Le président guinéen Alpha Condé, tout en se montrant très affecté par la fin tragique qu'a connue la directrice nationale du Trésor publique, tuée par des inconnus, il y a une dizaine de jours, ne cache pas sa détermination à poursuivre la lutte contre la corruption au sein de l'administration publique guinéenne.
Dans la foulée, le professeur Alpha Condé a réitéré vendredi dernier son engagement à "donner un coup de balai" au sein de cette administration en vue de la débarrasser des brebis galeuses.
Le président a fait cette déclaration devant un groupe de sympathisants venu lui témoigner son soutien. Il a mis cette occasion à profit pour dire son étonnement de voir la Guinée devenir un Etat où la lutte contre l'incurie et la concussion peut exposer à des sorts tels que celui que vient de connaître Madame Aïssatou Boiro, la directrice nationale du Trésor, qui avait la réputation d'un haut fonctionnaire intègre.
C'est elle qui a apporté une certaine réforme au niveau du Trésor national, avec l'institution de la politique de l'unicité des caisses par exemple. Et Aïssatou Boiro avait joué un rôle de premier plan dans le démantèlement du réseau qui avait tenté en mai dernier de détourner plus de 13 milliards de Francs guinéens (1, 3 million d'euros) de la Banque centrale guinéenne.
On se souvient qu'à son retour du sommet d'Abuja, qui s'est déroulé le dimanche 11 novembre dernier, autour du déploiement d'une force de reconquête du nord Mali, le président guinéen s'était montré "profondément choqué" par l'assassinat de la directrice nationale du Trésor public de Guinée.
De l'aéroport, il s'était rendu immédiatement au domicile de la famille situé dans la banlieue de Conakry.
Le président avait promis à cette occasion que "justice sera faite" et que "les responsables de cet acte inhumain et lâche seront traduits en justice", avait rapporté un communiqué officiel publié à cet effet.
Détail important à souligner, Alpha Condé avait rappelé que l'assassinat de la Directrice nationale du trésor ne "détournera" pas le gouvernement de sa lutte contre la corruption.
Insistant sur le fait que Madame "Aïssatou Boiro a travaillé sans relâche et courageusement contre la corruption et que son travail ne sera pas vain", puis d'ajouter "Notre lutte contre la corruption est difficile, mais elle continue. La Guinée a fait trop de chemin depuis 2010 pour revenir en arrière".
Ces propos du président Condé visent certes à rassurer l'opinion nationale et internationale sur la volonté de son gouvernement à ne pas se laisser dissuader ni distraire par ce crime dans sa croisade contre les bandits à cols blancs. Mais, certains observateurs se demandent si la disparition de la directrice nationale du Trésor ne va pas créer un certain malaise au sein des régies financières, notamment au niveau des cadres chargés censés jouer un rôle important dans la moralisation de l'administration publique.
C'est le cas au Trésor, à la Direction générale des impôts ou de la Direction générale des douanes, pour ne citer que ces services, qui engrangent des gros sous, avec des cadres ayant une propension à la corruption.
En tout état de cause, il revient au gouvernement de se montrer intraitable dans sa politique de redressement et de gestion des finances publiques.
Il faut signaler que la publication de rapports annuels sur les activités de l'Agence nationale de lutte contre la corruption, avait été parmi les facteurs ayant favorisé la réduction d'environ 2,1 milliards de dollars du fardeau de la dette guinéenne, dans le cadre de l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).
Du côté des partenaires au développement, l'on demande que toute la lumière soit faite sur l'assassinat de Madame Aïssatou Boiro, devenue un symbole de la lutte contre la corruption en Guinée.
Pour le moment, les enquêtes préliminaires suivent leur cours, et les autorités judiciaires ne voudraient pas qu'il y ait d'amalgame entre l'assassinat de Madame Boiro et la tentative de détournement des 1, 3 millions d'euros dont les prévenus ont été écroués à la grande prison de Conakry vendredi dernier.
Mais elles n'écartent pas non plus la piste d'un règlement de compte lié à ce crime qui a coûté la vie à Aïssatou Boiro.
Quelque soit l'issue de l'enquête, il s'avère désormais évident aux yeux du gouvernement guinéen que débarrasser l'administration de ses vieilles habitudes comme la corruption peut parfois devenir un exercice périlleux.