Dernière mise à jour à 13h15 le 13/12
Le drame survenu mardi soir dans le camp militaire d'Inates (ouest du Niger), près de la frontière avec le Mali, qui a vu 71 soldats nigériens tués par des djihadistes, a provoqué choc, incompréhension et inquiétude au sein de l'opinion nigérienne.
La garnison d'Inates, le poste le plus avancé des Forces armées nigériennes (FAN), a fait l'objet pendant plus de trois heures d'une attaque d'une rare violence "qui a combiné des tirs d'artillerie et l'emploi de véhicules kamikazes par plusieurs centaines de terroristes lourdement armés à bord des colonnes de véhicules et de motos, selon le ministère de la Défense, déplorant également 12 blessés et des disparus.
Depuis, c'est la consternation chez tous les Nigériens très marqués par cette tragédie qui, de mémoire, n'ont jamais vu leur armée connaître pareilles pertes depuis l'avènement des djihadistes dans cette zone.
Le président Mahamadou Issoufou, en déplacement en Egypte pour une rencontre sur la paix en Afrique, a écourté sa mission dès qu'il a été informé du drame et a obtenu de son homologue français Emmanuel Macron le report du sommet que ce dernier avait convoqué à Pau, en France, le 16 décembre prochain pour discuter avec les chefs d'Etat des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) de la sécurité dans cette région.
Cette attaque survient 24 heures après celle qui a visé lundi à l'aube un camp militaire à Agando, lui aussi proche de la frontière avec le Mali, et qui s'est soldée par la mort de trois militaires tués et de quatre autres blessés, ainsi que 14 terroristes tués.
Elle est le signe, pour beaucoup de Nigériens, d'une dégradation continue du contexte sécuritaire, alors que toute cette partie du pays est placée sous état d'urgence, et en dépit notamment de l'important dispositif sécuritaire déployé dans la région et la présence des forces militaires étrangères, notamment françaises (opération Barkhane) et américaines.
Le ministre nigérien de la Défense, Issoufou Katambé, a avoué jeudi à la chaîne allemande Deutsche Welle ne pas s'expliquer comment des colonnes de djihadistes ont pu ainsi progresser et passer impunément à l'attaque dans une zone aussi surveillée que la région d'Inates, annonçant que le Niger allait "faire le point de cette situation pour savoir exactement ce qui s'est passé".
Pour Moussa Tchangari, un responsable de la société civile, les Nigériens sont "particulièrement inquiets parce que le bilan est très lourd et ça montre que la menace est quand même assez proche, y compris dans notre capitale, parce que Inates, c'est à moins de 300 kilomètres de Niamey".
Pour Kaka Touda, autre acteur de la société civile, "la nation est en péril". Il a dit ne pas comprendre qu'"avec toute la technologie dont disposent (les forces étrangères) qui sont là pour nous accompagner, que des terroristes puissent traverser tout cet espace avec plusieurs colonnes de véhicules et venir faire ce carnage; on n'arrive pas à comprendre véritablement ce qui s'est réellement passé".
Alio Oumarou, président du Conseil nigérien de la jeunesse, s'est dit "choqué, attristé et profondément déçu" de ce qui s'est passé à Inates. "D'où viennent ces véhicules blindés, toutes ces armes plus sophistiquées utilisées par ces terroristes? Que font nos partenaires? s'est-il demandé.
Nombreux sont les Nigériens qui soutiennent que le pays a pourtant un dispositif militaire très bien structuré, déployé sur de nombreux fronts, notamment dans le cadre de la lutte contre Boko Haram dans l'est, les groupes djihadistes dans l'ouest et les groupes armés et autres bandits de tout acabit au nord, près de la frontière avec la Libye.
Le Niger contribue aussi à la force conjointe du G5 Sahel et à la force multinationale mixte dans le bassin du lac Tchad, ainsi qu'à l'étranger. Ils estiment cependant que ce sont des moyens adéquats dont a besoin leur armée de la part de ses partenaires dans sa mission de sécurisation du territoire national face aux menaces des forces du mal.
"Consterné", le Parlement nigérien a condamné jeudi cette attaque "sauvage" du camp d'Inatès, interpelant la communauté internationale "sur ses responsabilités dans cette guerre sournoise qui est déclarée au monde entier" et lui demandant "instamment de créer une coalition de forces internationales pour combattre le terrorisme au Sahel".