L'union de l'opposition est en équation dont la résolution a toujours défié les leaders politiques qui se posent au régime en place au Togo depuis 40 ans.
Aux premières années de l'enclenchement de la révolution démocratique en 1990 par un soulèvement populaire contre le régime de feu Eyadèma Gnassingbé, on avait pourtant noté une volonté des opposants de mener la lutte pour le changement et l'alternance dans des actions concertées et dans l'unité. Mais le temps finira par déchanter par les militants de l'opposition et mettre leurs leaders en position de rivalité continue.
L'échec de l'opposition divisée lors des différentes élections face au Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) resté toujours soudé et compacte est l'illustration de l'incapacité de l'opposition à accéder au pouvoir en rangs dispersés. Aujourd'hui, l'Union pour la République (UNIR), le nouveau parti de la mouvance présidentielle qui a vu le jour sur les cendres du RPT dissout s'active à conquérir tout le territoire et les électeurs face aux tergiversation de l'opposition en mal de s'unir vite pour affronter les échéances législatives et locales en vue avec l'espoir de les gagner et d'opérer l'alternance qu'elle souhaite tant.
Des hommes politiques de bonne foi ont conscience du défi pour l'opposition de s'unir. L'un de ces politiques, Francis Ekon, président national de la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP- parti modéré) s'est, dans une interview accordé en début de semaine sur pa-luniom.com, un site du bihebdomadaire togolais L'Union pour la Patrie, livré à un diagnostic minutieux sur la question. Interrogé sur la positon de son parti par rapport à l'une éventuelle union de l'opposition, M. Ekon a affirmé que la CPP est d'accord pour une opposition unie dans la perspective des prochaines élections aussi bien législatives, locales que présidentielles, mais à condition que cette union ne soit pas contre nature et qu'elle ne soit dirigée contre quelque Togolais que ce soit. Il se veut bien clair en rappelant qu'en général, leurs méthodes ne sont pas les mêmes, les objectifs à atteindre ne sont pas les mêmes, et souvent il y a tellement de querelles de personnes. Conséquence, même si l'idée l'enchante à nouveau comme un label, il ne cache pas que c'est extrêmement difficile de se mettre ensemble au Togo.
« Je voudrais d'abord dire que l'Union de l'opposition est un souhait d'une partie non négligeable de l'opinion nationale et une exigence même de raison, face à UNIR qui a aujourd'hui une force dans le pays. Toutefois, l'expérience de vingt ans de lutte politique, où des alliances de circonstance de toute nature ont été expérimentées sans grand succès, et souvent sans lendemain. Il ne sera pas responsable de faire aujourd'hui, l'économie des leçons avant de savoir si on doit s'engager ou non, dans une union. D'abord, il faudrait accepter une chose au Togo. L'opposition est plurielle. Les unions contre nature sont sans lendemain », a-t-il dit dans son interview.
Tirant les leçons de la mise à l'écart dont son parti a été victime au cours des tentatives de coalition éphémère de l'opposition, il répond que « c'est pourquoi nous disons que les unions contre nature, de circonstance, juste pour enlever quelqu'un, sont des unions sans lendemain; le minimum pour définir l'opposition aujourd'hui, c'est des partis politiques qui acceptent l'alternance apaisée au pouvoir; c'est comme ça que je vois une opposition dans laquelle on peut s'inscrire. Parce que ce n'est pas l'absence de programme seulement qui fait que nous échouons « et d'ajouter que « c'est parce que en général, les méthodes ne sont pas les mêmes, les objectifs à atteindre ne sont pas les mêmes, et souvent il y a tellement de querelles de personnes, qu'il est extrêmement difficile de se mettre ensemble.
Selon lui, la motivation de l'union, bien entendu est importante pour la CPP. Mais, relève-t-il, « si l'union est dirigée contre des personnes, contre d'autres Togolais, nous ne sommes pas preneurs, parce que si vous vous mettez ensemble juste pour chasser quelqu'un, attendez-vous que ces entreprises ne réussissent, il n'y a plus de raison que vous restiez ensemble et c'est le plus fort d'entre vous qui chassera les autres pour appliquer son propre programme sans être gêné et on aura juste aidé un parti à se hisser au pouvoir et sans aucune garantie »
« L'alternance, nous y ajoutons l'alternance apaisée. C'est le problème fondamental chez nous. Nous sommes d'accord, pour qu'il y ait une alternance dans notre pays. Mais l'alternance genre, ce que nous avons au Congo Zaïre, ou bien que nous avons en Libye, ou bien que nous avons en Egypte, etc., ce n'est pas le genre d'alternance que la CPP peut soutenir. Nous sommes faux patriotes pour soutenir ce genre de chose.
A la question de savoir si la CPP envisage un rapprochement avec les coalitions Sauvons le Togo et Arc-En-Ciel, il répond que « nous avons, vous savez, nos idées qui sont très claires; y en a même ceux qui ne sont pas négociables et l'alternance apaisée n'est pas négociable, c'est-à-dire que la CPP ne peut pas se mettre dans un groupe qui voudrait avoir l'alternance par les armes et ne le pourrons pas ».
Les partis de l'opposition togolaise, selon lui, doivent mettre le travail au plan N°1 des efforts à faire dans toute union, et troisièmement réaffirmer haut et fort que les togolais doivent vivre ensemble, vivre ensemble et de travailler ensemble, sont pour nous extrêmement important. « Si nous sommes d'accord là- dessus et que l'on se met encore d'accord pour une meilleur redistribution des ressources de notre pays et une lutte implacable contre l'injustice sociale, avec surtout un comportement démocratique que nous appliquons à nous même, qui suppose le respect de l'opinion de l'autre, alors, pourquoi on ne serait pas en union ? Mais si tout cela est absent, l'union devient extrêmement difficile. Parce que vous savez, dans le passé, vous allez vers une union, vous entrez dans un regroupement dans lequel vote opinion ne compte pas, vous avez l'impression d'être la cinquième roue de la charrette, et ça, nous l'avons eu dans le passé. Donc, chat échaudé craint l'eau froide. », a-t-il martelé.
Après vingt trois années de lutte effrénée, l'opposition ne s'est jamais véritablement unie et les observateurs pensent que si elle ne prend pas conscience de ses erreurs du passé pour se rectifier, elle rencontrera encore un échec aux prochains scrutins.