablement prêté son nom à la fusée chinoise éponyme et sert, par personnification, à désigner la Lune de façon poétique. L'astre est vénéré par les Chinois et possède une foule de dénominations. Parmi les plus courantes, on trouve 月亮 (yuèliàng) « lune-lumière » ou 月球 (yuèqiú) « lune-boule », appellation scientifique que l'on utilise pour dire « aller sur la Lune » 登月球 (dēngyuèqiú). Plus poétiquement, on trouve aussi 玉兔 (yùtù) : le Lapin de Jade. Il a donné son nom au rover envoyé par la Chine sur l'astre lunaire. Croyez-le ou non, mais à la pleine lune 满月(mǎnyuè), une forme de lapin, formée par les cratères lunaires, est bien visible sur « l'astre du Yin » 太阴 (tàiyīn), autre nom de la Lune. Mais il faut avoir de l'imagination pour le voir.
Chang'e se sent bien seule sur la Lune. Quand elle regarde à travers l'espace, ou le « vide suprême » 太空 (tàikōng), elle se demande si, en dehors de la Terre d'où elle a été chassée, il existe d'autres formes de vie. Sur le Soleil 太阳 (tàiyáng) ou « Yang-extrême » certainement pas… Sur d'autres planètes ? Des extraterrestres 外星人 (wàixīngrén) peut-être… Voire des Martiens 火星人 (huǒxīngrén), qui sait ?
Comme elle s'ennuie, elle compte les planètes : 水星(shuǐxīng) : planète-eau (Mercure), 金星 (jīnxīng) : « planète-métal » (Vénus), 地球 (dìqiú) : la Terre, 火星 (huǒxīng) : « planète-feu » (Mars), 木星 (mùxīng) : « planète-bois » (Jupiter), 土星 (tǔxīng) « planète-terre » (Saturne) puis 天王星 (tiānwángxīng) « la planète du roi du Ciel » (Uranus) et 海王星 (hǎiwángxīng) « la planète du roi des Mers » (Neptune).
De temps en temps, des astronautes 宇航员 (yǔhángyuán) viennent lui rendre visite. Mais la dernière fois, c'était dans les années 60… Elle attend toujours les taïkonautes chinois... Au moins, cette fois, elle pourra leur parler ! Aujourd'hui, ils ne lui envoient plus que des rovers… De temps à autre, une comète passe 彗星 (huìxīng)… Mais il n'y a pas d'étoiles filantes 流星 (liúxīng) sur la Lune, car il n'y a pas d'atmosphère 大气层 (dàqìcéng) pour les faire s'embraser… Le ciel 天空 (tiānkōng) manque à Chang'e. Mais pour se consoler, elle a vue sur la Voie lactée 银河 (yínhé) que les Chinois appellent « le fleuve de mercure ».
Parfois, un satellite 卫星 (wèixīng) lui passe devant. D'autres tournent en permanence autour de son Palais de glace. Parfois, c'est une fusée 火箭 (huǒjiàn) qui lui arrive dessus ; d'autres fois, un vaisseau spatial 宇宙飞船 (yǔzhòufēichuán)… Elle se dit qu'elle aimerait bien rentrer sur Terre 回到地球上 (huídàodìqiúshàng)… Au lieu d'avoir tout le temps « la tête dans les étoiles »天马行空 (tiānmǎxíngkōng). Ou plutôt, dans la lune…