Plus de 7,8 millions d'électeurs malgaches inscrits devront se rendre aux urnes vendredi pour élire parmi 33 candidats leur futur président pour les cinq prochaines années lors d'un scrutin censé permettre de tourner la page de près de cinq ans d'impasse politique et favoriser la relance de l'économie nationale plombée par une paralyse due à cette crise.
Très attendu par la communauté internationale qui déploie, au côté de 5.000 observateurs nationaux, environ 700 observateurs de divers pays et organisations, ce rendez-vous électoral a des allures d'un concours pour la réhabilitation de la Grande Ile, suspendue du concert des nations après le coup d'Etat d'Andry Rajoelina de janvier 2009 contre le pouvoir de Marc Ravalomanana.
Pour cette raison, les autorités de la transition à Antananarivo sont soumises à l'obligation d'organiser une élection crédible, juste et transparente pour pouvoir obtenir l'annulation des sanctions économiques imposées à leur pays à cause de coup de force.
L'enjeu est énorme, puisque Madagascar, un des pays pauvres du monde, dépend à 40% de l'aide extérieure pour le budget de l'Etat et à 70% pour ses infrastructures (routes, hôpitaux, écoles, etc.), d'après les précisions de la représentante résidente du système des Nations Unies et du Programme de développement des Nations Unies (PNUD), Fatma Samoura.
Le gel de cette aide a entraîné une détérioration des indicateurs humains et socioéconomiques nationaux, de sorte que pour cette année les prévisions de croissance du PIB (produit intérieur brut) annoncées par la Banque mondiale s'établissent à un taux de 3,3% (après 3,1% en 2012) largement en dessous des 5% de moyenne annuelle avant la crise.
De l'avis de l'institution basée à Washington aux Etats-Unis dans son rapport d'évaluation du pays pour 2013, « la proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté (proportion qui était déjà élevée avant la crise) a sans doute augmenté de plus de 10 points de pourcentage ». Ainsi, précise-t-elle, « aujourd'hui, 92% de la population vit avec moins de 2 dollars PPA (parité de pouvoir d'achat) ».
« Madagascar fait partie des pays les plus pauvres au monde avec un PIB par habitant ne dépassant pas les 230 USD où plus de la moitié des enfants de moins de cinq ans enregistrent un retard de croissance... Depuis l'avènement de la crise, plus de 300.000 Malgaches ont perdu leur emploi, suite à la fermeture de leurs unités de fabrication et dix femmes en couche meurent tous les jours, faute de structures de santé de qualité », renchérit Mme Samoura.
En outre, note-t-elle encore, « plus de la moitié des enfants enregistre un retard de croissance », du fait de la malnutrition aiguë qui, à en croire les estimations de la Banque mondiale, a augmenté dans certaines zones de plus de 50%. Sans oublier que 1,5 million d'autres dont 600.000 supplémentaires qui devraient aller à l'école ne le sont pas.
« Nous avons 20 millions de personnes dont 13 millions, au moment où je vous parle, sont encore sous la menace d'une famine, parce que depuis 2010, par manque de financements, des mesures adéquates n'ont pas été prises pour pouvoir lutter contre le péril acridien », fait savoir par ailleurs la responsable onusienne.
L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) estime en effet que jusqu'à 60% de la récolte de riz est menacée par l'invasion acridienne. C'est une situation qui engendre une hausse des prix de cette denrée, « qui normalement était constatée pendant la période de soudure et qui se passe déjà », s'inquiète Fatma Samoura.
Une hausse de 7,2% de la moyenne nationale du prix du riz local est annoncée au premier semestre 2013 par rapport à la même période de l'année 2012. Or, pour les 20 à 22 millions de Malgaches, ce produit qui enregistre une production annuelle moyenne d'environ 5,9 millions de tonnes, représente 14% du panier de consommation dont 13,4% pour le riz local, contre 1,2% pour les produits pétroliers et 6% pour l'énergie.
En raison d'une production nationale inférieure aux besoins de consommation, le pays se livre à des importations qui augmentent au fil des années. Au premier semestre 2013, le volume déclaré s'élavait déjà à 200.406 tonnes, contre 155.786 tonnes pour l'ensemble de l'année 2008, 89.127 tonnes en 2009, 122.407 tonnes en 2010, 192.159 tonnes en 2011 et 203.825 tonnes en 2012, selon les statistiques officielles.
Madagascar est un exportateur de clou de girofles qui, après 12.000 tonnes d'exportations annuelles moyennes sur la période 2001-2010, a grimpé au-dessus de 20.000 tonnes en 2012. Depuis novembre 2012, le nickel est devenu le premier produit d'exportation national avec plus de 30 millions de dollars en moyenne d'exportation par mois.
Après avoir figuré parmi les pays africains ayant connu les plus forts taux de croissance en termes d'arrivée des touristes, la Grande Ile a reculé dans le classement, avec notamment une baisse estimée à 21% de l'arrivée des visiteurs non-résidents aux frontières au cours du premier semestre 2013.
Pour alléger le déficit de la balance commerciale qui subit les effets de la baisse des financements, le gouvernement se voit obligé de puiser dans les réserves internationales. Celles-ci ont cependant diminué de 1.051 millions de dollars fin décembre 2012 à 853 millions de dollars fin juin 2013.
« Nous pensons que si vraiment le peuple choisit un leader qui répond à ses aspirations et que ce leader a un bon programme social, les amis et les partenaires de Madagascar seront là pour l'accompagner à retrouver son rang au niveau de l'échiquier international », assure somme toute la représentante résidente du système des Nations Unies à la veille de la présidentielle prévue ce vendredi.