Dernière mise à jour à 10h43 le 13/01
Suite à l'échec de former un gouvernement dans les délais constitutionnels, le président tunisien, Kaïs Saïed, a entamé samedi une série de concertations pour désigner la personnalité la plus habilitée de former un gouvernement.
Selon la présidence tunisienne, Kaïs Saïed a commencé par un entretien avec le chef du pouvoir législatif, le président de l'Assemblée des représentants du peuple (parlement), Rached Ghannouchi, également président du parti Ennahdha, majoritaire au parlement avec un bloc de 54 députés.
"Cette réunion s'inscrit dans le cadre des consultations dictées par le chapitre 89 de la Constitution, dans le sillage des résultats du vote relatif à l'octroi de la confiance au gouvernement qui a eu lieu hier au Parlement (un vote de non-confiance)", peut-on lire dans un communiqué officiel.
La décision du Parlement tunisien, refusant d'accorder sa confiance au gouvernement proposé par Habib Jemli, a renvoyé la balle dans le camp du président Kaïs Saïed et la donne politique du pays revient, désormais, à la case de départ mais, cette fois selon certains observateurs, avec des pressions plus évidentes vu les délais de 10 jours pour désigner un autre chef de gouvernement et un mois plus tard pour former et voter la confiance au cabinet proposé.
Pour certains analystes locaux, la situation actuelle anéantit le poids parlementaire des principaux partis politiques puisque le choix du nouveau chef du gouvernement ne reviendrait plus au parti majoritaire mais plus tôt au chef de l'Etat qui se limitera à trouver un consensus autour d'une personnalité nationale capable de former un gouvernement.
En effet, il s'agit de la première fois en Tunisie, depuis le soulèvement de 2011, qu'un gouvernement échoue à avoir la confiance du parlement bien que le parti majoritaire le soutienne pleinement.
"Cette évolution est considérée comme l'une des répercussions les plus distinctives dans l'échiquier politique tunisien du refus du Parlement, plus particulièrement, de l'opposition, de donner confiance au gouvernement et se réunir contre un candidat du parti islamiste majoritaire, Ennahdha ", a commenté Housem Rejeb, analyste tunisien.
Selon lui, "preuve en est le nombre des députés ayant refusé la confiance au gouvernement propose, soit 134 voix, face à uniquement 72 voix favorables (...) ainsi, probablement, que le parti Ennahdha avec ses 54 députés et son principal allié, l'Alliance al-Karama (Dignité), qui compte 21 députés, ont voté pour la confiance au gouvernement de Jemli".
Pour Nizar Makni, expert et analyste spécialisé en politique intérieure tunisienne, "le parti Ennahdha se trouve désormais isolée politiquement, après l'échec du vote du confiance au gouvernement qu'il (Ennahdha) avait proposé son chef (...) ce parti a misé sur des fractures au sein de certains partis libéraux, mais enfin, une sorte de conciliation a bouleversé la balance en faveur de la non-confiance", a-t-il confié à Xinhua.
D'après M. Makni, "la composition du prochain paysage politique tunisien sera en grande partie tributaire de certains rapprochements politiques résultant du vote de confiance de vendredi écoulé [...] il s'agit essentiellement de probables alliance entre les partis Tayha Tounes (parti du Premier ministre sortant) et Qalb Tounes (deuxième parti au parlement, 38 députés) et d'un autre côté le bloc démocrate qui compte 41 députés et celui de la Réforme nationale (15 députés)".
Dans une déclaration publiée vendredi dans la soirée, l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA, centrale patronale) a souligné l'importance de choisir une "personnalité nationale indépendante" à la tête du gouvernement qui bénéficie de la confiance des différentes sensibilités politiques du pays.
La puissante centrale des patrons insiste, par ailleurs, sur le fait que le nouveau chef de gouvernement "devra impérativement disposer d'un rayonnements aux niveaux national et international et hautement qualifié pour ainsi pouvoir relever les défis majeurs auxquels notre pays est confronté dans tous secteurs", peut-on lire dans ladite déclaration.
Politiquement parlant, l'UTICA réitère l'importance d'opter pour un gouvernement apolitique loin des quotas partisans et doté d'une vision claire "qui sera en mesure de faire face efficacement aux enjeux économiques et sociaux actuels et d'approuver les réformes fondamentales, rétablir le rythme de la croissance et des investissements nationaux et internationaux".
Professeur de droit constitutionnel, Rafaa Ben Achour a réagi suite au refus du parlement tunisienne d'accorder sa confiance au gouvernement de Habib Jemli en affirmant que le président Kaïs Saïed "ne peut pas choisir une personnalité et l'imposer aux partis politiques (...) il (Saïed) doit tenir compte de nombreux facteurs et intensifier ses consultations avec toutes les parties y concernées".
"Cette personnalité nationale doit faire l'unanimité et le consensus autour d'elle pour que son gouvernement ait la confiance du parlement du fait que, sinon, cela sape la crédibilité du président", a-t-il commenté.
Le président de la République devra désigner dans dix jours, à compter du 11 janvier courant, la personnalité la plus capable de former un gouvernement dans un délai d'un mois, et ce, après des consultations des partis politiques, blocs parlementaires et coalitions.
Dans le cas où cette personnalité échoue à former un gouvernement où à avoir la confiance du parlement (majorité absolue requise, soit 109 voix favorables sur 217 possibles), Kaïs Saïed procéderait à la dissolution de l'Assemblée des représentants du peuple (parlement) et convoquerait des élections législatives anticipées.