Captivante par ses spectacles d'animation publique illustrant la mobilisation de lourds moyens financiers de la part de certains postulants, la campagne de l'élection présidentielle prévue le lendemain à Madagascar s'achève ce jeudi matin à 6 heures locales (3h GMT) sur un goût d'inachevé pour son caractère brouillé à cause de la pléthore de 33 candidats en lice.
De divers calibres comme c'est devenu quasiment la mode au fil des élections organisées en Afrique, ces 33 personnalités à l'assaut de la présidence malgache ont jeté chacune après un mois de campagne lancée le 23 septembre, ses dernières forces dans la bataille par des meetings pour la plupart concentrés dans la capitale Antananarivo mercredi, avec pour certains une démonstration de force à l'américaine.
C'est un jeu par lequel s'est surtout employé à attirer l'attention l'industriel Edgard Razafindravahy, inscrit sous le numéro 34 sur la liste des candidats avant l'invalidation par la Cour spéciale électorale des dossiers de huit autres parmi lesquels le président de la Transition Andry Rajoelina, l'ex-président Didier Ratsiraka et Lalao Ravalomanana, épouse de l'ex-président Marc Ravalomanana.
Propriétaire d'un groupe de presse comportant une télévision, deux stations radios et un journal (L'Express), ce riche importateur de vanille qui a été officiellement investi par le parti de Rajoelina à la suite, dit-on, d'un truquage électoral au détriment de Camille Vital, candidat numéro 10, incarne l'ambition d'un acteur économique puissant pour le pouvoir politique suprême, en vue d'assoir sa notoriété à une échelle plus étendue.
Avec des moyens relativement moins impressionnants, les autres candidats ont tenté de se mettre au diapason afin de pouvoir s'attirer les faveurs des 7.823.305 Malgaches inscrits sur les listes électorales, sur une population totale estimée entre 20 et 22 millions d'habitants dont 67% vivent en milieu rural, d'après les chiffres officiels.
CONSOLATION A LA VIE
Mais les meetings ont davantage donné l'impression de faire déplacer des badauds, en grande partie des jeunes désœuvrés et scolarisés y compris des mères d'enfants attirés par les shows artistiques utilisés comme appât plutôt que des vrais militants politiques. Ce qui a fait dire au politologue Raniriharinosy Harimanana dans une analyse à Xinhua que « les Malgaches en ont profité pour faire la fête, parce que c'est ce qu'ils savent faire de mieux ".
Concrètement de l'avis de ce maître de conférences en science politique de l'Université d'Antananarivo, " les gens répondent massivement à l'invitation de tel ou tel candidat. Ils mettent des T-shirts offerts. Il y en a qui se retrouvent avec quatre ou cinq T-shirts de candidats différents. Ils prennent cela comme une consolation à la vie. Que voulez-vous du pouvoir de transition, de la volonté de la communauté internationale ? ".
Financé pour près de la moitié par la communauté internationale, ce scrutin vise à une sortie de crise à Madagascar quatre ans après le coup d'Etat d'Andry Rajoelina de janvier 2009 contre le pouvoir de Marc Ravalomanana, "un moment malheureux de la vie politique malgache", selon Harimanana qui y voit "la grande revanche de la France sur les Etats-Unis pour la proclamation de la victoire de Ravalomanana dès le premier tour le 6 mai 2002 ".
Répartis entre 53,97% d'hommes, soit 4.222.510 inscrits, et 46,03% de femmes, soit 3.600.795 inscrits, les électeurs sont appelés aux urnes dans 20.001 bureaux de vote dans les 22 régions administratives du pays insulaire de l'océan Indien, avec quelque 140.000 personnels électoraux à pied d'œuvre.
En plus de 5.000 observateurs nationaux, environ 700 observateurs internationaux sont annoncés, issus notamment de l'Union africaine (UA), de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), de la Commission de l'océan Indien (COI), de l'Union européenne (UE), de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), etc.
Pour faciliter la collecte les résultats du vote, 10 hélicoptères mis à disposition de la Commission électorale nationale indépendante de la transition (CENIT) par la SADC seront mis en service, a fait savoir la présidente de cet organe électoral, Béatrice Atallah.
"La CENIT est fin prête pour s'acheminer vers ce premier tour de l'élection présidentielle...C'est une élection de sortie de crise. Ce n'est pas une élection classique", a déclaré cette magistrate à la presse mercredi lors de la visite du centre de traitement des données spécialement mis en place dans les locaux de cette institution à Antananarivo pour la gestion du fichier électoral et du traitement via un système Intranet par voie électronique des résultats.
ELIMINER LES FRAUDES
"C'est la première fois quand même à Madagascar qu'on a eu ce centre de traitement. Je crois que c'est la fierté pour nous Malgaches aujourd'hui. Le défi de la CENIT, c'est surtout de collecter les résultats le plus tôt possible et aussi de vraiment éliminer les fraudes", a-t-elle poursuivi.
Mme Atallah a réagi aux rumeurs de fraudes entendues autour de l'élection en faisant part de " l'engagement de la CENIT d'être dans la transparence totale".
"De toute façon, a-t-elle insisté, il n'y a pas de fraudes possibles. Ce n'est pas possible et ça n'existe pas, les fraudes à Madagascar. Je vous assure que les fraudes, si elles existaient à l'époque, ce n'est pas de la section de recensement de matériel de vote arrivé au centre d'Antananarivo. C'était tout le temps entre les bureaux de vote et l'arrivée dans les chefs-lieux de districts".
Mais le politologue Harimanana est ceux qui pensent que "ce ne sera pas une élection sincère. C'est une élection truquée, depuis le financement jusqu'aux résultats. Le pronostic ne sera pas fiable. La communauté internationale qui est derrière connaît le ou les deux candidats qui sortiront au premier tour. C'est une élection pour essayer de sortir de la crise momentanément, mais pour l'histoire prochaine de Madagascar ".
Certains observateurs citent une dizaine de candidats qui émergent et font figure de favoris. L'universitaire écarte cette analyse en affirmant qu'" il n'existe pas de candidats réellement favoris, sauf Robinson Jean Louis qui représente toute la mouvance Ravalomanana qui souhaite le retour de l'ancien président".
S'y ajoutent, des "politiques traditionnels qui ont un ancrage un peu partout dans les régions". A savoir Pierrot Rajaonarivelo, candidat numéro 28, Roland Ratsiraka, neveu de Didier Ratsiraka inscrit sous le numéro 5, puis Hajo Andrianainarivelo, candidat numéro 6. Pas de Hery Rajaonarimanpianina, candidat numéro 3 déclaré soutenu par Rajoelina, ni d'Edgard Razafindravahy dans cette liste.
Ce verdict reste à confirmer par les résultats officiels dont la CENIT annonce la publication dans un délai de dix jours après le scrutin. Au cas om aucun des 33 candidats en compétition n'obtient la majorité absolue des suffrages, un second tour sera organisé le 20 décembre, d'après le calendrier officiel qui prévoit la tenue à cette même date des élections législatives.
Par Raphaël MVOGO