Dans une interview accordée récemment à Xinhua, en prélude de la visite du président américain Barack Obama à Dakar, Ibrahima Niang, chercheur à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar et socialogue spécialiste des questions de la Chine en Afrique, estime que le voyage d'Obama en Afrique vise aussi à contenir la percée chinoise sur le continent.
Q : Comment analysez-vous la visite du président Obama en Afrique notamment au Sénégal. Mais également en Tanzanie et en Afrique du Sud, deux pays déjà visités par le président chinois ?
R : Il y a une sorte de ressemblance assez troublante à propos de l'itinéraire en Afrique des deux présidents, chinois et américains. Parce qu'à l'exception du Sénégal, les mêmes pays (Tanzanie et Afrique du Sud) ont été visités en mars dernier par le président chinois. En quelque sorte le continent africain est présenté comme un enjeu à la fois territoriale et économique pour ses deux grandes puissances.
Après l'élection d'Obama, les Africains pensaient qu'il va y avoir des changements sur le continent africain. Mais, ce n'est pas le cas. Au cours de son premier mandat, les questions africaines n'étaient véritablement pas ses priorités. C'est en entamant son second mandat qu'Obama a choisi de visiter ces trois pays africains pour marquer le retour ou l'ancrage des USA sur le continent. Et le choix d'un pays francophone, le Sénégal, s'explique par le fait que ce pays dégage un certain leadership sur le plan démocratique au niveau de l'Afrique occidentale. Il y a également l'île de Gorée où il devra se rendre, pour marquer ses origines africaines et celle de son épouse. Sinon cette visite s'explique par le fait que l'Afrique est passée d'un continent à la dérive à celui de toutes les convoitises. Et ce déclic est venu avec le retour en force de la Chine sur le continent africain. C'est d'ailleurs ce retour en force de la Chine en Afrique qui explique le fait que les pays africains ont pu bénéficier des financements américains comme le Millénium Challenge account (MCA).
Q : Quel est le rapport avec la Chine ?
R: En effet, le MCA a été obtenu du gouvernement américain par certains grands artistes qui exercent dans le milieu de la musique et dans d'autres domaines artistiques. Ces derniers ont demandé au président Georges Bush d'aider l'Afrique. Or pour M. Bush, cela ne valait pas la peine car il y a eu des aides qui n'ont pas donné de résultats significatifs. Pour le convaincre, ces artistes ont fait savoir au président Bush que s'il abandonne l'Afrique, la Chine va la récupérer. Voici comment les USA ont commencé à s'intéresser beaucoup plus au continent en lui octroyant un programme de financement : MCA, dont le Sénégal a pu bénéficier.
Q : Est-ce une menace pour la Chine ?
R : Je ne pense pas que cela puisse être une menace pour la Chine. Il est vrai que l'avancée chinoise sur le continent inquiète les anciennes puissances coloniales et les USA. Mais pour l'instant, ces pays expriment cette inquiétude à travers les médias, les éditoriaux et une certaine littérature qui est encouragée par certains intellectuels. Mais dans les faits, les intérêts de ces anciennes puissances occidentales sont encore présents sur le continent. Même si les échanges commerciaux entre l'Afrique et la Chine sont devenus très importants.
Q : Qu'est-ce qui a facilité cette percée chinoise en Afrique ?
R : C'est parce que l'Afrique est un continent d'espoir pour les Chinois. Selon eux, l'Afrique est la dernière terre vierge dans le monde : un continent qui offre beaucoup d'opportunités et qui est appelé à se positionner dans l'avenir. Contrairement à une vision paternaliste qui considérait que l'Afrique est mal partie, elle n'a plus d'avenir. Les Chinois en se positionnant ont amorcé une sorte de rupture dans la compréhension du continent africain. Ils voient d'un autre œil l'Afrique qui diffère de la vision paternaliste véhiculée par les occidentaux.