En tant que leader politique chevronné et leader de la plus grande économie d'Europe, la chancelière allemande Angela Merkel sait mieux que quiconque qu'il ne faut pas froisser son hôte pendant des voyages à l'étranger.
Mais elle a fait une exception courageuse lors de sa récente visite au Japon en tenant des propos concernant la contrition historique de son pays pour la Seconde Guerre mondiale, au moment où plusieurs pays asiatiques sont très émotifs face à la tentative du Premier ministre japonais Shinzo Abe d'édulcorer la culpabilité de son pays pour les atrocités commises en temps de guerre.
Lors d'un discours prononcé lundi à Tokyo, Mme Merkel a déclaré que son pays s'est mérité le pardon de ses voisins européens face au rôle de l'Allemagne nazie dans la Seconde Guerre mondiale, car "en premier lieu, l'Allemagne a fait face à son passé en toute honnêteté".
Le lendemain, lors d'une réunion avec le chef principal de l'opposition japonaise, Mme Merkel a également exhorté le Japon à gérer adéquatement la question des "femmes de réconfort", des dizaines de milliers de femmes qui furent forcées à l'esclavage sexuel pour les troupes japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ces propos, repris par des médias du monde entier, sont un exemple parfait de la perception véridique de l'histoire par des générations de dirigeants politiques en Allemagne d'après-guerre.
Également vaincu dans cette guerre, le Japon adopte cependant une attitude qui marque un contraste frappant avec celle de l'Allemagne quant à la reconnaissance de son rôle odieux lors de la guerre.
Cela s'ajoute à l'effort déployé de façon quasi ininterrompue par les forces d'extrême-droite du Japon pour blanchir l'agression du pays pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs dirigeants japonais n'ayant pas présenté d'excuses sincères à ceux qui ont énormément souffert durant l'invasion et le règne colonial du Japon pendant la guerre, un club méprisable duquel fait partie M. Abe, le Premier ministre japonais en exercice.
Faisant preuve d'un fervent attachement aux sentiments de droite face à la guerre, M. Abe a récemment créé la surprise autant au Japon qu'à l'étranger avec des remarques controversées concernant le rôle joué par le Japon dans la guerre.
Dans des efforts apparents destinés à apaiser ces inquiétudes locales et étrangères, M. Abe a affirmé à différentes occasions qu'il "héritera grosso modo de la Déclaration de Murayama", mais qu'il ne se contraindra pas à en utiliser les mêmes termes exacts.
Peu importe l'habileté de M. Abe à vanter "la paix", "le développement" et "la contribution" dans sa déclaration, ce document ne sera nul autre qu'un manifeste historiquement révisionniste, en l'absence de certains mots-clés, tels que "règne colonial" et "invasion".
Si M. Abe souhaite vraiment que les pays voisins du Japon lui fassent confiance et l'acceptent, il devrait tenir compte de la leçon d'histoire de Mme Merkel: c'est uniquement en faisant face au passé qu'on trouve le chemin de l'avenir.